Ce matin, je dois le faire ! Quatre jours déjà que je repousse l’échéance. Faut dire qu’il déguerpit plus vite que son ombre. Mais je l’aurai !

Décidé, je passe par la salle de bain où j’ai laissé ma munition. Je l’attrape, prête à être chargée. Je sors le plus discrètement possible sur la pointe de mes pieds nus.

Du couloir, je l’entraperçois de dos, allongé sur le canapé du salon. Il ne m’a pas vu. Ouf ! Je longe l’autre mur afin d’être caché par la porte. Pas moyen que ma cible me file entre les doigts pour une erreur de débutant. Je n’enlève pas encore la goupille de sécurité, je me suis déjà fait avoir une fois, et je m’en veux encore d’avoir perdu une munition aussi bêtement.

Arrivé derrière la porte, je jette un œil.

Il n’est plus là !

Où a-t-il bien pu se cacher ?

Je penche la tête, me dévisse le coup pour avoir une vue complète sur la pièce. Pas de trace de ma cible. Mon frère sort de sa chambre. Je lui fais signe de se taire. Il hoche la tête et se place derrière moi. Je lui montre la munition, il a compris. À deux, on sera plus forts.

Une ombre passe à toute vitesse et disparaît dans la cuisine. Je me cache derrière le canapé, mon frère prend le fauteuil. Nous arrivons juste au moment où la cible grimpe sur le bar et bondit tout en haut des meubles de cuisine. Je n’ai pas de M24 ou autre fusils de précision. Il faut trouver un plan. À grand renfort de gestes, nous finissons par nous mettre d’accord : mon frère servira d’appât pour le faire descendre, je serai en embuscade à l’angle du bar pour l’attraper.

Nous rampons, cachés par le buffet du salon, jusqu’à l’angle du bar qui donne sur l’espace cuisine. Quelque chose me gêne. J’ai envie de cracher. Je déplace doucement ma main vers mes lèvres et attrape une petite touffe de poils. Il a laissé un terrain miné, quel fin stratège !

Je prends sur mon irrépressible envie d’aller me laver la bouche, pas question de quitter mon poste et de lui offrir une chance de s’enfuir. Mon frère est en place. Il tend les bras devant lui en secouant la gamelle.

— Tenshi ! Viens, mon minou ! Regarde, tes croquettes friandises.

La cible dresse une oreille. Puis deux. Le museau en avant, il hume l’air. L’animal se lèche les babines puis se précipite au bord du meuble pour sauter sur le bar puis au sol. Mon frère pose l’écuelle. Le chat bondit sur les croquettes au goût saumon. J’avance doucement.

Boum !

Mon genou cogne dans un petit meuble faisant tomber un pot de pâte à tartiner. Ce dernier n’a pas éclaté en morceau, heureusement sinon le Gardien m’aurait puni sévèrement, mais le chat a compris le traquenard et a détalé dans le couloir. Nous le poursuivons, tant pis pour la discrétion, elle est vaine désormais. Mon frère est passé devant et manque de se cogner contre papa. Nos parents viennent tout juste de se lever.

— Vous avez vu Tenshi ?

Grognement. Mon père est inopérant sans son café.

— Dans notre chambre je crois, répond ma mère en baillant largement.

Mon frère entre le premier, je le suis dans la chambre parentale. Personne en vue. Dans le dressing ? Pas de chat. Sous le lit ? Je regarde d’un côté tandis que mon cadet regarde de l’autre. Et là, nous le voyons, coller le long du mur.

Il va falloir se salir.

Nous rampons simultanément à l’intérieur le tunnel. Il faut faire vite ! Je décapsule la munition. Mon frère attrape la tête de Tenshi et je me précipite pour déposer l’antipuces au niveau de son cou. L’animal déguerpit en secouant la tête.

Nous nous affalons à même le sol froid. Nous avons réussi ! J’avais dit aux parents qu’on était capable de s’occuper d’un chat. Peut-être qu’on aura le nôtre maintenant ?