7) Samedi matin
La grasse matinée ne faisait pas partie des habitudes de Vanessa. Ses jours de repos, elle se levait toujours à l'aube pour aller faire un footing, marquait une halte au parc pour une série de pompes et un quart d'heure de muscu sur les agrès public. Puis elle flânait en ville, faisait quelques emplettes – des légumes frais, un bon morceau de viande de chez le boucher du coin. Elle ne rentrait que rarement avant dix heures et, alors elle expérimentait la dernière recette culinaire entrevue sur le net, en attendant que Perrine pointe le bout de son nez.
Ce fut donc avec surprise et une impression accrue de nouveauté que la jeune femme émergea à presque treize heures, ce samedi-là.
Nelly ne dormait déjà plus, mais était demeurée sagement blottie contre elle. Fidèle à l'organisation rigoureuse qui rythmait sa vie comme du papier à musique, Vanessa s'apprêtait à établir le programme de la journée, quand la main de son amante, plus aventureuse et assurée que la veille, s'engouffra entre ses cuisses. L'interrogeant du regard, elle rencontra, à son grand étonnement, les yeux de Nelly rieusement vicelards. Jamais elle ne lui aurait soupçonné une telle expression !
Vanessa s'abandonna sans se faire prier aux avances sexuelles de celle qu'elle avait étreinte toute la nuit durant. Dans la clarté du jour, Nelly semblait une autre personne : une aura de gaieté sur ses traits fatigués, les cheveux sauvagement emmêlés, brillants comme des filets de caramel, les lèvres roses et fraîches. La veille encore, Vanessa n'aurait pas cru la trouver belle. L'était-elle, ou ce béguin naissant l'avait-il transfigurée ? Au bout du compte, peu importait.
Encouragée sans doute par ses prouesses de la nuit, Nelly prit les devants et s'appliqua avec plus d'initiative que la première fois à exciter les muqueuses ointes de glaire de l'étrange chimère qui, par quelque miracle, s'était échouée nue dans son plumard. Tandis qu'elle triomphait de la laisser se languir, en admirant pieusement son visage de poupée déformé par l'extase, Nelly énumérait méthodiquement tout ce qui lui plaisait chez Vanessa.
Son allure simple et soignée. Elle ne portait pas de parfum et presque pas de maquillage, pourtant elle sentait bon et brillait par son charisme.
Son abord avenant et son franc-parler. Choses qui, communément, lui faisaient défaut. En présence de Vanessa, Nelly pensait pouvoir parler sans retenue. Quoi que son fort caractère l'impressionna, sa spontanéité apparente instaurait rapidement une sorte de confiance.
Son corps athlétique, avec ce qu'il y fallait de généreux là où c'était bienvenu : ses seins ronds, son fessier rebondi, ses cuisses souples, même la petite bouée qui arrangeait ses abdos en coussinets moelleux.
Sa chaleur. Pour ne pas dire son ardeur. Un atout non négligeable pour qui n'a pas les moyens de chauffer son taudis mal isolé.
Son chant sirénique, pouffa-t-elle en l'entendant jouir pour la troisième fois.
— Qu'est-ce... qui te... fait rire ? interrogea Vanessa, le souffle court.
— Rien, mentit Nelly en ôtant ses doigts fripés et outrancièrement sirupeux. Je me disais juste... que c'est une belle façon de commencer la journée. À l'occasion.
Sans laisser le temps à son invitée de savourer cette petite victoire, Nelly l'empoigna et la traîna jusqu'à la salle de bain, sous prétexte qu'elles puaient. Peut-être était-ce vrai. Pour sa part, Vanessa affectionnait la senteur voluptueuse des fluides de luxure. Toutefois, la perspective de leurs corps entassés dans l'étroite cabine de douche l'empêcha de protester.
Elle poussa résolument Nelly sous l'eau tiède, contre le carrelage aux joints mouchetés de champignons. La contiguïté avait rendu leurs silhouettes inséparables, fatalement accrochées comme les trombones charriés dans la même boîte. Plus encore, l'euphorie de la découverte les attirait irrémédiablement l'une à l'autre, toujours plus au-devant de l'autre, chaque caresse un peu plus entreprenante. Le jet qui les aspergeait furieusement ne suffisait à déterger tout le désir poisseux cristallisé à même la peau. Plus elles se soumettaient à l'ablution de la douche, plus leur chair frémissait au contact l'une de l'autre – noyées dans une spirale libidinale, avec en son centre une soif débridée. Autant elles s'astiquaient, autant le vice perlait sur leur pubis affolé.
Voyant l'ouverture davantage qu'elle la pressentit, Vanessa abaissa son menton dans l'entrecuisse de Nelly, entre les jambes rendues cascades. Sous les jupons de chair, les uns dessus les autres telles de précieuses dentelles, pointait craintivement le berlingot enflé. Alors que Vanessa tendait la langue pour chatouiller le mollusque rose, elle grimaça en goûtant l'inattendue saveur du gel douche. Nelly se moqua à gorge déployée, jusqu'à ce que la succion entêtée aspire le limaçon hors de sa coquille et la force à se cambrer. Alors le rire laissa place à des sursauts plaintifs, à la lisière entre torture et délice.
Honteuse de s'être ainsi laissé prendre, la jeune femme se redressa pour confronter sa bienfaitrice, sourcils froncés. Aussi puérile que revancharde, Vanessa la gava d'une poignée de mousse que l'autre recracha aussitôt en injuriant. Puis, une vengeance entraînant l'autre, comme Nelly se rinçait les papilles, elle arrosa son amante d'un puissant geyser buccal. La bataille d'eau dégénéra, la libido muée en une complicité naïve. Le temps, du moins, que la jeune locataire songe au montant de sa prochaine facture. Alors, autoritaire, elle coupa le robinet sous les yeux effarés de Vanessa, la peau encore marbrée de savon.
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