12) D'égal à égal
La frénésie qui quelques secondes plus tôt ébranlait Vanessa s'évanouit aussitôt, alors qu'un chagrin oublié lui retournait les tripes. Sans prendre de pincettes, elle bouscula Nelly dos contre le matelas, s'avança au-dessus d'elle et la coinça fièrement entre ses cuisses musclées. Les reins accolés, les yeux dans les yeux, les mots de l'une coulaient littéralement dans la gorge de l'autre.
— Tu me débectes, mon cœur. Je suis pas là pour te sauver, ni pour sauver ta confiance. On ne répare pas les gens et, si tu continues à te foutre en l'air en espérant que quelqu'un plonge plus bas que toi pour te retenir, alors t'as rien compris. Celle que j'aime, c'est la femme qui me toise et me rit au nez. C'est la femme qui me repousse, sans craindre de me perdre. Celle qui ose me tenir tête, celle qui veut me posséder. Si je dois t'aimer, je ne peux pas avoir peur de te briser. Je dois être certaine que tu es mon égale. Que toi, tu te considères comme telle.
— Qu'est-ce que t'essayes de me dire ?
— Que tu ne survivras pas, si t'obstines à te rabaisser plus bas que terre. Tu ne vois vraiment pas, tout ce que tu as à offrir ? Pourquoi je serais restée ? Pourquoi je serais revenue te gâter de pâtisseries, si tu étais insignifiante ?
— Pour te foutre de moi ?
— Pour te foutre, sûrement. Et comme j'ai jamais foutu aucune autre, ça je te le promets !
À ces mots, elle recourba ses doigts farceurs contre la culotte de Nelly. Tandis qu'elle compressait ses lèvres rigides, elle ajouta :
— Je te féliciterai, seulement si tu peux me citer trois de tes qualités.
— C'est quoi ce traquenard ? Un putain d'entretien d'embauche ?
— On se teste depuis le début, non ? Mais là c'est du sérieux.
Elle appuya un peu plus fermement la courbe de ses ongles contre le tissu humide de sous lequel l'escargot sortait de sa coquille, appâté par la rosée.
— J'attends, mon cœur.
— Je suis... hyper habile de mes doigts. Au piano. Et pas que.
L'avant-bras lascif se fraya un chemin par-dessous l’élastique pour titiller franchement le mollusque hypocrite déjà repeint de mucus.
— Tu es très, très habile, approuva Vanessa. Je pourrais même vite être jalouse du piano. Je voudrais bien, aussi, être ton instrument...
Nelly contint, la langue arquée, un gémissement rieur. La main bienveillante lustrait frénétiquement sa vulve, orchestrant, harmonisant, les ondes sécrétées.
— Je suis aussi...
Un soupir de soprano aspira ses paroles, comme la peau étrangère lui froissait les muqueuses. Chaque caresse picotait, son vagin converti en poche d'urticaire. Elle inspira à pleins poumons.
— Je suis aussi flexible, débita-t-elle entre deux souffles. Je m'adapte... facilement. J'apprends vite. Je... suis ouverte... d'esprit.
— Gentille fille, susurra Vanessa en lui flattant la croupe. J'aimerais que tu t'ouvres, encore plus. Mais ce n'est pas ton truc, pas vrai ? Retourne-toi.
Prise au dépourvu, Nelly se retrouva à bégayer. Mais son amante la guida tendrement sur le côté, se reculant un peu pour la laisser prendre place, à quatre pattes. La main doucereuse, déjà bien humectée, guidait les eaux visqueuses jusqu'à l'arrière-pays, naturellement sec.
La gêne imprimée sur ses joues excavées et la poitrine nouée – en prime d'être douloureuse – mais toutefois curieuse, Nelly se prêtait fidèlement aux instructions de sa maîtresse. Déjà, elle sondait ses atouts, à la recherche d'un dernier argument satisfaisant. Derrière, Vanessa, d'une main, rayait lascivement ses fesses, de l'autre, titillait l’œillet brun qui se découvrait au milieu. L'austérité régnant, elle offrit à cette raie spongieuse toute la moiteur de ses papilles torrides. Aussitôt, la peau frémit et l'anus dilaté accueillit, enthousiaste, un doigt encore timide.
À l'instant même où la surprise la pénétrait, Nelly percutait :
— Je suis... profonde... je crois... Réfléchie... Cultivée...
Une plainte jouissive lui coupa la parole, comme Vanessa gonflait plus généreusement les bas-fonds de son désir.
— Je déborde de... créativité !
Puisqu'il fallait des preuves, le visage écrasé contre le matelas, la jeune femme se courba et, attrapant sa moitié par la braguette négligée, rapprocha leurs deux chairs : les doigts tordus de Vanessa appelés plus fougueusement par le cul trépidant de Nelly ; et la main de celle-ci lancée à l'assaut de la matrice bouillante, sous les fringues prestement arrachées.
Les va-et-vient affermis s'éternisèrent un peu, scandés par le déluge qui se muait en grêle. Autant de traînées blanches fondues sur le carreau que de glaire amassée au creux des deux bassins convulsés de plaisir. L'orgasme, à l'improviste, avait privé Nelly d'un ultime compliment ; il était cependant le plus probant de tous.
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