SALE WEEK-END - première partie

6 minutes de lecture

Il y avait longtemps que nous avions prévu cette virée, avec mes deux amis, Harry et Neil, pour nous détendre un peu. Au moins le temps d’un week-end. Et Dieu sait que j'en avait besoin. Harry avait invité son voisin à nous rejoindre. Tyler McKenzie, un homme réservé, je dirais même sombre. Grand, plutôt beau mec, un peu mal foutu tout de même avec sa dégaine de privé mal peigné. En somme, je ne savais pas trop quoi en penser...

Notre plan pour le séjour était simple : louer un petit chalet près d’un lac, loin de la civilisation, et liquider notre stock d'alcool. Bien entendu, j'avais pris quelques bonnes bouteilles de rouge. Merlot et autre tralala du genre. Je buvais une fois l'an et n'aimais donc pas me soûler à la piquette...

Ça fait alcoolique.

Nous étions tous sortis assez tôt du travail. Harry nous avait réservé notre datcha. Il devait être seize heures quand nous avons pris la route. Une bonne musique pour détendre l'atmosphère, deux mecs assez cintrés pour mettre l'ambiance, l'alchimie parfaite pour passer un bon moment, le temps du trajet. Les deux heures de route avaient filé très vite. Arrivés sur place, mon premier geste fut de me jeter sur le coffre de la voiture afin de prendre la bouteille de champagne et mon sac de voyage. En courant vers notre cabanon je criai :

— Harry, clés !

Il me les jeta directement dans la main.

— Bien visé !

— Bons réflexes !

J'ouvris la porte.

Bon sang quelle bonne odeur de bois ! On va passer un bon week-end j'espère…

Les gars me suivirent de peu, je mis la bouteille au frais. Neil apporta les caisses de rouge, les posa sur la table de la véranda, puis saisit une des bouteilles :

— Allez, en attendant le Champouss… Il est où le tire-bouchon ?

— Tiens. Attends, les verres... Restons un minimum civilisé ! lui lançai-je.

Alors bien sûr, je fais ma belle, je sors un carton. Dans ce carton : des verres œnologiques ! J'aime le bon vin ! Là, bien sûr tout le monde pouffe de rire, Neil et Harry me traitent de bourgeoise. Tyler, lui, ne dit rien, il se contente juste de faire un mouvement de la tête, l'air de dire : « bon goût ». J'apprécie... réservé, mais sympa, à voir...

Après avoir vidé la bouteille de Médoc nous sortîmes nous promener le long du loch. Un paysage fabuleux se dessinait sous nos yeux, les collines verdoyantes tout autour de nous, une eau pure comme le diamant, pas âme qui vive, juste quelques piafs se battant en duel pour le prix Nobel de la chanson sauvage. J'avais quand même embarqué la bouteille de champagne.

Une petite coupe dans la nature, simplement parfait !

Les hommes étaient absolument ravis de boire ce pétillant savoureux, assis dans l’herbe, sous les rayons d’un soleil couchant.

Je reconnais que la fraîcheur du printemps accompagne parfaitement une telle boisson. Ça titille les papilles !

Harry et Neil entonnèrent leur chansons préférées.

Je crois que quasiment tout le répertoire de Woodstock y est passé !

Tyler riait de bon cœur, grisé par l'alcool. Il s’était détendu, devenant moins sinistre. Je me demandai ce qui l'avais rendu ainsi ? Il ne devait tout de même pas être aussi taciturne étant enfant ? Nous rentrâmes à la tombée de la nuit, je proposai une partie de poker, mes trois hommes étaient enchantés. Tyler me fit un clin d’œil. Le pauvre commençais à être bien imbibé ! La partie se prolongea jusqu’à deux heures du matin. Nous étions complètement défaits. McKenzie alla se coucher, en premier. Il se sentait un peu mal. Nous avions bu au moins deux bouteilles chacun. Je m’inquiétais pour lui. Au moment de plumer Harry et Neil jusqu'au croupion, je lâchai mes cartes.

Un carré d'as !

— Continuez sans moi les gars, je reviens...

— Houhou ! fit Harry me montrant du doigt.

— Idiot !

Notre petit chalet en bois, était composé d’une véranda avec cuisine (là où nous jouions au Pocker) et de deux chambres. Neil et moi avions prévu de dormir dans la pièce principale, sur le canapé en L, tandis que Tyler et Harry avaient investi celle du fond. Ce n'était pas encore le moment de dormir. Mes deux idiots d'amis se chamaillaient pour ouvrir une autre bouteille, je leur criai de ne pas y toucher avant mon retour. En entrant je vit le pauvre animal roulé en boule, serrant son oreiller contre lui.

La bonne gueule de bois au réveil !

Je m'approchai de lui, il comatait, ne dormant pas vraiment. Je retournai a la véranda, coupai un citron, remplis une bouteille d'eau, pressai le fruit dans un verre et versai le contenu. Retournant dans la chambre, je constatai que Tyler n'avait pas bougé. Le relevant tant bien que mal, je lui fis boire le breuvage. Il grommela quelques mots.

