Fourmi

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Fukuoka, Japon

Dimanche 28 décembre


 Entrer au service des Tanaka n’avait pas été chose facile. La jeune femme avait parfait sa couverture : cheveux d’un noir de jais, lisse et relevés en un impeccable chignon haut placé, robe tailleur noir, peau diaphane, yeux noirs et élégamment maquillés. Elle parlait un japonais parfait, sa calligraphie était gracile et déliée, ses manières irréprochables. Grâce à cet attirail, elle était devenue la secrétaire particulière du chef de famille.

Monsieur Tanaka était un homme âgé et respecté. Il était à la tête d’une entreprise multinationale, rayonnante et moderne. Homme exemplaire et intouchable le jour, il était tout autre la nuit. L’homme fréquentait les lieux de débauche, trompant sa tendre épouse à toutes les occasions. En ces lieux, il assouvissait les plus viles pulsions et ses conquêtes regrettaient d’avoir croisé sa route, quand elles avaient encore la chance de respirer encore. D’importantes sommes d’argents étaient ensuite versés pour faire taire toute personne ayant connaissance de ses agissements. Le fils de Monsieur Tanaka avait appris depuis longtemps les tendances de son père. Ce dernier avait essayé d’entrainer son fils dans ses vices. S’il avait résisté, il avait pourtant choisi de fermer les yeux sur les « lubies » de son père, attendant une fortune qui un jour serait sienne. Monsieur Tanaka-fils ignorait, cependant, que le petit-fils du dirigeant, Takumi, avait surpris plus d’une conversation compromettante. Takumi avait alors suivi son grand-père lors d’une de ses soirées. Outré, honteux d’une telle disgrâce pour sa famille, Takumi avait décidé de prendre les choses en main. Il avait bien essayé d’en parler à son père. Mais il s’était heurté à une porte close… Après des mois de réflexion, Takumi Tanaka avait compris que pour sauver l’honneur de sa famille et préserver son héritage, son grand-père devait disparaitre. Commandité un meurtre n’était pas chose aisée, il ne pouvait se permettre de laisser cette tache à des professionnels locaux. Une fuite était toujours possible pour qui pouvait en payer le prix et les concurrents ne manquaient pas.

En impeccable secrétaire, elle avait attendu et patienté… Chaque jour, elle peaufinait son plan, elle plaçait ses pions… On la payait cher, il fallait que ce soit parfait. Al avait interdit le poison et un suicide était à exclure dans une telle société, la honte en serait trop couteuse pour la famille… Un meurtre, là, était toute l’astuce et au vu du cachet du contrat, il fallait un coupable trié sur le volet. Elle avait donc contacté les principaux concurrents de l’entreprise Tanaka. Les Nakamura, autre famille respectée et exploitant les même marchés que les Tanaka, avaient été surpris de découvrir à leur porte une femme bien sous tout rapport mais proposant d’espionner les Tanaka pour leur compte. Il faut dire que la rencontre avait été… inattendue. La jeune femme s’était introduite dans l’établissement à la sécurité réputée inviolable sans éveiller aucun soupçon. Elle avait ensuite attendu assise dans le fauteuil de la présidente, Madame Yoko Nakamura. Lorsque cette dernière était entrée, elle avait cru à un coup d’état, prête à sonner l’alarme, c’est le ton calme, posé et autoritaire de l’intruse qui l’avait arrêté. Elle s’était reconnue en cette femme assurée. Elles avaient alors longuement échangés jusqu’à ce que Yoko Nakamura accepte la proposition de la secrétaire de Monsieur Tanaka, ignorant qu’elle condamnait son entreprise.

