Les jumeaux

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Je sens une main chaude se poser sur mon front et une douce voix me dire :

- Bonsoir, mon petit duc.

Il n'y a qu'une seule personne au monde qui m'appelle de la sorte. J'ouvre les yeux pour découvrir le visage d'Aurélie penché au-dessus du mien. Elle m'adresse un sourire bienveillant et déclare :

- Je suis revenue comme promis. Je vais veiller sur madame pendant que vous prenez du repos.

- Ce n'est pas la peine, rétorqué-je en me redressant pour m'asseoir sur le lit. Je n'ai pas l'intention de quitter cette chambre avant qu'elle ne soit totalement rétablie.

- Il n'est pas bon de ne respirer que le mauvais air d'une chambre de malade. Si ça continue comme ça, je vais me retrouver avec deux patients au lieu d'une et aucun de nous deux veut que ça n'arrive, n'est-ce pas ?

Face à mon expression hésitante, elle ajoute :

- Elle est entre de bonnes mains avec moi. Je vais prendre bien soin d'elle. Faites-moi confiance.

À ce moment, je sais qu'elle a gagné : refuser sa demande signifierait que je n'ai aucune confiance en elle, ce qui est absolument faux. Je pousse donc un soupir de résignation et lâche

- C'est bon, je vais aller me reposer autre part.

Elle affiche un sourire triomphal, pendant que je descends du lit pour quitter la chambre. Je me retourne pour lancer un dernier regard en direction de mon épouse, qui est toujours endormie, avant d'ouvrir la porte et de sortir.

Je décide de me rendre dans la tour du château, où logent les jumeaux, pour m'assurer de l'état de Robert. Je descends l'escalier en bois du donjon et traverse la cour, qui est toujours assaillie par une infinité de gouttes de pluie, en courant. J'ouvre la porte en bois de la tour et monte son escalier en colimaçons jusqu'à atteindre l'étage où se situe la chambre des deux rouquins. Je toque à leur porte et Robin ne tarde pas à m'ouvrir en m'accueillant chaleureusement :

- Bonsoir, monsieur le duc ! Que nous vaut le plaisir de cette visite ?

- Je viens juste m'enquérir de l'état de ton frère, l'informé-je en entrant.

- C'est bien gentil à vous, déclare Robert qui est assis devant la cheminée et enveloppé d'une couverture, mais il ne fallait pas vous tremper juste pour ça. Je vais bien.

- Qu'en est-il de la duchesse ? demande l'autre. Mon frangin m'a dit qu'elle est malade. . .

- C'est vrai, mais Aurélie affirme qu'elle se rétablira vite. Selon elle, elle n'est pas en danger.

- Oh, Diane merci ! soupirent-ils en choeur.

Je m'installe à mon tour devant la cheminée pour sécher mes vêtements trempés. Nous n'entendons que la pluie qui tambourine aux fenêtres et le crépitement des flammes pendant quelques secondes, avant que Robert ne m'informe :

- La duchesse avait l'intention de vous demander de faire venir un médecin pour les villageois malades. Ils n'étaient déjà pas en forme quand nous sommes allés leur rendre visite, tout à l'heure, mais avec ce temps, j'ai peur que leur état ne s'aggrave.

Je ferme les yeux pour réfléchir, puis dis :

- Le coût de cette dépense sera considérable, mais nous ne pouvons pas abandonner ces malheureux. Je ne pourrai certainement pas leur payer un médecin sur une longue période, mais je peux au moins en rémunérer un pour les ausculter et leur offrir quelques soins. Ensuite, nous aviserons.

- La duchesse sera heureuse d'apprendre cette nouvelle, affirme Robin en souriant.

- Je chargerai l'un d'entre vous d'aller en ville pour nous trouver un bon médecin une fois que cette pluie aura cessé. En attendant, je vous laisse vous reposer, dis-je en me levant pour quitter leur chambre.

Je suis sur le point de poser ma main sur la poignée de la porte, lorsque Robin m'interepelle :

- Monsieur le duc !

- Qu'y a-t-il ? lui demandé-je en me retourant.

- La pluie est encore trop violente pour que vous sortiez dehors. Vous risquez de finir comme madame la duchesse si vous continuez à vous exposer au mauvais temps.

- Il a raison, ajoute Robert. Il vaut mieux que vous restiez ici jusqu'à ce que ça se calme.

- Ici ? leur demandé-je avec étonnement.

- Oui, la chambre est suffisamment grande pour trois.

Ils m'adressent un sourire franc et bienveillant. Je suis vraiment touché par leur généreuse invitation, mais rétorque :

- C'est que. . . j'avais l'intention de passer la nuit dans la chambre se trouvant juste à côté de la mienne afin de pouvoir être à ses côtés en un éclair si besoin. . .

- Aurélie veille sur elle, dit Robin en posant une main réconfortante sur mon épaule. Elle n'a rien à craindre entre ses mains. Je comprends votre inquiétude pour la duchesse, nous le sommes tous un peu, mais c'est justement parce qu'elle a besoin de nous qu'on ne peut pas se permettre de prendre le risque de tomber malades dans un moment pareil.

Je pousse un soupir et déclare :

- Tu as raison. Bon, ajouté-je en leur rendant leur sourire, j'accepte de passer la nuit ici avec vous deux.

- On a gagné ! s'exclame l'archer en tapant dans la main de son jumeau.

Ce dernier se contente de rire. Je souris, attendri et détendu par leur bonne humeur et leur complicité, mais mon sourire s'efface lorsque je pense :

"Si seulement nous étions comme eux. . ."

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