25) Partie des meubles
La laine de son chandail traçait des courants électriques entre les draps spongieux. Les ongles cramponnés à la chaleur de ses manches, Nelly se blottit contre le corps dénudé de la belle brune, oint de gouttes de luxure. D'abord, le poignet se reposa au creux de ses seins fermes mais, bientôt rattrapée par la fraîcheur ambiante du studio mal isolé, la main se déplaça, presque d'elle-même, inexorablement attirée par le brasier des hanches, puis la touffeur du pubis. Ses ongles cabossés s'agrippèrent aux poils désordonnés – les griffes d'un rapace, un petit nid duveteux – tandis que l'avant-bras pansait ses cicatrices sous l'onguent vénérien de la fente généreuse. Comme un bisou magique, mais en plus sexuel.
Le museau franchement enfoui dans la nuque de Vanessa, à humer les débris capiteux d'un parfum élégant, trop peut-être pour elle, Nelly démêlait à grand peine les fils tortueux de son cœur. Deux hémisphères. Une attirance gavée de petites attentions, prodigieuses justement parce qu'anodines, au point que d'autres sans doute les auraient omises. Une sorte de révulsion aussi, teintée, elle, de peur, du même manque de confiance qui l'avait toujours consumée.
Était-ce la plénitude des étreintes chaleureuses qui la poussait sans cesse dans les bras de Vanessa ? Le luxe presque indécent de posséder une perle rare ? Car Vanessa était sexy, et Nelly en tirait une légère vantardise ; mais elle avait aussi le cœur sur la main, comme on dit, un altruisme presque étrange pour sa dégaine racoleuse. Et puis, plus bizarrement encore, Vanessa semblait cosy, comme on peut le dire d'un canapé. Elle rendait bien dans la chambre, ponctuait l'intérieur de couleurs exotiques, réchauffait l'atmosphère. L'aimait-elle comme un meuble, une belle acquisition ? Et alors, pourquoi prenait-elle tant de plaisir à la combler, à déformer sa face en grimace satisfaite ? Cela aussi, peut-être, relevait-il du confort. Nelly n'en savait rien.
Toutefois, lorsque la main agile de la belle enquêtrice lança ses doigts tendres à l'assaut de son crâne, les questions de Nelly s'évanouirent. Une paume reconnaissante lui flattait l'épaule, lui caressait la joue. Les lèvres dévouées la remercièrent d'un baiser.
— Tu veux quelque chose, mon cœur ? demanda Vanessa, fidèle à elle-même.
Nelly secoua la tête, par habitude. Aussitôt, pourtant, une idée la titilla et elle se ravisa :
— Tu peux me lécher ?
— Évidemment.
— Pas trop fort. Genre... n'essaye pas de me faire jouir. Ça doit juste être... comme un massage.
— Ok, un massage. J'ai saisi. Je suis sur le coup. Un jour, j'ai eu un double-homicide, dans un spa.
Vanessa se tut. Déjà, elle percutait : « Il faut se calmer avec les meurtres là. Ça va vraiment finir par nous casser l'ambiance... » Et puis, surtout, elle avait conscience que le moulin de ses mots brassait son anxiété, inutilement pour sûr. « Pourquoi je flippe, putain ? Je suis un super coup ! »
Elle promena ses lèvres jusqu'à l'entrejambe où le mollusque capricieux, malgré la demande de Nelly, se repliait timidement. Afin de l'amadouer, elle l'appela d'une voix mi-tendre mi-taquine :
— Coucou Hugo.
— T'es sérieuse, Van ? Oublie ça tout de suite.
— Quoi donc ?
— Lui donne pas de nom, enfin !
— Mais c'est mon job, mon cœur, de mettre des noms... sur des cadavres... sur des tueurs...
— Ouais, bah, aux dernières nouvelles, mon clito, c'est ni un macchabée, ni un serial killer.
— Tiens, ça c'est une idée. Je vais l'appeler « Le Dahlia Noir ». Ou bien Michael Myers.
— T'es une enfant, Van.
Faussement vexée, la séductrice tendit sa langue joueuse. « Et une enfant, elle ferait ça, tu crois ? » Le bout de ses papilles appuya sur la tête grincheuse de la moule maussade. Les cuisses de Nelly se crispèrent sous ses mains. Sa vulve se dilata entre les pans de sa braguette. La langue de Vanessa heurta la fermeture-éclaire dans un « Erh ! » agacé.
Avant que Nelly eût le temps de se redresser pour s'enquérir de la situation, l'autre avait tiré son jean jusqu'au bas de ses cuisses. Redoublant de concentration, la chasseuse – plutôt pêcheuse, en l’occurrence – saisit plus fermement sa belle par les fesses pour la maintenir en place. Le muscle des belles paroles, rendu muet par l'effort, s'attelait, philanthrope, à répandre l'allégresse, mais sans forcer l'extase. À son rose sensible, le berlingot salé semblait un anti-stress, l'une de ces boules molles que l'on triture en vain, mais sans cesse. Vanessa se retint de rire à cette idée. « Juste comme un massage, hein. J'aurais tout entendu ! »
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