Une jeune femme admirable, mais intrigante. . .
À la fin du repas, la princesse Linaë quitte sa chaise pour empiler les assiettes et autres couverts. En s'en rendant compte, ma bonne Aurélie se dépêche de lui dire :
- Laissez-moi faire, madame. Vous m'avez déjà bien aidée, aujourd'hui, je peux m'occuper du reste des corvées seule.
- C'est à moi de vous demander de me laisser faire, rétorque la jeune femme. Je déteste rester inactive alors faites-moi le plaisir d'accepter mon aide, s'il vous plait.
La vieille femme semble hésiter. Je la convainc donc :
- Laisse-la faire, Aurélie. Tu travailles si dur du matin au soir. . . Un peu d'aide te fera le plus grand bien.
- Bien, dans ce cas. . . Je ne peux qu'accepter. Je vous remercie pour votre gentillesse et votre générosité, madame.
- Je vous en prie, mais ne me remerciez pas car je vais ajouter un peu à votre travail habituel aujourd'hui en vous demandant un petit service. . .
- Qu'est-ce que c'est ?
- Je vais vous le dire sur notre chemin jusqu'aux cuisines.
Sur ces mots, ma jeune épouse quitte la salle à manger, suivie par la servante. Je continue à fixer la porte pendant les quelques secondes suivant leur départ, puis lance aux jumeaux :
- Allons faire un tour.
Ils me suivent en silence en dehors du donjon. Nous montons sur le chemin de ronde et je demande à mes amis :
- Que pensez-vous de ma nouvelle épouse ?
Ils m'observent d'abord avec étonnement, puis échangent un regard, le tout en silence. Ma question doit les surprendre, mais Robert finit par répondre :
- C'est une dame tout à fait charmante.
- J'aime sa façon de considérer chaque individu comme un être humain, quel que soit son rang social, ajoute Robin. C'est une qualité si rare, surtout pour une femme de sang royal ! En ce sens, je trouve qu'elle vous ressemble.
- Tu trouves qu'on se ressemble ? fais-je en me figeant.
- Oui, confirme-t-il. Tu ne partages pas mon avis, frangin ? ajoute-t-il en tournant la tête vers Robert.
- Si, dit ce dernier en hochant la tête.
Mon regard se pose sur le bâtiment où sont installées les cuisines. On peut distinguer les silhouettes des deux femmes qui y travaillent à travers l'une des fenêtres.
- Pourquoi suis-je incapable de la comprendre, alors ? demandé-je en posant ma main sur les pierres délimitant et sécurisant le chemin de ronde.
- Comment ça ? demande Robin.
- Je suis d'accord avec vous : ma femme est admirable, mais est-ce que vous ne trouvez pas son comportement. . . intriguant parfois ?
- Je vois ce que vous voulez dire, affirme Robert. Il est vrai qu'elle a un comportement inhabituel pour une princesse. Je n'ai jamais vu une femme de son rang participer aux tâches domestiques.
- C'est sûr qu'une noble qui appelle de simples roturiers "messieurs" a de quoi surprendre, déclare son jumeau.
- Est-ce que vous doutez de son appartenance à la famille royale de Lakisle ? me demande l'homme à la longue chevelure rousse.
- Non, je ne doute pas qu'elle soit de sang royal car elle détient le charisme des grands souverains, mais il doit y avoir autre chose qu'on ignore à son sujet et qui pourrait tout expliquer. Reste à savoir ce que c'est. . .
Au même moment, les deux femmes quittent les cuisines et je remarque que mon épouse porte un panier à son bras. Elle regarde partout autour d'elle, puis en levant les yeux, elle nous aperçoit et nous fait des grands signes de la main pour nous inviter à la rejoindre.
Je lui réponds par un petit geste de la main, tout en souriant inconsciemment, avant de descendre du chemin de ronde pour me diriger vers elle, suivi par mes deux fidèles compagnons.
Une fois arrivé à sa hauteur, je lui demande, en désignant le panier :
- Qu'est-ce que c'est ?
- Aurélie m'a donné toutes les graines de fruits et légumes qu'elle a récupéré en cuisinant. Je souhaite les apporter sur-le-champ aux villageois car la situation est urgente.
- Je comprends, mais je ne pourrai malheureusement pas vous accompagner aujourd'hui. J'ai des courriers et d'autres papiers qui m'attendent sur mon bureau. Voilà pourquoi Robert va vous escorter cette fois. Je compte sur toi, ajouté-je en me tournant vers ce dernier.
- Plutôt mourir que de laisser quoi que ce soit arriver à madame ! déclare-t-il.
- Ne sois pas aussi dramatique, rétorqué-je en riant, mais reste vigilent.
Je franchis la distance qui nous sépare et lui murmure :
- Ouvre grand tes yeux et tes oreilles et rapporte-moi tout comportement et parole suspects à ton retour, est-ce clair ?
Il plonge son regard vert dans le mien et m'adresse un hochement de tête approbateur.
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