Paddigton flat.

— Les voix que tu entends sont les échos d'une dimension parallèle...

— Pardon ?!

L’enquêtrice se retourne intriguée par les propos lancés par sa colocataire.

— Une phrase que j'ai entendue dans un film de science fiction.

Félicia, lovée dans son fauteuil, son ordinateur portable sur les genoux, observe Law avec un sourire en coin.

— C'est quoi ce regard ?

— Tu es plongée dans ta réflexion, comme perdue dans une autre sphère. Tu verrais ta tête ! C'est encore ce BlackHole ?

— Étrangement, non. D'ailleurs on dirait qu'il m'a oubliée, mais je ne vais pas me faire de films. A tout les coups, il me réserve une surprise de mauvais goût... Je repense aux rêves que je fais, ça semble tellement réel, on dirait que je vis la vie d'une autre...

— Tu devrais t'en inspirer pour écrire tes nouvelles. BlackHole te lâche la grappe, profites-en pour écrire. Ton éditeur doit se languir...

— Effectivement…

L’ex-flic replonge dans son mutisme.

— Et cette fois-ci, c'est quoi ?

Mortensen se lève du canapé, puis se dirige vers le bar, côté cuisine.

— Je pensais à un détail en rapport avec les lettres que m'envoie ce psychopathe. Avec ces flics qui planquent devant mon agence, on devrait automatiquement serrer un suspect. Mais personne d'autre ne passe à part le facteur, qui subis systématiquement une fouille à la limite du touché rectal. Donc, à moins d'utiliser un téléporteur... personne n'a accès à la boite aux lettres à part moi et...

— T'es sérieuse là ?

Félicia dévisage Law, choquée.

— Simple logique... Par élimination... il ne reste que...

— J'ai du mal à le croire, ma belle. Elle a toujours été là. Elle t'a toujours soutenue, sans compter.

— Justement, je ne me suis jamais posé la question, mais c'est quoi sa vie en dehors de l'agence ? Je ne sais pas qui elle est, finalement.

— T'es en train de sous-entendre que Ren serait BlackHole ?

— Juste sa complice, mais là tu soulèves un lièvre... même moi, j'ai une vie en dehors de l'agence !

— Parlons-en ! Ça fait combien de temps que tu n'as pas vu ton éditeur ? Tes nouvelles se font drôlement désirer... Forbes a, certes, un faible pour toi et te passe tes retards, mais ne tire pas trop sur la corde, si tu veux continuer de vivre à Londres, c'est pas avec ce que tu gagne à l'agence que tu vas payer ton loyer ma poule ! Ce BlackHole te retourne la cervelle. Si Ren ne s'occupait pas de te ramener des clients tu fermerais ! Il te verse combien ton Mac ? Le Yard, ça donne sans doute du prestige, mais je ne pense pas que ça paie les factures...

— Tu parles comme si j'étais la putain du commissariat ! Enfin, tu n'as pas tort. Tyler me paie que dalle... BlackHole me bouffe ma vie et je bosse gratis pour des mecs infoutus de l'épingler ! Faut voir comme ils se foutent de ma gueule, certains ! Ça porte une plaque, c'est convaincu d'avoir un cerveau, mais j'ai été flic avant eux, bordel !

Law s'arrête de parler. Félicia la regarde, attendant une réaction. La jeune femme se tourne vers sa colloc.

— Romancière. À ton avis ?

— Classe ma poule. T'es pas sapée pour, par contre. Tu devrais virer ce déguisement de cop.

La coloc se lève, se dirige vers le corridor. Après avoir consciencieusement farfouillé dans les vêtements et accessoires accrochés au mur, elle revient avec un chapeau ainsi qu’un un grand châle qu'elle pose sur les épaules de l’enquêtrice. Puis ajuste le couvre-chef sur sa tête.

— Voilà ma chérie, c'est déjà plus élégant. Et le chapeau, toujours en biais, couvrant légèrement l'arcade. Regarde-moi ça, un gadget ou deux et ça change tout.

Félicia prend Law par les épaules et l'amène vers le miroir de l'entrée. Mortensen se regarde, sans dire un mot. L'idée commence à germer dans son esprit. Elle arrondit déjà ses fins de mois en publiant ses nouvelles, mais romancière... Romancière...

Romancière.