2. Un choix vite fait
Je repérai tout de suite mon vieux bonhomme à qui le voiturier remettait les clés d’une Maserati Gran turismo rutilante.
Comme l’avaient décrit Harry et Betty, il était grand, voûté et sans cheveux. Paradoxalement, il émanait de lui une force étonnante. Comme si les griffes du temps avaient glissé sur lui au lieu de lacérer sa chair et son âme. Cela m’intrigua. Malgré son apparence, ce type n’avait rien d’un vieillard. Quelque chose clochait mais j’ignorais quoi.
Il ne parut pas surpris de me voir.
- Tiens, je ne t’attendais plus, se contenta-t-il de lâcher.
Quel culot ! J’étais à la limite de rebrousser chemin quand je remarquai Ralph devant les portes du restaurant.
Ce con n’abandonnerait jamais (mais c’est le propre des cons de se cramponner à leur idée comme les morpions à un poil pubien) !
Le temps de cette observation, l’autre était déjà au volant de sa voiture de sport.
- Tu viens ?
J’étais estomaquée. Comment diable un type de son âge pouvait-il être aussi vif ?
Mon cerveau évalua très rapidement la situation. D’un côté, ce vioc sûr de lui et fringant, de l’autre Ralph qui, statique, m’épiait comme un flic suspicieux.
Je me baissai vers le conducteur :
- Et qu’est-ce qui vous fait croire que je vais monter dans votre engin ?
Un sourire malicieux encadré de deux fossettes embellit son faciès.
- Je suis Brad Pitt, fit-il en baissant sa monture.
Et là, je vis ses yeux. Ou plutôt à travers ses yeux. Ses débuts prometteurs dans Thelma et Louise. Sa confirmation dans Seven. Puis la consécration dans Fight Club aux côtés d’Edward Norton. Sans doute le rôle de sa vie quoi que The Tree of Life de Terrence Mallick lui offrit la possibilité d’exprimer une autre facette de son talent. Et ne parlons pas d’Inglorious Bastards film dans lequel l’acteur atteint des sommets d’humour et de virtuosité. Oui, je perçus tout cela et je sus que l’homme ne me mentait pas. Il était bel et bien Brad Pitt.
- Mais pourquoi vous déguiser ? remarquai-je en m’installant à côté de lui (la tête de Ralph lorsque je refermai la porte de la caisse, un monument d’humiliation, de lassitude et de dépit).
Nouveau sourire enjôleur.
- Parce que je suis Brad Pitt. Les acteurs qui ont autant de notoriété que moi sont obligés d’embaucher des gardes du corps sinon. Leonardo Di Caprio, par exemple, il dépense des fortunes pour sa protection rapprochée. Depuis que j’use de ce stratagème, je n’ai plus ce souci. Je suis libre comme l’air.
Mouais, ça se comprenait.
Puis il ajouta quand le feu passa au vert :
- Il parait que Leonardo en possède une aussi grosse que la mienne, mais qu’elle a souvent des ratés.
Sa voix devint rude.
- Je vais te défoncer comme tu le mérites, chiennasse.
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