Andrei

11 août 5130

Quel désastre ! La cérémonie s'était si bien passés...

La cathédrale était d’un style assez classique ce qui dénotait avec le reste. Rien d’étonnant à cela les prêtres étant sans doute les gens les plus conservateurs qui soient. Même ici l’emprise de la couronne sur la religion reste limitée. Les mariés avaient échangé leurs vœux ainsi qu’une goutte de leur sang respectifs qu’ils s’empressèrent de boire. Très rapidement nous marchâmes tous vers le palais afin d’y continuer les festivités qui furent encore plus flamboyantes qu’avant, alors que je n’aurai jamais cru cela possible. Nous passâmes du buffet au banquet, puis du banquet à la salle de danse.

Le prince et la princesse ouvrirent alors le bal et je cru dénoter une pointe de sincérité dans le sourire affiché par Anastasia. Rapidement chaque souverain accompagné de son conjoint se joignit à eux puis, dans l’ordre des préséances, les grands nobles de chaque royaume prirent à leur tour part à la danse. Seuls les grands d’Aartov restèrent à l’écart de l’épicentre des festivités comme dégoutés par ce qu’il s’y passait, indigne selon eux d’un mariage royal. Alors que tout se passait pour le mieux et que je dansais avec une splendide comtesse d’Isgar, la salle prit soudainement feu ! En un rien de temps les tableaux et tapisseries furent remplacées par d’immenses flammes rouges. Je ne me souviens plus de tout mais je courrai partout dans une cohue retentissante et trouvai finalement un moyen de me jeter par une fenêtre... Je me cassai le bras mais voilà un bien maigre prix pour avoir la vie sauve.

Une fois dehors, le calme revint peu à peu chez les rescapés et nous attendions tous de voir qui d’autre sortirait... J’étais si inquiet pour Anastasia... Grâce à Valass après quelques instants la porte principale s’ouvrit, des colonnes de fumées s’en échappèrent et une cohorte de vampires en sortit. La reine Vassilissa qui se couvrait le visage et conspuait tous ceux qui la touchaient, sans doute sous le coup de la panique, fut la première à sortir. Elle était accompagnée par sa garde et ses généraux encore suffoquant. Vinrent ensuite les mariés et Nikolaj à leur suite, il semblait prendre grande peine à contenir son effroi et il tremblait même quelque peu. Le roi Piotr IV sorti en dernier avec quelques survivants accompagné de sa fille. Il était rouge de colère et hurla qu’on trouve les responsables et qu’on les exécute sur le champ ! Mais alors que tous attendaient les aartoviens, le palais s’affaissa et s’écroula sur lui-même dans un gigantesque crépitement. Les cris de ceux qui étaient à l’extérieur se mêlèrent alors à ceux encore coincés. Il n’y avait plus d’issue et pourtant il semblait qu’il restait encore bien du monde à l’intérieur... dont le roi Nikita II, sa femme, ses frères, fils et neveux ainsi que la plus grande partie de sa cour. Voilà donc le royaume d’Aartov décapité et seul demeure le prince Javor, désormais roi bien qu’il ne le sache sans doute pas encore, ironiquement sauvé par son insolence défiant toute mesure.

En dehors des vampires d’Aartov il n’y a eu finalement que peu de victimes. A peine quelques chevaliers et dames de bas rang qui se trouvaient par hasard à la mauvaise extrémité de la salle au moment du drame. Il n’en demeure pas moins que dans un élan collectif les vampires se mirent en chasse des humains rescapés et les jetèrent dans les flammes du palais... Je m’y mis moi-même tant mon esprit s’était échauffé et cela nous soulagea quelque peu. Certains vampires commencèrent même à les dévorer vivant alors qu’ils brûlaient encore.

A tête refroidie plus j’y pense plus je me dis que même la chance sourit à notre roi, lui qui rêvait de dépecer Aartov, voilà que ce royaume se retrouve privé de ses grands seigneurs et je doute fortement que cet incendie ait apaisé la reine quant à sa haine vis-à-vis de ses voisins du sud. Finalement si ce brasier a certes gâché la fête, l’essentiel semble sauf pour notre roi, le mariage a été célébré, l’alliance avec Isgar assurée et il n’y a presque aucune perte dans nos rangs respectifs... J’en viendrai presque à croire qu’il a tout planifié lui-même.

Christina

Quelle horreur ! Tout est fini ! Je dansais et puis… Tout s’est mis à flamber, je ne sais même pas comment je suis parvenue à sortir… Mes chevaliers m’escortèrent jusqu’à une demeure non loin tandis que je me couvrais le visage afin de le protéger lui et mon identité tant mon maquillage avait fondu. Après quelques temps je repris un peu de mon calme et m’empressai de demander : « Comment vont mes enfants ? ». Le duc de Kulmar qui m’accompagnait me répondit avec toute la sollicitude dont il était capable : « Yegor va bien… mais il semble qu’Alexandrov n’ai pu être sauvé… J’en suis navré ».