— Force-toi, ça t'évitera d'être trop malade, demain.

— Arrête, grogna-t-il en repoussant la bouteille.

J’insistai. Il me regarda d'un air mauvais. J'espérai que le lendemain il changerait d'avis. Les gars se ruèrent dans la chambre, curieux. Ils se mirent a chahuter. Je les calmai et tout le monde finit par se coucher. La nuit, vers cinq heures, j'entendis du bruit dans une des pièces. Je me levai. Voyant de la lumière dans la salle de bain, je poussai la porte. Tyler, se lavai les mains, je pris la bouteille d'eau citronnée, que j'avais laissée sur le lavabo et la lui tendis :

— Non ne dis rien, finis la…

Il me jeta un regard agacé. J'abandonnai ma tentative, reposai la bouteille et retournai me coucher.

Au bout d’un moment, il a bien fallu que je me mette dans le crâne que je ne suis pas sa mère. Mais j’ai toujours une cette tendance à m’inquiéter pour les gens. Un traumatisme d’enfance...

Il était neuf quand je me levai. J’étais la première. J'avais besoin de prendre un bain.

Bon sang, ce que j'ai soif ! C'est vrai qu'une fois propre, on se sent revivre ! Tiens, la bouteille d'eau au citron... vide...

Je sortit sur la véranda pour préparer un brunch aux petits gars, qui dormaient comme des morts. Encore. Le premier à émerger fut Harry. Puis Neil, suivi de Tyler. J'entendis un vacarme monstrueux dans les chambres, c'était la file d'attente à la salle de bain.

Pire que des gosses !

Ils déboulèrent tous dans la véranda, mais elle est vide. J'avais mis la table dehors. Le soleil illuminait cette matinée enchanteresse. Nous avions tous besoin de vitamine D après une telle soirée. J'en profitai pour grimper à un arbre afin d’apprécier la fraîcheur printanière, en paix. Je vis les gars s'installer tranquillement et commencer à boulotter le British Breakfast.

Quelle bande de gloutons !

— Où est Law ? demanda Harry.

— Elle dort, répondit Neil.

— Non, mec. Pas son genre.

— C'est elle qui a préparé tout ça ?

— Hm, ouais. Pour sûr ! C'est une lève tôt. Même bourrée, elle est au garde à vous.

Je les observais du haut de mon point de mire. Tyler ne disait rien. Il était redevenu taciturne. Il avait l'air d'être plus frais que la veille. Ma formule avait fonctionner.

— L'armée ça vous change un homme ! déclara Neil, sur un ton jovial.

— Tu l'as dit, excellents états de service, mine de rien, regarde moi ce bacon ! répondit Harry.

Tyler les regardait fixement.

— C'est pas tout, mais elle est passée où celle-la ?

— Elle fait son jogging, je présume...

Sérieusement, moi faire un jogging ?? L’armée c’est fini, je cours pour réfléchir, point. Là, c’est week-end !

Je sautai de mon perchoir :

— Plutôt mourir !

— Law, salle garce t'étais là-haut tout ce temps ?! S’exclamèrent ces deux imbéciles, qui me servaient d’amis.

— Vous êtes aveugles les dégénérés ?... J'ai faim.

Je m'installai à coté de Tyler. Il était, pour le moment, celui qui me semblait le plus civilisé de la fine équipe. Je replis mon assiette de bonne choses et mon mug de café bien noir. Les gars commencèrent à raconter des anecdotes avec leurs conquêtes féminines. Comme toujours, Harry vantait ses exploits. Quels gamins, dire qu'ils avaient trente-six et trente-huit ans.

— Face de lard, tu soignes ta névrose en te payant des filles de joie. Ta femme, elle en pense quoi ? lançai-je en riant.

Miracle ! J'ai réussi à dérober un sourire à Tyler. Mais ça n'a pas découragé Harry. Ce qu’il peut me gonfler, des fois…

J'arrêtai de manger, il m'avait coupé l'appétit. Me levant, j’allai me promener. Je pensai même piquer une tête dans le lac. Le climat était absolument parfait. Les doux rayons du soleil, la petite brise matinale me donnaient l’impression de renaître. Cette eau cristalline m’appelait à plonger.

J’aime nager. Ça me soulage du poids de la vie. J’oublie.

En sortant, je tombai sur Tyler. Et merde, j’étais en culotte et soutien-gorge ! En ramassant mes vêtements, j’aboyais :

— Tyler, tu peux te retourner ? Goujat !

Le pauvre s’exécuta sans rechigner. Je me rhabillai rapidement, puis le rejoignais en lui donnant un coup d’épaule pour lui indiquer qu’il pouvait se détendre. Il posa un regard désolé sur moi. Je vis un sourire s’esquisser au coin de ses lèvres. Soudain, je sentis mon mobile vibrer dans ma poche. J'avais reçu un texto :

« Glasgow, Hagard 503 sur Edinburgh Road, colis en attente... »

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