Lettre à mon enfant, que je n'aurai peut-être pas
Te voilà né, mon enfant.
Tu rayonnes de toute la pureté
D'un être divin et insouciant.
Tu es un bijou d'une grande rareté.
Ton visage d'ange somnolant,
Tes petits membres potelés,
Tes petits gestes lents...
Par la beauté de la Nature, tu as été modelé !
Tu rugis tel un lionceau !
Tu montres déjà un courage vivace.
Là, dans ta cage: ton berceau;
Tu as été touché par la grâce.
Mais permets-moi, mon enfant, de t'adresser
Mes excuses. Tu déposes enfin tes bagages
Dans un monde ravagé et galvanisé
Par l'argent. C'est un véritable saccage.
Tu ne connaîtras sûrement pas
Les animaux que j'ai connus.
Ils ont disparu.
Voilà.
Prépare-toi aussi à être blessé.
Trahison, mensonge, hypocrisie;
Ton cœur sera plusieurs fois en charpie.
Tu le vivras peut-être avec frénésie.
Bien sûr, tu rencontreras l'amour,
L'amitié mais aussi l'adversité.
Tout ne sera pas sucré comme un topinambour:
Tu n'auras parfois aucune facilité.
Pardonne-moi aussi pour ma fermeté.
Je serai dur avec toi, peut-être trop.
Avec moi, rien ne sera facilité;
J'irai, avec toi, au trot.
Je ne serai pas le meilleur père;
Sache au moins que je ferai tout pour toi.
On se fera peut-être la guerre,
Mais j'espère que tu feras la paix avec moi...
Cependant, ne sois pas inquiet.
Tu auras toute mon attention,
Et je t'aimerai.
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