Journal de Charlie
11 décembre 2015,
Il n'a pas encore neigé, d'habitude à cette date les rues sont déjà immaculées.
Dommage. J'aime la neige. Je la trouve apaisante.
Je n'ai rien d'autre à écrire aujourd'hui, comme les jours précédents. Alors je parle des futilités comme la neige, parce que rien ne va plus. Je me raccroche donc à ces petits flocons porteurs de fêtes. Porteurs de joie. De paix. D'amour. D'innocence.
Je n'ai toujours pas signé les papiers de divorce. Ils sont là, posés sur mon bureau, je les contemple. Quand je pense que c'est elle qui a pris cette décision, un beau matin. Je n'ai pas dû être à la hauteur. J'ai essayé de discuter, elle a secoué la tête et m'a dit qu'on devait refaire notre vie, chacun de notre côté.
Je ne l'ai pas contredit. Alors pourquoi je n'arrive pas à signer ? Cinq ans de relations balayées sous un tas de papiers. Cinq ans de relations perdues depuis la mort de notre enfant qui n'a jamais eu la chance de voir le jour. Chance ? Je ne sais plus trop. Je déteste être défaitiste, morose, mais c'est vrai, après tout. Quelle chance de vivre sur cette planète à la con ? Cette planète où il ne neige même pas en hiver.
Je n'ai rien de particulier à raconter, ma vie est un désastre. J'en ai fait sortir tout ce qu'il y avait de bon. Enfin presque... Il me reste encore mon travail mais sans mon énergie, à quoi bon ? Je ne suis plus le même, j'ai l'impression que tout m'échappe, que tout glisse, que tout meurt.
Et puis, le plus drôle ? Je ne pense qu'à Ophélie en contemplant ces putains de papiers. Je devrais regretter, penser à ma femme, à notre relation passée, notre rencontre, notre premier baiser, nos passions partagées, nos soirées, nos discussions.
Elle va affreusement me manquer, mais bizarrement tout le sens de la situation dans laquelle je me suis enseveli m'échappe. Je l'ai fait pour elle, notre couple, et notre enfant. Maintenant que je n'ai plus rien du tout, à quoi cela a-t-il servi ?
Il n'y a pas de sens.
Et il n'a toujours pas neigé.
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