Chapitre 1
Le bruit régulier des rails accompagné de l’oscillation du wagon berçait Jack. La plupart des passagers dormaient et le silence régnait à l’intérieur des cabines, entrecoupé par le sifflement intermittent du trop-plein d’air qui s’échappait du système d’ouverture des portes. Un néon pâle et solitaire cliquetait au plafond et semblait sur le point de défaillir à chaque seconde, ce qui empêchait le voyageur éveillé de s’accoutumer à la lumière, ou à l’obscurité.
Jack ne dormait pas, il guettait chaque bruit avec appréhension. Il s’était introduit en toute illégalité dans un fourgon qu’il pensait vide et sans aménagement. Il voyageait pour la seconde fois. Il avait alors circuler avec un ordre de transfert, seul et debout dans le noir et avait espréré retrouver les mêmes conditions pour sa pérégrination clandestine. Pour autant, il se félicitait de sa témérité car il appréciait que son cœur s’emballe, il aimait l’entendre battre à ses oreilles.
Jusqu’ici, tout va bien.
Il espérait que les gardes installés à l’autre bout de la rame ne viendraient contrôler cette partie du train que plus tard. Avec un peu de chance, il pourrait descendre au prochain arrêt, avant qu’ils ne l’interceptent.
On lui avait tout expliqué, le train, la gare, la route, la sortie. Il atteindrait la liberté dans quarante-huit heures, il n'en doutait pas un instant.
Un ronflemment saccadé le rappela au moment présent. Il résista à l'envie de se retourner pour regarder. Un homme assis derrière lui se râcla la gorge et ouvrit la bouche comme pour mâcher bruyamment à plusieurs reprises. Puis il toussa. Sa quinte se répercuta dans le silence relatif du wagon sans aucune discrétion. Jack s'inquiéta.
Au même moment, un sifflement d'air comprimé indiqua que la porte arrière s'ouvrait. notre voyageur ferma les yeux aussitôt et simula le sommeil. Derrière lui, l'homme toussait toujours, il cherchait à retenir ses spasmes et en provoquait d'autres, plus virulents. Les deux pas s'arrêtèrent à sa hauteur. Jack s'efforça lui de ne pas bouger et de calmer sa respiration, il laissa sa tête osciller en douceur avec les mouvements du train.
Des bruits sourds lui parvinrent tandis qui tentait en vain de règler son rythme cardiaque sur le claquement régulier des roues sur les rails. L'homme qui toussait fut soulever de son siège avec force, il buta contre le dossier du passager clandestin. Les deux gardes trépignèrent un instant puis se dirigèrent vers la sortie sans prononcer un mot. Leurs pas s'éloignèrent, lourds et irréguliers. Ils devaient porter le malade.
Jack n'osait toujours pas regarder autour de lui. Les bruits étrangers avaient tous cessé après que la porte se fut fermée de nouveau. Il tendit l'oreille et il lui sembla entendre encore du mouvement mais il ne sut pas comprendre de quoi il s'agissait. Après un temps qui lui parut une éternité, il se décida enfin et souleva ses paupières, feignant de se réveiller d'un profond sommeil.
Il cligna des yeux et stoppa net son baillement quand il apperçut un garde dans sa tenue blanche immaculée qui le fixait, debout immobile à un pas de lui, les bras croisés sur la poitrine.
— Matricule, articula le garde sans bouger les lèvres.
Jack baissa les yeux et pencha la tête d'un air servile.
— Y0923197154CK, débita-t-il d'une traite à voix basse.
Il se mordit la lèvre, il avait répondu sans réfléchir, par la force de l'habitude. Mais il n'était pas sensé être dans ce train ! Sa respiration se reccourcit comme il envisageait alors toutes les conséquences de son manque de plannification. Il aurait pu inventer un code, ou récupérer celui d'un mort, ce n'est pas comme si ça manquait, les morts.
Le garde lui mit la main sur l'épaule. Le gant cybernétique enserra son articulation avec force mais Jack retint son gémissement de douleur.
— Tu ne dors pas.
Ce n'était pas une question, 54CK se garda bien de répondre. Il secoua la tête de droite à gauche. La fin du voyage arrivait plus vite que prévu, peut-être.
Jusqu'ici, tout va bien.
Annotations
Versions