3. Soirée de merde (1)

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Rob passa chez moi une heure avant le rendez-vous fixé. Coiffé d’une perruque qui évoquait la dépouille d’un furet et vêtu de fringues démodés, il écartelait le ridicule avec un contentement enfantin.

À ma vue, l’émotion le submergea (peut-être s’attendait-il à une blague ?) et il eut besoin d’une dizaine de secondes pour maîtriser ses tremblements virginaux et ses épanchements de salive.

- Tu as une minute pour être prête ou sinon j’me pète le caisson, déclara-t-il en se fichant le canon d’un flingue en plastique sous le menton.

Indifférente à son numéro, je le matai en diagonale.

- On n’avait pas dit que tu viendrais plus tard ?

- Euh si, bafouilla-t-il, désarçonné. Mais je pensais que...

- Tu penses mal, le coupai-je, je suis occupée là. Repasse à la demie.

Et je refermai la porte. Pour la rouvrir presque aussitôt à la suite d’une idée lumineuse. Le nigaud n’avait pas bougé, statue grotesque et suicidaire.

- Au fait, ça te dit quelque chose, maître G ?

Maintenant que le type était ferré, je pouvais tenter d’aller directement chez le médium. Ça ne coûtait rien et ça me faisait gagner du temps. Toujours se visant avec son jouet, Rob remua la tête.

- Ok, dis-je, un tantinet déçue. Reviens dans une heure.

Et je lui remis le paysage blindé de la porte devant les yeux.

La soirée avait lieu dans une maison bas de gamme dépourvue de piscine et sentant à plein nez la colocation. Elle réunissait la foule des éternels derniers, geeks, adolescents attardés, comédiens au chômedu et mythomanes incurables. Une odeur tenace de grillade flottait dans l’air dont Barry White semblait encourager l’expansion de sa voix de bibendum vaporeux.

Parmi les gens déguisés, beaucoup de Riggs, reconnaissable à leurs crinières fournies et à leurs chemises bouffantes typiques de la fin des années quatre-vingts. Comme s’ils s’étaient communiqué la blague sur la toile, un grand nombre abordait ses connaissances ou se saluaient en se collant à la tempe le canon d’une arme factice (en référence à la scène dans laquelle Mel Gibson est à deux doigts de se shooter devant Danny Glover). Ils se marraient ensuite, contents comme des cochons dans une mare de boue.

Moins nombreux, les Murtaugh étaient pour la plupart des blancs grossièrement grimés en noir qui trouvaient poilant de répéter à tout bout de champ : « Je suis trop vieux pour ces conneries ». Enfin, quelques originaux s’étaient pointés en Josuah, le méchant du film.

Comme il y avait une nana pour environ quinze mecs dans cette fête et que j’étais de loin – une fois n’est pas coutume – la plus bandante, les regards mâles me déshabillèrent férocement. En habituée de ce genre de striptease, j’accentuai la cambrure de mes reins, amplifiant le volume déjà conséquent de ma poitrine. Les vibrations de l’air chaud m’informèrent de l’éclosion spontanée de plusieurs érections, palmeraie furtive des calcifs.

À mes côtés, Rob affichait la mine réjouie du puceau proche de tirer sa crampe et disait à ses semblables à travers ses culs de bouteille : « Alors qui qu’est avec miss monde ? Qui ? ».

Comme je l’avais escompté, il ne s’était rien passé d’anormal lors de notre déplacement de chez moi jusqu’ici. Ma théorie semblait donc se vérifier : tant que je serais entourée par des gens j’étais protégée. Il n’y aurait aucun changement nocif.

Alors que nous nous enfoncions dans la fête accompagnés maintenant par Earth Wind and Fire, la tête de Rob s’assombrit soudainement.

- Eh Robbie, lança une voix tonnante. Tu ne fais pas les présentations ?

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