Vanessa poussa la porte du petit bar sordide. La façade ne payait pas de mine, mais l'intérieur était cosy. Une lumière tamisée baignait le mobilier vernis. Au fond, sur la piste, les femmes dansaient, enlacées, sur des rythmes lascifs. « Des camarades », songea-t-elle. Rassurée de pénétrer en terrain connu, Vanessa s'avança dans l'établissement, encore peu fréquenté en ce début de soirée, et prit place sur l'un des hauts tabourets qui jouxtaient le comptoir. Seules deux des six assises se trouvaient occupées : la sienne et celle de la jeune femme austère qui, à l'autre bout de la table, sirotait un whisky. Les reflets ambrés de la boisson rappelaient ses cheveux auburn, ou ses bracelets dorés. Une sorte d'étonnant camaïeu ambulant. Le simple grelot des glaçons tintait sensuellement, lorsqu'elle renversait son verre contre sa bouche pulpeuse. Vanessa déglutit.

— T'es pas du coin, toi ! lança la serveuse, une jolie blonde tatouée. Qu'est-ce que je te sers, chaton ?

Un autre soir, peut-être, Vanessa aurait rebondi. Très probablement. Elle aurait profité de la tranquillité des lieux pour monopoliser le personnel. Elle aurait attendu l'aimable barmaid jusqu'à la fermeture, puis l'aurait ramenée chez elle, sans doute, sur son propre terrain. Un autre nom et un autre visage à ajouter au tableau de ses conquêtes, aussitôt oubliés. Ce soir, elle avait soif de tout autres aventures, et ne commanderait pas l'habituel plan cul trop vite digéré.

— Je prendrai une vodka, trancha-t-elle. Et vous en offrirez une aussi à la demoiselle, au bar.

La serveuse acquiesça dans une moue de déception. « Une autre fois, chaton ! », s'amusa Vanessa. Déjà un petit verre froid et embué lui glissait sous le nez. Elle se retint de détourner les yeux pour ne pas croiser ceux de l'inconnue, dont elle sentait pourtant le regard intrigué qui entamait de la dévorer. « À nous deux, chère Nelly ! »