-Lënah-

Le vent froid et matinal de décembre faisait frémir les conifères, recouverts d'une fine couche de gel. Malgré ses vêtements chauds, cette brise glaçait Lënah. La jeune elfe se mit à claquer des dents et réajusta l'écharpe autour de son cou.

Pourquoi la Cérémonie a-t-elle lieu en décembre, et qui plus est le dernier jour du mois ?! maugréa-t-elle intérieurement.

Au fond, elle savait très bien pourquoi tous les elfes ayant eu douze ans cette année devaient se regrouper pour la cérémonie ce jour même. C’était la seule date de l'année qui permettait aux elfes nés la même année que Lënah de participer à la Cérémonie car il fallait obligatoirement avoir douze ans. Lënah pensa que c’aurait été horrible si elle avait eu lieu en octobre. Elle qui était née en novembre n’aurait pas pu y participer.

Pour se remonter le moral face au vent glacial, elle se dit que ça valait la peine de venir ce jour-là pour tous les elfes nés vers la fin de l’année.

Elle se rendit compte qu’en se perdant dans ses pensées elle s’était arrêtée. Elle se remit donc en marche en suivant le petit sentier qui menait au Temple de la Cérémonie. Elle remarqua qu’on avait déposé de jolis bocaux contenant une flamme de chaque côté du sentier et ce jusqu’au Temple. Elle marcha tout en les contemplant tandis que l’herbe couverte de gel crissait sous ses chaussures épaisses.

Quand elle arriva devant le Temple, ses yeux s’écarquillèrent. Il était encore plus grand que ce qu’elle avait imaginé ! Ses murs en pierre étaient sertis de joyaux formant des lignes parfaitement droites sur la façade que Lënah pouvait voir. Elle remarqua que les rangées continuaient et faisaient sûrement le tour du bâtiment. Les fenêtres étaient entourées de fleurs. Les longues oreilles pointues de Lënah remuèrent, signe de son admiration.

Un garde du Temple se dirigea soudain vers elle, Lënah le savait car il portait une longue blouse noire tombant à ses pieds. Elle affichait en blanc le symbole du Temple écrit en ancien elfique.

Le garde la secoua :

• Ne reste pas plantée là, la Cérémonie va commencer !
• Oh, heu… Oui, merci j’y vais, désolée !

La jeune elfe s’empressa d’entrer dans le Temple, qui se trouvait encore plus beau de l'intérieur. Un lustre en cristal était accroché au plafond, il semblait flotter au-dessus de tous les elfes qui remplissaient la pièce. Au centre, un cercle immense entourait un pupitre. Derrière celui-ci, un grand elfe portant la blouse du Temple toisait l’assemblée de jeunes elfes, tout sauf silencieux, d’un air dédaigneux. À ses côtés, Lënah vit la beauté en personne. C’était une femme elfe aux longs cheveux blonds qui tombaient en cascade derrière son dos. Seules deux mèches étaient nouées en tresses et descendaient le long de sa poitrine. Elle était vêtue d’une magnifique robe blanche avec des reliures dorées qui la mettaient drôlement en valeur. Son visage doux et pâle regardait chaque elfe avec bonté, ses yeux bleus les couvaient tendrement du regard.

Lënah connaissait cette femme, du moins de nom. C’était Rynëh, la gouvernante de leur peuple. Elle venait chaque année aux Cérémonies. Quand elle était petite, Lënah rêvait de la voir et maintenant qu’elle était face à elle, elle lutait pour ne pas exprimer à haute voix sa joie.

D’un seul coup, les yeux bleus de Rynëh plongèrent dans les siens et Lënah se sentit aussitôt apaisée. Elle crut même déceler un sourire sur le visage cristallin de sa dirigeante.

Elle fut tirée du regard apaisant par la voix haut perchée de l’homme qui se tenait aux côtés de Rynëh :

• Jeunes gens, prenez place autour du cercle !

