L'Attente - 8
En m'éveillant aujourd'hui à la clinique, je me souviens de mes réveils dans le petit appartement près du bois de bouleaux. Je m'éveillais en me disant qu'il m'arrivait quelque chose de bon. Et le bonheur m'envahissait. Il viendra à midi, je mettrait la table avec la belle nappe rouge... il a trente ans, j'en ai cinquante, et nous fêterons celà ! Vingt ans de moins que moi. Cela sera toujours pareil, il aura soixante ans, j'en aurai quatre-vingt... Après le repas, nous avons parlé de cette histoire de plus vieille, plus jeune. De notre relation ; ça peut sembler indécent qu'une femme soit vingt ans plus vieille que l'homme qu'elle aime. Cela vient sans doute du XIX° siècle, où une femme était censée être plus faible que l'homme, était censée avoir besoin du soutien de l'homme qu'elle aimait.
Ici, il n'y a pas de soutien. Je ne peux rien faire d'autre que de survivre. Le soir devient la nuit. Les grandes bandes du couchant emplissent le ciel. Les oiseaux volent très haut. Pour moi, c'est une heure de solitude. Je me sens perdue, loin de chez moi. Mais où est-ce chez moi ? Je l'ai jamais trouvé.
Les restes du dîner ramassés, je suis sortie dans la nuit. Ma nuit. La nuit était noire, les étoiles étaient mes étoiles, j'étais seule avec elles. Tout était calme, je n'entendais que la marée qui avançait, avançait, avançait. C'était comme un pouls qui battait à l'extérieur de moi. Il était là, il ne s'arrêtait jamais. Il me disait : "sois calme, sois calme. Sache que je suis là." Et ce pouls battait au rythme de mon pouls.
Voilà, je suis partie avec la marée. Je suis l'enfant de la marée.
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