La secrétaire fut mise en relation avec Monsieur Ito. Elle le vit d’abord dans le plus grand secret puis jouant de ses charmes, réussit à se faire inviter au restaurant. Dans cette société où les émotions étaient masquées et les techniques de séduction extrêmement discrète, les infimes marques d’intérêt que lui portaient la secrétaire, avaient, pour Monsieur Ito, tout de la drague à outrance. La secrétaire, quant à elle, continuait d’instiguer minutieusement. Un napperon portant les empreintes de son comparse était si vite dérobé… Après trois mois de ce manège, il l’invita enfin à son domicile. Avant de le rejoindre, elle organisa une entrevue entre elle et Monsieur Tanaka, prétextant avoir débusqué une erreur dans les transactions entre la siège Japonais et celui d’Autriche. Monsieur Tanaka ne prit pas la peine de prévenir qui que ce soit. Le travail de sa secrétaire avait toujours été irréprochable, elle avait depuis longtemps gagné sa confiance. Il se rendit seule au siège et retrouva la jeune femme, toujours aussi élégante. Ils décidèrent de s’isoler dans un bureau pour discuter de l’affaire. Elle fit mine d’avoir oublié un document, l’homme entra seul dans la pièce. En actionnant la poignée de la porte et en l’ouvrant, il actionna un système de fils qui déclencha la gâchette d’un revolver disposer à l’autre extrémité de la pièce. La balle perfora le cœur du vieil homme. Le visage de Monsieur Tanaka portait le masque de la surprise lorsqu’il mourut. Peut-être s’étonnait-il d’avoir encore un cœur… Le travail était loin d’être fini. Celle qui venait de perdre son emploi de secrétaire s’introduisit dans la pièce, rangeant son matériel et récupérant le revolver. Elle prit soin de disposer les empreintes de Monsieur Ito sur les lieux du crime. L’homme regretterait de ne pas avoir surveiller son napperon… Une trace sur la poignée de la fenêtre, une sur le bureau, une dernière solidement arrimée à la hanse du revolver. Elle quitta ensuite les lieux, laissant le vieil homme saigner abondamment dans le couloir. Elle rejoignit Monsieur Ito chez lui. Après un agréable repas, elle profita du temps où il débarrassait pour dissimuler le revolver dans un tiroir d’une commode au séjour. Elle remercia Monsieur Ito pour ce délicieux repas, il lui rendit ses honneurs avec une courbette et la raccompagna à la porte. L’usage voulait que les choses de l’amour attendent. Monsieur Ito était en présence d’une dame et il comptait bien l’épouser dans les formes. La jeune femme n’avait pas finit son œuvre, elle se rendit au siège des Nakamura. Le vigile la reconnut, il avait reçu l’ordre de la laisser entrer à toute heure du jour et de la nuit. Elle pénétra calmement dans l’établissement et trouva sans peine le bureau de Monsieur Ito qu’elle avait déjà visité. Piratant l’ordinateur professionnel de l’homme, elle téléchargea le dossier qu’elle avait préparé. Les fichiers incrimineraient les Nakamura d’espionnage industriel. Elle rangea dans la bibliothèque trônant contre l’un des murs du bureau, un dossier papier contenant les documents d’achat de l’arme ayant servi au meurtre. Elle quitta ensuite les lieux, saluant aimablement le vigile. Elle rentra dans le minuscule appartement où elle vivait depuis de nombreux mois. Là, elle retrouva une femme au visage semblable au sien, la femme dont elle avait volé le visage, dont elle allait maintenant voler la vie. Sans famille, marginale, prostituer, personne ne l’avait cherché après sa disparition, c’est à peine si l’on s’en était aperçu. Que la nuit allait être longue…

Le lendemain matin, une femme de ménage trouverait Monsieur Tanaka, elle préviendrait la police. L’enquête se dirigerait vers Monsieur Ito, les preuves seraient accablantes. Et la couverture de Monsieur Ito ne tiendrait pas, car la belle compagne dont il affirmait avoir partagé la compagnie, avait été retrouvé égorgée dans une ruelle. Monsieur Ito tomba pour meurtre, Madame Nakamura vit son entreprise s’effondrer alors que les actionnaires se retirer les uns après les autres. Le coup de grâce tenue dans les dossiers d’espionnage qui la menèrent à la banqueroute. Le fils de Monsieur Tanaka prit la place de dirigeant de l’entreprise familiale. Mais l’homme n’était pas fait pour les affaires, il se tourna vers son fils, Takumi, pour le seconder. En quelques mois, il manœuvrait toute l’entreprise bien que son père reste la figure de l’entreprise, une marionnette qu’il pouvait agiter à son grés. La tueuse avait quitté le Japon depuis longtemps, empochant son salaire de secrétaire des Tanaka, celui d’espion pour les Nakamura, le montant du contrat sur la tête de Monsieur Tanaka et celui sur la tête de la jeune femme au visage élégant qui avait été commandité par un Mac désireux de se débarrasser d’une prostituer qui l’escroquait à chaque passe de quelques yens.


La fourmi n’est pas prêteuse, Al ne recevrait de part que sur le contrat de Tanaka qu’il avait orchestré.

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