je rêve

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PREMIERE PARTIE DES NOUVELLES DU PARC : BABILLONNAIRES

13/11/18

En me fondant dans la roche où je me suis endormi, je crois avoir trouvé une bête, une de celles dont la forme paraît si mystérieusement à l'esprit, qu'elles semblent venues d'un monde primitif, symbolique, qui n'a d'existence qu'en revêtant ce qu'on connaît bien. En fermant les yeux, j'ai cru sentir qu'une portion de vide nichée en moi s'est soudain décrochée, provoquant un appel d'air d'une violence à déchirer la raison. Ainsi se forma la faille d'où, timidement d'abord, descendirent de leur inaccessible univers les êtres spirituels, commençant par gratter les contours de cet interstice. Une promenade astrale eut lieu, où je retrouvai mon vrai monde, mais avec cette densité gélatineuse que confère la projection d'un souvenirs très frais. Peu à peu, les égrégores venus d'en haut s'enrobaient de fractions de souvenirs, et leur conféraient une nouvelle brillance, chargée de nouvelles significations. Le sol terreux gonfla, verdit, spongieux comme de la mousse, secoué de palpitations. Des livres par dizaines s'évadèrent, s'éventrèrent en piaillant : ce fut un jaillissement de pages papillonnaires qui poursuivirent leur chemin. Un clapotis de moteur me parvint, qui, lorsque je fis volte-face, me parut sous la forme d'une tortue géante, rocheuse, anguleuse, qui faisait les cent pas. Impressionné, je tentai de m'aspirer vers mon corps. C'est là que je l'ai vue.

Grosse, parallélépipèdique, simple bloc allongé couvert d'une huileuse peau de rhinocéros, telle une baleine manchote et cul-de-jatte à la géométrie grossière, la bête soufflait avec peine. Son respir rauque accompagnait les mouvements de son corps-abdomen qui gonflait sans changer de taille. Je passai la main sur un de ses yeux bruns, humains quoiqu'énormes, et un peu de liquide qui ne mouillait pas me resta dans les doigts. Cet esprit grondant s'était incarné dans un petit bâtiment à l'allure de gros pavé métallique. Le métal était chair, la petite fenêtre, œil, et le tout, vivant. La bête se communiquait elle-même en se montrant, pas besoin de bouche. Je la remerciai pour sa confiance, sa passivité. Elle ne voulait pas être agressive, il est vrai ; elle voulait juste être.

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