Un simple, mais étrange cortège
L'aube point à l'horizon, mais je ne parviens toujours pas à fermer l'oeil, malgré la fatigue du voyage qui pèse encore sur moi. Je décide donc de me lever et me dirige vers la coiffeuse, où trône un récipient plein d'eau, pour me laver le visage et les dents. Je peigne aussi mes courts cheveux blonds et arrange ma frange, puis vais jusqu'à la penderie où sont rangés mes vêtements. J'ôte ma chemise de nuit et enfile des bas blancs, la robe de mariée aux brodures d'argent, les longs gants en soie claire et le fameux voile qui couvrira mon visage jusqu'à la fin de la cérémonie. Les seuls bijoux que je porte sont un collier argenté et des boucles d'oreilles aux pendantifs constitués de perles.
Je finis d'enfiler mes souliers lorsque l'on toque à la porte. Je réponds :
- Entrez !
Aurélie apparait sur le seuil et constate :
- Je vois que vous êtes déjà prête. Tant mieux. Ainsi, le duc ne s'impatientera pas.
- Il est déjà prêt, lui aussi ?
- Oui, confirme-t-elle en hochant la tête. Il n'attend plus que vous.
- Allons-y, dans ce cas, dis-je en quittant la chambre.
Je traverse le couloir et descends l'escalier en bois, puis sors dans la cour interne, suivie par la vieille femme. Nous y trouvons le duc de Westforest, vêtu d'un costume, d'une longue cape et de bottes blancs, en train de caresser un cheval au pelage brun clair et à la crinière pâle, mais soyeuse. Il est accompagné de deux hommes, tenant par la bride leurs propres montures.
Je m'approche de l'homme aux cheveux châtain clair et le salue d'une simple révérence.
- Bonjour, me dit-il. Je vous présente Robin et Robert. Ils sont mes gardes du corps et mes amis. Leur efficacité équivaut à celle de plusieurs hommes expérimentés. Voilà pourquoi vous ne rencontrerez aucun autre garde dans ce château.
J'observe les deux hommes. Robin est grand, a de courts cheveux roux et des yeux verts. Son visage est parsemé de taches de rousseur. Il est vêtu d'un haut couleur émeraude qui lui arrive jusqu'aux genoux et qui est serré au niveau de la taille par une ceinture en cuir. Son pantalon moulant, du même vert foncé que ses longues manches, est surmonté de bottes brunes. Un carquois plein de flèches et un arc reposent sur son dos.
Robert, quant à lui, ressemble à son compagnon comme deux gouttes d'eau, si ce ne sont ses cheveux qui sont plus longs, tombant sur ses épaules, et la couleur de ses vêtements : le haut et les bottes sont bruns, mais les manches, la ceinture et le pantalon sont noirs. Une longue épée au pommeau doré pend à son côté.
"Ils doivent être jumeaux." pensé-je, frappée par leur ressemblance.
Les deux interessés me saluent avec une courbette :
- Bonjour, Votre Altesse, dit Robin.
- C'est un plaisir que de faire votre connaissance, ajoute Robert.
- Tout le plaisir est pour moi, messieurs, répondé-je avec un petit hochement de tête.
- T'as entendu ça, frangin ? demande l'homme vêtu de vert.
- Oui, elle nous a appelés "messieurs". Voilà qui est inédit pour de simples roturiers comme nous.
- Bon, les interrompt le duc de Westforest, nous avons perdu suffisamment de temps. Maintenant que les présentations sont faites, partons.
Sur ces mots, il monte en selle, puis me tend sa main. Je la prends et il me hisse devant lui, où je m'installe en amazone, tandis que les jumeaux grimpent sur leurs montures et que Robert fait monter Aurélie sur son cheval.
Les trois cavaliers lancent aussitôt les bêtes au trop. Nous passons les deux grandes portes de l'entrée et nous arrêtons un instant, le temps de les refermer, puis repartons de plus belle en direction de la forêt, dans laquelle nous nous enfonçons. Les branches des arbres, recouvertes de mille et une feuilles vertes, filtrent les rayons du soleil, obscurcissant ainsi notre chemin.
J'avoue être étonnée d'effectuer le trajet jusqu'à l'église à simple dos de cheval. Ce n'est pas que cela me dérange car je suis habituée à me déplacer ainsi. J'ai même connu des modes de locomotion encore plus inconfortables, mais d'ordinaire, lors des mariages entre membres de la noblesse ou de la royauté, le trajet jusqu'au lieu de la cérémonie s'effectue en carrosse, afin d'assurer le confort des futurs mariés, mais aussi pour montrer leur richesse. Or, le duc de Westforest, malgré son statut, semble ne pas s'en soucier. Voilà qui est étrange. . .
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