Émouvantes retrouvailles

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J'aide Aurélie à dresser la table pour le souper, tandis que les jumeaux discutent tranquillement entre eux dans un coin de la salle à manger. Je remarque, lorsque je leur lance un coup d'oeil de temps à autre, que le regard de Robert est souvent posé sur moi. Il s'empresse de le détourner aussitôt que mes yeux croisent les siens, faisant naître à chaque fois sur mon visage un sourire amusé.

Je ne suis pas la seule à remarquer l'attitude du jeune homme car son frère ne tarde pas à lui lancer, sur un ton faussement vexé :

- Tu veux bien me regarder dans les yeux quand je te parle ? Je peux comprendre que notre nouvelle médecin soit plus agréable à regarder que moi, mais ce n'est pas une raison. . .

Les paroles du jeune archer me font monter le rouge aux joues. Robert rétorque aussitôt :

- Qu'est-ce que tu racontes, Robin ? !

- Oh, arrête ! Tout le monde l'a remarqué, tu sais ? Tu n'es vraiment pas doué quand il s'agit de masquer tes sentiments.

- Chut ! lui intime le rouquin dont le visage est devenu tout rouge. Tu veux bien arrêter de m'afficher devant elles ? !

Aurélie et moi éclatons aussitôt de rire, amusées par la situation. Robin hausse les épaules en disant :

- Bon, comme tu veux, mais si jamais tu as besoin d'aide, n'hésite pas à m'en faire part, ajoute-t-il avec un clin d'oeil complice.

- Oh, je t'en prie, frangin. . . Tu n'as aucune expérience dans le domaine. Comment pourrais-tu m'aider d'une quelconque façon ?

- Le fait que je n'ai aucune expérience dans le domaine ne signifie pas que je n'y connais rien. . . se contente de rétorquer l'homme à la courte chevelure.

Nous sommes toujours en train de rire lorsque la porte s'ouvre à la volée. Nous nous retournons en sursaut pour voir entrer la duchesse et son époux, qui arborent des expressions radieuses et des yeux brillants.

- Ah, vous voilà enfin ! s'exclame la jeune femme. Nous avons une merveilleuse nouvelle à vous annoncer ! ajoute-t-elle en prenant mes mains dans les siennes.

- Que se passe-t-il, madame ? lui demandé-je, intriguée.

- Nous avons déchiffré le message du médecin qui t'a élevée, ma soeur, me dit le duc de Westforest en s'approchant à son tour de moi, un doux sourire sur son visage.

La princesse Linaë se met sur le côté pour céder le passage à son mari, qui ajoute en prenant ma main droite dans la sienne :

- Je suis enchanté d'enfin faire ta connaissance.

Il effectue ensuite un baisemain. Je porte mon autre main à mon coeur, surprise par ses dires et son geste.

- Pourquoi m'avoir appelée "ma soeur" ? lui demandé-je d'une voix perplexe.

- Ta mère m'a élevé et continue de prendre soin de moi aujourd'hui encore. Je me permets donc de te considérer comme ma soeur.

Mes yeux couleur indigo s'écarquillent lorsque je réalise enfin ce qu'il veut dire. Je toune lentement ma tête vers la vieille domestique, qui me fixe déjà avec des yeux baignés de larmes. Elle s'approche lentement de moi, pas à pas, et vient poser une main tremblante d'émotion sur ma joue. Les larmes me montent aux yeux lorsque je sens cette douce chaleur sur ma peau, tandis que celle qui m'a mise au monde murmure :

- Calista. . .

- Mère. . . parvins-je à articuler, avant de me jeter dans ses bras en éclatant en sanglots.

Elle me rend mon étreinte d'une main, tandis que l'autre vient caresser ma longue chevelure noire. Je laisse mes larmes couler sur sa robe bleue pendant de longues minutes. Je suis partagée entre la joie d'enfin rencontrer la mère que je souhaitais tant connaître et la tristesse de réaliser que celui que j'ai toujours cru être mon père ne l'était en fait pas. Ce n'est qu'une fois mes larmes taries que je m'écarte un peu de ma génitrice en reniflant pour plonger mes yeux dans les siens et lui demander :

- Si l'homme qui m'a élevée n'était pas mon paternel, qui est-ce ?

Elle m'adresse un triste sourire et sors de la poche de son tablier un mouchoir dont elle se sert pour essuyer mes joues et mon nez, avant de déclarer d'une voix tremblante :

- Je crains que tu n'ais pas la chance de le connaitre. . .

- Que lui est-il arrivé ?

Elle garde le silence pendant de longues secondes, en fronçant les sourcils, comme si elle hésitait, avant de finalement avouer :

- Il a contesté la décision de feu notre roi de te faire grandir dans une autre famille et il l'a payé de sa vie. . .

- Il a été exécuté pour avoir refusé d'obéir à l'ancien souverain ? ! m'exclamé-je.

- Oui. Il ne supportait pas l'idée que l'on puisse te séparer de nous, mais le roi Frédéric ne supportait pas l'idée que l'on puisse ouvertement s'opposer à lui, alors il a condamné mon mari pour crime de lèse-majesté.

- C'est si injuste. . .

- Je le sais bien, mais qui a dit que la vie était juste ?

Je serre à nouveau ma mère dans mes bras, à la fois pour trouver du réconfort et pour lui apporter le mien.

- Je suis vraiment désolée de ne pas avoir été là pour toi, mais quand j'ai vu ce qu'il était advenu de ton pauvre père, j'ai eu peur qu'on te fasse du mal si je m'opposais comme lui à la volonté de feu le roi de Forestisle et je n'ai eu d'autre choix que de me plier à ses ordres pour te protéger.

- Je comprends, mère. Vous n'avez pas à vous en vouloir. Je vous suis reconnaissante d'avoir tout fait pour me sauver. Merci !

- Oh, mon enfant ! s'exclame-t-elle en me serrant encore plus fort dans ses bras.

En regardant par-dessus l'épaule de la vieille femme, je remarque que la duchesse nous observe avec des yeux bleus brillants de larmes. Les jumeaux nous fixent avec une expression oscillant entre la joie de nous voir réunies et la tristesse d'apprendre notre douloureux passé familial. Le duc de Westforest est le seul dont il est impossible de savoir ce qu'il ressent ou à quoi il pense : sa tête est baissé, permettant ainsi à ses cheveux châtain clair de dissimuler ses yeux, mais je ne tarde pas à constater que ses poings sont serrés et tremblants. . .

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