LE GOUFFRE

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« Parfois l'esprit ne fait pas la différence entre la fiction et la réalité. Seule la douleur peut t'apporter la certitude d'être réel... mais parfois, trop de douleur peut pousser ton esprit dans le gouffre d'une réelle folie... J'essaie de ressentir la réalité par delà la douleur... »

*

Se souvenir de Dell a complètement bouleversé Law. Comment a-t-elle pu oublier ? Brixton ! Le ventre noué, elle sort pour arrêter un taxi.

*

Brixton.

Shoshana lui donne sa drogue habituelle, puis lui propose de rester un peu :

— Pose toi. C'est quoi cette fois-ci ?

— La même merde.

Fuck ma poule, tu vas te tuer, à force !

— C'est ma dealeuse qui dit ça ! Mourir... Il faudrait déjà vivre... Je me suis collé une balle dans la tête, je suis toujours là !

— Tu... arrête ça ! On dirait que tu passes ton temps à foncer dans le mur. Un jour tu vas y passer ! Je te connais un peu et j'avoue que ça m'emmerde. De la pharmacie aux bas fonds, j'ai fais mon choix, c'est la nature humaine qui m'a attirée ici...

— C'est pas un peu contradictoire ?! Tu refourgues de la came aux rebuts de l'humanité et tu t'inquiète de leur sort ?!

— Je leur donne de la bonne came, aucun de mes clients n'est mort, je ne produis pas de la merde.

— Et tu vas écrire un bouquin avec ce que tu as appris sur la nature du junky ?!

— Je me fous de la thune...

— Je sais pas comment tu fais, on dirait que le glauque t'attire !

— Non, j'essaie de les faire décrocher... t'es allée le voir ?

— Un bon samaritain en immersion dans la vase...

— T'es allée le voir ?

— Va te faire foutre.

— Raconte.

— Ce monde c'est n'importe quoi. J'ai des hallu maintenant ! Il m'a enlevée, torturée, j'ai essayé de me buter ! Je suis toujours là, dans ce bourbier infect... J'ai besoin d'oublier, alors tes questions... Oui j'y suis allée.

Law se lève, prête à s’enfuir de l'appartement. Elle s'arrête brusquement, se retourne vers la trafiquante :

— Tu te trouves cohérente ? Bourgeoise qui s'ennuie en pharmacie, décide de plonger dans la fange de Brixton, pour vendre de la « bonne came » aux rebuts de la société ! En cheville avec un psy de renom, elle décide de faire décrocher les moins désespérés... Dans la vrai vie tu n'aurais pas tenu une semaine ici.

Mortensen tourne les talons, puis sort en claquant la porte. Shoshana reste assise, impuissante comme si elle venait de perdre sa fille.

Le rituel de la défonce. Même si Law n'est qu'une consommatrice occasionnelle, les prétextes commencent à devenir de plus en plus fréquents. Se souvenir de ce que l'on a enfoui dans les « limbes » de son esprit, semble être un processus dangereux. La douleur ne quitte plus la jeune femme.

Il faut que ça s'arrête !

Au centre de la boite de nuit, Law danse, l'esprit engloutie dans la musique, engourdie par la drogue et l'alcool. La mélodie se transforme progressivement en un bruit indéfinissable. Tous ces souvenirs abjects, toute cette misère, les images de tous ces morts, cette violence, l’assaillent. L’ex-flic s’échappe du SUPERMASSIVE BLACK HOLE. Elle se tient à un mur et vomis. Le même rituel, à chaque fois. Errant dans les rues sombres du quartier, sans but, l’enquêtrice s'engouffre dans une ruelle. S'assoit par terre, contre un mur. Sort une trousse de la poche de sa veste, seringue, garrot. Se pique, range tout, puis reste un moment, immobile. Elle finit par se relever tant bien que mal, marche un peu en titubant pour s'effondrer quelques mètres plus loin, au milieu de la chaussée.

*

W. Agency. Victoria.

Ren entre dans le bureau, Law est assise dans son fauteuil, face à la fenêtre, fumant une cigarette, son whisky posé sur la table.

— Tu dérailles ou quoi ? Lâcher l'affaire comme ça ?!! Paris ! Tu pouvais prévenir !

— Vas chier ! Ça te fait des vacances à toi aussi, dis pas le contraire, à moins que...

L’enquêtrice se retourne vers son associée en la dévisageant. La blonde, se sentant accusée, recule horrifiée :

— Tu ne crois tout de même pas que j’ai quelque chose à voir dans cette affaire ?

— Faut que je dorme... lui répond Mortensen, blasée par la situation, se levant pour s’effondrer dans le canapé du salon.

La tête dans un cousin la jeune femme se demande si elle a déjà vraiment dormi ? A-t-elle déjà ressenti la fatigue ? Est-ce qu’elle ressent vraiment quoi que ce soit ?

J'ai l'impression de rêver... Quel intérêt à tout ça ? Quel intérêt ?

Soudain son téléphone portable vibre dans la poche arrière de son pantalon. Law consulte sa messagerie, puis lit un texto :

« On ne me quitte pas comme ça. »

L’ex-flic se retourne dans le canapé :

— Tu m’écris des SMS maintenant. Numéro inconnu. Ben voyons ! Mais ne compte pas sur moi pour te répondre. En même temps, je ne peux pas...

Ren entre dans la pièce, intriguée :

— Tu parles à qui ?

— A ton avis ?

Elle lui jette son cellulaire à la figure, qui le ramasse pour lire le message :

— Tu ne peux pas lâcher l’affaire comme ça ! Il va finir par s’en prendre à tes proches ! Bon sang, bouge toi ! Pense à Mac, tu veux que ce soit le prochain cadavre ?!

— C'est une menace, Ren ? Il est assez grand pour s’occuper de ses miches tout seul... Besoin de dormir.

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