Lënah obéit et se retrouva à côté de deux elfes, un garçon et une fille, qui avaient des visages qui se ressemblaient. Elle en déduit qu’ils étaient jumeaux. Ils étaient particulièrement agités et elle ne put pas entendre le discours de l’homme à cause de leurs bavardages. Elle réussit à saisir son nom, Bonaïh. Elle chuchota à la fille :

• Chut, j’essaie d’écouter.

Elle s’arrêta donc de parler et donna un coup de coude à son frère tout en désignant Lënah. Celle-ci se rendit compte que les deux jumeaux faisaient une tête de plus qu’elle.

Maudit soit le petit gabarit de ma famille ! pensa-t-elle.

Elle ne dit rien aux jumeaux et se concentra sur la fin du discours. Elle se rendit compte qu’heureusement, elle n’avait rien raté car Bonaïh s’était juste présenté. Elle écouta donc attentivement la suite :

• Comme vous le savez tous, vous êtes ici pour découvrir vos dons. Nous allons commencer par vos dons de capacité.

Lënah remarqua que les jumeaux faisaient des grimaces, probablement pour imiter Bonaïh et se moquer de lui. Elle décida de ne pas y prêter attention et écouta les explications :

• Vous allez découvrir si vous possédez une capacité de rapidité ou de force. Mais peut-être que vous n’aurez rien.

Il ponctua ses mots par un sourire narquois qui fit frémir Lënah. Elle pensa que cet homme était vraiment malsain.

Il continua ses indications :

• À côté de chacun de vous nous avons placé un arc et un bâton de combat, autrement dit un bô. Si l’arc s’illumine, vous avez une capacité de force, si c’est le bô, vous êtes rapides. Mais si aucun des deux ne brille et bien, vous n’avez rien.

Un deuxième sourire se dessina sur ses lèvres, Lënah décida de l’ignorer.

Rynëh leur demanda ensuite de toucher le cercle et de fermer les yeux puis, quand tout le monde fut en place, elle prononça des paroles en ancien elfique, comme le voulait le rituel :

• Äbakh lahkev lop bulâr, osnoci varh !

Ces mots signifiaient « Les elfes sont avec vous, accueillez-les ! »

Lënah ferma les yeux puis elle sentit comme un soubresaut dans son corps. Ses yeux s’ouvrirent tous seuls et elle se rendit compte que le bô au-dessus de sa tête était maintenant dans sa main et qu’il brillait d’une légère lumière blanche. À vrai dire, Lënah s’y attendait. Dans sa famille, tout le monde était de capacité de rapide.

Mais ça veut dire que… Oh non !

Lënah sortit un petit miroir de sa poche et ce qu’elle redoutait le plus lui apparut dans son reflet : une grande marque noire avec le symbole elfique de la rapidité était juchée sur son front !

En effet, quand un elfe obtenait une capacité, un tatouage se formait avec le signe de sa capacité n’importe où sur sa peau. Dans la famille de Lënah, tout le monde en obtenait un sur le front. Elle avait visiblement hérité de cette autre particularité familiale, en plus de sa petite taille.

Elle rangea son miroir et remarqua que les jumeaux avaient eux aussi un bô et qu’ils étaient en train de chercher où se trouvait leur tatouage. Le garçon souleva son pantalon et sa sœur remarqua son tatouage juché sur sa cuisse. Elle releva ensuite la manche de sa tunique et trouva, elle aussi, le lieu de sa marque : sur son épaule.

Elle entendit ensuite la voix de Bonaïh :

• Maintenant veuillez me suivre pour que vous découvriez si vous pouvez maitriser un élément.

Lënah pensa que c’était le moment de se rattraper pour ceux qui n’avaient pas obtenu de capacité.

Elle suivit donc la troupe d’elfes, encore plus bruyante qu’avant la première cérémonie, vers la sortie du Temple. L’épreuve se disputait à l’extérieur.