- Toc, toc, toc

Une voix.

Allongée sur mon transat, j'observe la Pleine Lune. La nuit est douce, ça fait un bien fou après cette journée étouffante. Le ciel est parsemé de petites constellations qui clignotent et m'envoient des petits clins d'oeil. C'est trop mignon.

-Toc, toc,toc

La voix se fait plus insistante.

Un brin agacée, je me lève et avance pieds nus dans l'herbe sèche jusqu'au portail en bois.

Mazette ! Qui est cette femme étrange ?

- Heu, qui êtes vous ?

- Bonsoir, je me présente "Immortalité".

- Original votre prénom. Vous êtes-vous perdue ?

- Non, c'est vous que je viens rencontrer.

Cette femme me file la frousse. Va-t-elle à une soirée déguisée ? Sa tenue me laisse sans voix. Pour une fois. Elle est drappée dans un tissus fin blanc, et surprenant légèrement transparent. Elle aussi marche pieds nus.

- Je suis ici pour signer un pacte avec vous. Nous pensons que vous le méritez.

Hein ? Une secte se balade en pleine nuit dans nos contrées rurales ?

- Sérieux ?

Elle tient dans ses mains un bouquet de petites fleurs jaunes et me le tend.

Hum, ça sent bon. Mais je ne le prends pas. Au contraire, je recule d'un pas, prête à courir dans ma maison et m'y enfermer à double tour.

Elle sourit.

- Ne soyez pas effarouchée. Ce sont des hélichryses. La fleur immortelle, symbole de la longévité. Prenez ce bouquet et vous serez immortelle. A jamais.

My God !

Dans ma tête, les pensées défilent à toute vitesse.

- Heu comme dans Highlander ?

Là, je l'ai destabilisée la dame à voir son air surpris.

Néanmoins, elle retrouve vite son assurance.

- Si on veut, oui.

D'autres pensées tourbillonent dans ma tête à la vitesse de l'éclair. Connor MacLeod qui vit avec sa femme vieillissante, sa tristesse à la mort de celle-ci et ensuite une vie de solitude.

- Pour quelles raisons semblez-vous hésiter ? N'importe quel humain en ce bas-monde aurait accepté le Pacte de l'immortalité sans aucune hésitation. Tenez, prenez ce bouquet.

Elle insiste un peu trop à mon goût.

- Etes-vous heureuse ?

Je scrupte son visage en attendant sa réponse. Qui tarde. Ses yeux se fardent d'une tristesse, un pli amer tord sa bouche. OK, cette femme souffre. C'est criant de vérité rien qu'à la voir.

- Non, pas vraiment. J'erre dans ce monde sans attache. Depuis des siècles. La solitude me pèse. La douleur d'avoir perdu les miens me transperce le coeur. Jour après jour depuis des millénaires.

Elle me fait pitié. Cela doit être dur à supporter. Dur de traverser le temps seule.

- Désolé, je ne prendrais pas ce bouquet de fleurs immortelles. Ma vie est ici. Avec peut-etre mes souffrances, mais aussi avec beaucoup de joie, d'instants de bonheur et l'amour des miens. Et j'apprécie ce temps qu'il m'est donné. Parceque je sais qu'il n'est pas eternel.

Sur ces mots, je ferme le petit portail en bois. Le chat court à mes côtés heureux de cette petite balade nocturne sous l'oeil coquin de la Lune. Je ne jette pas un dernier regard à cette femme. Je regarde la vie. La mienne.

Ephémère.