Je suis désolée
Je finis tout juste de repousser l'un de nos adversaires lorsque j'entends une voix masculine me crier :
- Jean ! Attention !
Je me retourne juste à temps pour voir un autre soldat se jeter sur moi, mais son épée, au lieu de me transpercer, se plante dans le corps qui vient s'interposer entre elle et moi. Le blessé pousse un cri de douleur et tombe au sol. Je m'agenouille précipitamment à ses côtés pour le soutenir en l'appelant, dans un hurlement horrifié :
- Miles !
Notre ennemi en profite pour fondre à nouveau sur nous, mais il est heureusement arrêté juste à temps par notre supérieur, qui m'ordonne :
- Mets-toi à l'abri avec Miles et occupe-toi de lui ! Nous nous débrouillerons sans vous.
- Capitaine Aumaric. . .
- Fais ce que je te dis, c'est un ordre !
- Oui ! dis-je en m'exécutant.
J'installe mon camarade sur mon dos et traverse le champ de bataille en courant, couverte par nos alliés. Je me précipite vers le pré qui se trouve à proximité et m'enfonce dans les herbes hautes pour nous cacher. Je dépose ensuite Miles sur la terre fraîche et observe sa blessure, située juste sous l'épaule. Je me dépêche de fouiller dans la sacoche accroché à ma ceinture afin d'en sortir des bandages, dont je me sers pour arrêter l'hémorragie.
Il m'adresse en simple sourire en guise de gratitude, ne souhaitant pas parler afin de ne pas attirer un soldat adverse jusqu'à nous.
Nous attendons ainsi pendant de longues minutes, dans un silence qui n'est troublé que par les cris de guerre et les bruits des lames entrechoquées, jusqu'à ce que des hurlements triomphants nous parviennent :
- Hourra ! Nous avons réussi à les repousser !
- Oui !
- Regarde-les fuir comme les lâches qu'ils sont !
- Ha ha ha !
J'écoute attentivement ces cris de joie dans le but de deviner à quel camp ils appartiennent, lorsqu'une phrase vient chasser mes doutes et me rassurer :
- Gloire à Neptune !
Je pousse un soupir de soulagement et dis à l'intention de mon camarade :
- Notre camp a remporté la bataille, aujourd'hui.
- Oui, j'ai entendu.
Je passe l'un de ses bras autour de mes épaules pour l'aider à se relever et appelle, pour que l'on vienne nous aider :
- Ohé ! Nous sommes là !
Un soldat se précipite aussitôt dans notre direction pour m'aider à soutenir Miles. Nous rentrons ainsi jusqu'au camp, installé non loin de là.
Le soir-même, notre supérieur entre dans la tente réservée aux blessés, où je suis assise au chevet de mon sauveur, pour nous annoncer :
- Un bateau partira demain pour Lakisle afin de rapatrier les hommes qui ne sont plus en mesure de se battre. Miles, ta blessure à l'épaule t'empêchant de manier correctement l'épée, tu en feras partie. Quelques soldats vont accompagner nos blessés pour les escorter. Ils reviendront avec le navire chargé de nous apporter des remplaçants.
"Un bateau en direction de Lakisle ? C'est ma chance. . ."
- Capitaine Aumaric ? l'interpellé-je en levant la main.
- Oui, Jean ?
- J'aimerai faire partie de cette escorte. Si Miles ne s'était pas interposé entre cet adversaire et moi, je serai sans doute mort à l'heure qu'il est. Je pense que c'est la moindre des choses de veiller à mon tour sur lui afin de le remercier dignement pour son fier service.
- C'est entendu, accepte-til suite à quelques secondes de réflexion.
- Merci, capitaine.
- Que chacun se prépare au départ ! nous ordonne-t-il avant de s'en aller.
- Merci de m'accompagner, me dit le blessé depuis son lit de camp. C'est vraiment gentil de ta part.
- C'est à moi de te remercier pour m'avoir sauvé la vie, rétorqué-je en prenant sa main dans la mienne.
- C'est tout à fait normal de s'entraider entre camarades, m'explique-t-il en secouant la tête. C'est même un principe à mes yeux.
- Tu es vraiment un homme valeureux et exceptionnel, Miles ! m'exclamé-je d'une voix tremblante d'émotion, tocuhée par ses paroles. Je suis content de t'avoir connu. . .
- Pourquoi est-ce que tu dis ça ? Je ne vais pas mourir, tu sais. Ma blessure n'est pas mortelle. Nous allons donc rester ensemble pendant de longues années, encore.
Je me contente d'adresser un grand sourire au jeune homme, tout en m'efforçant de contenir les larmes qui montent en moi.
"Je suis désolée."
J'inscrirai ces mots sur un papier, que je le lui laisserai le soir où je le quitterai, sans doute pour toujours. . .
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