Le calme que j’avais recouvré s’évanouit d’un seul coup et durant tout le reste du trajet je répétai : « ce n’est pas un accident, Aartov est derrière tout cela ! ». Mes diatribes ne s’arrêtèrent pas et lorsque nous parvînmes à un abri, je demandai qu’on me laisse seul avec mon général. Je lui répétai alors :

« - Il faut attaquer Aartov, ces gredins sont derrière tout cela ! Il faut les détruire !

- Votre altesse, on m’a informé qu’ils étaient tous morts, je doute que les seuls à avoir péri dans cet incendie soient les coupables, me répondit le duc de Kulmar.

- Imbécile ! Ils ont conspué chaque bâtisse qu’ils voyaient depuis leur arrivée ! Et puis arrête de me regarder ! Ils sont derrière tout cela, ils sont juste trop stupides pour avoir préparé une sortie ! Fais mander Nikolaj III, je signe son alliance dès maintenant ! Il faut détruire ce royaume ! ils ont incendié mon palais et brûlé un de mes fils ! Ils ont failli me tuer Yegor et moi ! Ce sont des monstres et leur place est sur un bucher !

- Votre altesse je crains que vous ne soyez…

- Tais-toi ! Je ne te demande pas de discuter ! »

J’arrachai alors un bout de papier de ce journal et griffonnai dessus une déclaration de guerre à destination du maudit royaume d’Aartov.

« - Prends la, montre la à Nikolaj, il s’empressera de nous rejoindre, nous sommes de la même famille !

- Il est de mon devoir de vous avertir : vous n’êtes pas dans votre état normal, calmez-vous, l’honneur de notre royaume ne peut se permettre une attaque en traître sur un royaume venant de perdre la quasi-entièreté de sa famille royale. De plus une fois cela fait Orania nous attaquera et nous perdrons également, nous en avions déjà discuté, réfléchissez !

- J’ai dit tais-toi ! Si ce parchemin n’est pas apporté à Nikolaj et à je ne sais quel cochon d’Aartov d’ici la fin de la nuit je te fais décapiter pour trahison ! Ils ont tué mon fils, incendié mon palais, j’ai le bras brûlé et j’ai failli mourir ! Ils doivent payer ! »

Le duc de Kulmar parut hésiter un instant puis s’en alla me laissant là avec les autres chevaliers de la garde… Maintenant je regrette tout cela… J’aurais dû l’écouter… Mais jamais de ma vie je n’ai été si en colère… Et je demeure persuadée qu’Aartov n’y est pas pour rien dans cette catastrophe… J’aurai simplement dû agir avec plus de finesse.

Une heure plus tard, peut-être deux, mon général, gardien de mon secret, revint accompagné de Valentyn et d’une poignée de chevaliers. Ils échangèrent quelques mots que je peinai à percevoir depuis l’état dans lequel je me trouvais… Valentyn s’approcha alors et dégagea mon visage de la chevelure qui s’y trouvai, j’eu beau essayer de le repousser je n’avais plus la force. Après un moment de perplexité je vis ses yeux se remplir de rage : il se sentait floué au dernier degré.

Après un instant le duc et le nouveau roi d’Isgar expliquèrent la situation à ma garde. Seul un de mes chevaliers refusa de l’accepter et s’interposa entre eux et moi. Il fut prestement embroché sans autre forme de procès… Je me retrouve donc au fond d’un cachot dans une obscure demeure de mon propre pays… Je n’ai pas la moindre idée de ce qui m’attends… J’ai si peur…J’ai si froid… En une soirée j’ai tout perdu… Valass… Faites que mon dernier fils s’en sorte… et faites qu’Aartov périsse sous les flammes, ce royaume cause de tous mes malheurs doit payer !

Pierre

Que le pays est agité. J’avais beau être enfant je ne me souviens pas avoir vu tant de vampires au galop sur les routes il y a trente ans. Je dois sans cesse éviter les grands axes et me cacher dans les fourrées. Une grande agitation semble régner dans le royaume et, bien que je ne puisse pas le vérifier, j’aime à penser que c’est grâce à mon incendie.

J’ai beau essayer de glaner des bribes d’information dans chaque village, les paysans qui les habitent sont ignares au possible, c’est à peine s’ils savent tenir une fourche. Ils ont néanmoins le mérite d’être chaleureux et accueillant. Si les vampires pouvaient avoir leur cerveau cela fait longtemps que nous les aurions renversés.

Toujours est-il que les autorités ne semblent pas me chercher, sans doute me croient-ils carbonisé sous les décombre du palais. Tant mieux ! Pour l’instant je me dirige vers Orania où les velléités de révolte sont plus marquées qu’ici. Le culte de Renaud n’a de toute évidence pas franchi les frontières, je n’ai jusqu’ici croisé aucun humain qui n’en avait ne serait-ce qu’entendu parler. Il n’y a ici que des benêts certes sympathiques mais incapables de la moindre action contre leurs maîtres.

Au contraire, de l’autre côté de la frontière, le souvenir de Renaud est encore vivace ! Si tout le monde n’a pas le courage de se révolter chacun connaît au moins son nom. Le terreau y sera plus favorable pour vaincre nos bourreaux ! Si le chaos qui règne en Isgar se propage en Orania nul doute que d’autres révoltes éclateront et je ne compte pas rester les bras croisés ! J’en suis persuadé, Renaud m’appelle à l’Est ! Cap sur Orania !