Je ne voulais pas être là.

Dès le début, je ne voulais pas y aller.

Et finalement, je pense que j'ai bien fait.

Lorsque, pendant notre premier cours de la journée, mon amie m'a invitée à sa soirée, je me suis dit « Ah, ouais c'est génial, en plus ça sera ma première vraie soirée avec de l'alcool et des musiques, trop cool ! » Et puis j'ai appris que mes amies, je veux dire, mes meilleures amies, mes vraies amies, ne pouvaient pas y aller.

Je me retrouverais donc à aller à la soirée d'une fille de ma classe que j'ai rencontrée il y a à peine un mois, avec d'autres gens de la classe que je ne connaissais pas mieux, et probablement d'illustres inconnus. Mais bon, c'était l'occasion ou jamais, alors le jour J, je me suis pomponnée, me suis remuée, et y suis allée.

Je ne me sentais pas à ma place. J'avais l'impression d'être de trop.

Finalement, après une petite bière, j'ai arrêté de traîner autour des gens que je connaissais et j'ai essayé de me fondre dans la masse. Après l'heure du dîner, nous avons déménagé dans le salon et nous avons discuté en immense groupe. C'était vraiment sympa.

Mais comme la chaleur me montait à la tête, je suis sortie prendre l'air pour m'asseoir sur un banc déjà occupé par une fille et un garçon. Une connaissance et un inconnu. Après avoir discuté et ri quelques minutes, la connaissance est partie boire un verre. Elle n'est jamais revenue.

De mon côté, j'ai continué de rigoler avec l'inconnu. Appelons-le : Bob.

J'avoue que mes souvenirs sont flous à partir de ce moment-là. Non pas à cause de l'alcool, j'avais à peine bu, mais parce que ça remonte à quelques années déjà.

Alors que tout le monde était ivre mort dans le salon et que la moitié dormait n'importe où par terre, moi, en petite fille innocente et sobre que j'étais, me suis dirigée vers la cuisine. Je suis tombée nez-à-nez avec une fille qui a fait tomber une bouteille par terre, bouteille qui s'est cassée. Comme par hasard, Bob était dans le coin et m'a aidée à nettoyer. Et, comme par hasard, nous nous sommes retrouvés seuls dans la petite cuisine.

Nous n'avons pas échangé un seul mot. Un regard a suffit. Et un geste : il a tendu sa main vers moi. Appuyé contre un tabouret, il m'a tirée vers lui. Avant même que je ne comprenne ce qu'il se passe, nous nous embrassions.

Honnêtement, je ne m'y attendais pas. J'ai été prise par surprise. Ses lèvres étaient douces, mais quelques chose me picotait, me démangeait. J'ai cru au début qu'il me mordillait les lèvres, et puis je me suis rendue compte que c'était la sensation de son appareil dentaire.

Je me suis abandonnée dans ses bras. D'ailleurs, je ne me souviens plus où étaient posés les miens. Probablement lovés contre ses épaules qui me semblaient si larges et si fortes. Les siens, en revanche, me carressaient les hanches d'une manière très douce, délicate, comme s'il avait peur de me casser. Je ne sais pas combien de temps ça a duré. J'avais l'impression que le temps s'était arrêté, que ce petit instant de la nuit n'appartenait qu'à nous.

Mais ce qui reste gravé dans ma mémoire, c'est son parfum. Je ne saurais mettre des mots dessus tant il était complexe. Il s'est impregné dans mon esprit pour ne jamais s'évaporer totalement. Je me souviens ne pas avoir lavé mon t-shirt avant qu'une immense tache de sauce tomate y fasse son apparition. Je me souviens aussi, le lendemain, alors que j'aidais à faire la lessive, je me suis laissée tomber sur le canapé en serrant le coussin sur lequel Bob avait passé la nuit.

Parfois, j'ai l'impression que cette odeur revient se faufiler entre mes narines, et me hante la nuit.