L'interrogatoire du prisonnier
Je descends l'étroit escalier menant aux cachots et entre dans l'une des cellules. Je n'avais encore jamais utilisé cet endroit, qui sent le renfermé en raison du peu d'ouvertures qu'il contient. J'avance en direction de l'homme qui est assis sur le sol recouvert de paille, attaché par des chaînes reliées au mur en pierre. Je lui demande directement :
- Qui es-tu ?
- À quoi bon vous le dire ? Quoiqu'il arrive, je vais finir au bout d'une corde et personne ne se souviendra de mon nom, pas même vous.
- C'est possible, en effet, lui répondé-je d'un air impassible, mais je ne supporte pas que l'on ne réponde pas à mes questions, alors c'est à toi de voir si tu veux passer sous la torture avant de finir au bout de cette fameuse corde ou non.
- Toute ma vie a été une torture, alors ça ne changerait pas grand chose pour moi, se contente-t-il de dire en haussant les épaules.
- Arrête de jouer les héros tragiques ! lui ordonné-je en l'empoignant par le col. Tu n'es qu'un criminel ! Ma femme a failli mourir à cause de tes compagnons et toi !
- Je n'ai pas choisi d'en devenir un ! Il y en a que la vie gâte depuis la naissance, comme vous, et d'autres qu'elle délaisse comme nous. Nous n'avions pas de travail et n'avons trouvé aucun autre moyen de subsistance que de prendre de force ce que la vie refuse de nous donner. C'était ça ou mourir de faim !
- Je sais bien qu'il y a des malheureux qui sont contraints de voler pour survivre. Je ne vous reproche pas d'avoir tenté de dépouiller mes villageois, mais d'être allé jusqu'à tout détruire et essayer d'attenter à leur vie !
- Nous n'avions pas d'autre choix. Ils ont résisté, nous étions obligés de leur passer sur le corps pour prendre ce que nous voulions.
- Tu ne ressens donc aucune culpabilité à l'idée d'avoir mis des vies en danger ? !
- C'était les leurs ou les nôtres. Ceux qui se laissent enchaîner par leurs bons sentiments et leur conscience n'ont aucune chance de survivre dans notre situation.
Ses paroles me frappent tant que je desserre mon emprise sur son col et finis même par le lâcher en lui demandant :
- C'étaient les meubles et autres objets en bois fabriqués par nos villageois qui vous intéressaient, c'est bien cela ?
- Oui, depuis plusieurs semaines, nous avons remarqué que des convois de marchandises partaient du duché de Westforest. Nous nous sommes dit qu'en récupérant ces objets pour les revendre à notre profit, nous gagnerions suffisamment d'argent pour vivre tranquillement et le ventre plein pendant au moins plusieurs semaines. Notre chef a même émis la conclusion que pour faire du commerce, le territoire devait être plus ou moins aisé et que nous trouverions donc encore plus de richesses en remontant jusqu'au village. Nous avons pu constater que c'était bien le cas, mais vous vous êtes mis en travers de notre route et, maintenant, tout est fini pour nous.
- Où est votre chef ?
- Il est mort pendant la bataille. La duchesse l'a tué.
- Je vois. Je te laisse à présent. L'un de mes hommes va bientôt venir t'apporter ton repas.
- Pourquoi me nourrir ? lâche-t-il avec un petit rire nerveux. Je ne vais pas tarder à rejoindre mes camarades, de toute façon, n'est-ce pas ?
En disant ces mots, il plonge son regard dans le mien, révélant ainsi que des larmes perlent au coin de ses yeux. Les miens s'écarquillent et je sens mes poings, mais aussi et surtout mon coeur, se serrer. Je fronce les sourcils et me retourne précipitamment pour ne pas laisser le temps à mes états d'âme de m'envahir, puis quitte les cachots d'un pas rapide.
"Reste fort. Tu ne dois pas avoir de pitié, ni de compassion pour ce criminel. Souviens-toi de ce qu'il a fait au village et à ses habitants, rappelle-toi qu'il a mis en danger la vie de ceux que tu aimes. Reste fort."
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