2. La remarque explosive

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- Qu’est-ce que tu fais ? me demanda Ralph, surpris par mon revirement soudain.

- J’y vais, dis-je laconiquement. Tu règles pour moi.

- Mais…, bredouilla mon ami qui n’avait pas remarqué l’acteur sur le trottoir avec un petit chien en laisse.

Il se dressa à son tour mais mon regard de tueuse suffit à le dissuader de me suivre. J’accélérai le pas ensuite. Merde, Sean Penn. Le mec le plus canon du système solaire.

L’ai-je déjà dit ? Pour moi, trois hommes sont absolument irrésistibles et méritent que je les pompe direct. Steve Job, Brad Pitt et Sean Penn. Steve Job mort et Brad Pitt dérangé de la cafetière (oui, j’avais testé hélas), ne restait plus que Sean Penn.

Combien de fois avais-je rêvé de ce jour, je l’ignore et à vrai dire, je n’y croyais plus. On racontait que l’acteur avait horreur des mondanités et qu’il préférait s’investir pour de grandes causes à l’autre bout du monde plutôt que de passer son temps dans les soirées hollywoodiennes. Aussi désespérai-je de le rencontrer.

Et là, alors que j’étais sur le point de chialer, ce symbole de virilité apparait. Incroyable ! Je ne pouvais pas me défiler ! Qu’on se comprenne bien : il n’est pas du tout dans mon style de suivre un mec. D’ailleurs, en général, c’est plutôt le contraire qui a lieu. Les mecs me collent au train par grappe de quinze. Sauf que cette fois, il s’agissait d’une exception. C’était Sean Penn ! Le mec !

Par mesure de prévention, je me retournai. Non, aucune autre femme n’avait eu l’audace de m’emboiter le pas. Kim Kardashian dont j’avais senti la convoitise n’avait pas osé quitter sa table. Tant mieux. Ça en ferait plus pour moi.

L’eau à la bouche, je l’examinai de pied en cap.

Portant un teeshirt moulant sans manche, un pantalon de survêtement gris et des baskets blanches, il marchait de manière féline. À sa droite, un Yorkshire trottinait et lui adressait régulièrement des regards énamourés. Ce qui me refroidit un peu car je n’appréciais pas spécialement ce genre de bestiole. Cependant, prenant sur moi, je rejoignis l’acteur sur le Beverly boulevard.

- Sean, fis-je d’une voix si fluette que je la crus étouffée par la circulation.

Contre toute attente, l’homme se retourna. Je crois qu’à cet instant précis, mon cœur cessa de battre. Oh, juste une ou deux secondes. Mais il s’arrêta bel et bien, figeant le temps et son magnifique visage. Je faillis m’effondrer. Tant de beauté sur un être, comment était-ce possible ? Ces yeux bleus, si clairs. Ces rides harmonieuses et pleines de caractères. Ce bronzage uni et cette bouche parfaite ! Qu’il était beau ! D’une beauté violente comme une beigne ! Heureusement, le clebs qui grognait et aboyait à mon adresse me maintint à flot. J’inspirai l’air et déclarai :

- Tu es incontestablement le plus grand acteur d’Hollywood. J’ai vu tous tes films, de bad boys à Harvey Milk. À l’instar du de Niro de la grande époque, tu as toujours su te renouveler et jouer des personnages forts. Étonnamment, tu n’as jamais connu de passage à vide. Au contraire, plus le temps passe plus tu t’amendes. Et je ne parle pas des films que tu as réalisé qui sont de véritables bijoux.

Je repris mon souffle.

L’air impénétrable, Sean me dévisageait. Qu’est-ce qui m’avait pris ? Et comment avais-je pu proférer de telles banalités ? On aurait dit une écolière en train de réciter sa leçon par chœur. Une furieuse envie de déguerpir m’envahit. D’autant plus que le roquet de l’acteur se montrait de plus en plus hargneux envers moi.

- Ah, je vois, dit-il en plissant les yeux. Tu es cinéphile.

Comment expliquer ce qui se passa alors en moi ? Cela venait-il du fait que ce mot abject fut prononcé par des lèvres sublimes ? Que l’inconcevable s’accomplisse comme un tendre baiser entre un iceberg et un nouveau Titanic ? Que l’auteur de cette phrase n’était pas n’importe qui ? Et que, malgré ma colère noire, je me sentais incapable de la retourner contre lui.

Je filai un grand coup de pompe dans le Yorkshire qui, piaillant, courut se réfugier derrière son maître.

Merde, après ma tirade pourrie, je ne pouvais pas faire mieux pour me griller !

- Pardon, balbutiai-je, rouge comme une pivoine.

Les yeux écarquillés de Sean restèrent braqués sur moi tandis que sa main libre forma un poing vengeur.

Clair, j’allais me prendre une mandale !

Au lieu de quoi, le beau gosse dit calmement :

- Allons chez moi, c’est à quelques pâtés de maisons.

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