L'héritier de la couronne de Forestisle
Je prends une grande inspiration et termine mon récit :
- Mon oncle et ma tante ne m'avaient encore jamais rencontrée, mais la reine Jasmine m'a immédiatement reconnu parce que j'avais hérité de la chevelure dorée de son frère Lewis. Pour le roi Doris, il ne faisait aucun doute que mes grands yeux bleus étaient ceux de sa soeur. Ils étaient d'autant plus submergés par l'émotion que j'étais le portrait craché de leur défunte fille. C'est en constatant notre ressemblance frappante que leur est venue l'idée de me faire passer pour elle afin de me marier à sa place et d'ainsi conserver leur alliance avec le royaume de Forestisle. Encore une fois, je n'ai pas protesté, bien que je trouvais cette supercherie injuste et honteuse, parce que. . .
Je me tais. J'ai honte de le leur avouer, mais je me dois de leur dire toute la vérité. Je ne veux plus rien leur cacher. Je termine donc :
- . . . Parce que j'avais peur d'être rejetée ! Je ne voulais pas être encore une fois abandonnée et livrée à moi-même dans ce monde cruel ! J'avais conscience d'avoir eu énormément de chance pour m'en être sortie indemne jusque là. . . Je craignais de ne plus jamais avoir la même chance. Je ne voulais pas ruiner tous mes efforts. . .
Un long silence s'installe. Je garde les yeux baissés. J'ai peur de leur réaction, peur de ce qu'ils penseront de moi, mais je ne peux plus reculer. Enfin, d'un autre côté, je suis soulagée d'être enfin totalement honnête avec eux. Ils méritent de savoir. Me voilà libérée du fardeau qu'était ce secret.
Mathieu est le premier à prendre la parole :
- Je me souviens t'avoir demandé si tu m'avais déjà menti et tu m'as répondu par la négative.
- Je ne t'ai effectivement jamais menti. J'ai juste ommis énormément de choses. . .
- Je sais et je te remercie d'avoir toujours été honnête avec moi malgré tout.
- Tu ne m'en veux donc pas de t'avoir caché la vérité pendant si longtemps ?
- Je comprends tes raisons de l'avoir fait. Je ne peux pas t'en vouloir. Je vous suis même reconnaissant d'avoir élaboré et exécuté cette supercherie sans laquelle je n'aurais jamais pu épouser la femme que j'aime.
En disant ces mots, il tend son bras pour prendre ma main dans la sienne. Nous nous sourions mutuellement. Le duc de Westforest se tourne ensuite vers nos compagnons et déclare :
- Je me dois de vous remercier pour tout. Merci du fond du coeur.
Ils lui répondent par de grands sourires chaleureux. La plus âgée d'entre eux lui dit ensuite :
- C'est à vous maintenant de nous raconter ce qui vous est arrivé.
- Que vous ont dit les hommes du feu roi ?
- Ils nous ont expliqué que vous êtes tombés dans un ravin par accident.
- Nous ne sommes pas tombés dans le ravin. Ils nous y ont poussé. Nous étions en train de traverser une longue route sinueuse et étroite lorsque l'un d'entre eux a dégainé son épée pour asséner un puissant coup à mon cheval. Ce dernier a poussé un terrible hennissement de peur et de douleur, mais en tentant de s'éloigner de son agresseur dans un geste de panique, est tombé dans le ravin. J'ai heureusement réussi à dégager mes pieds des étriers à temps et à m'aggriper à la paroie de pierre. Ma monture n'a pas eu la même chance et je l'ai regardée s'écraser au fond de la cavité avec des yeux impuissants. . .
- Face à cela, mon frangin et moi sommes descendus en précipitation de nos bêtes et nous sommes agenouillés au bord du chemin pour voir si monsieur s'en était sorti et lui venir en aide s'il en était encore temps. Ces lâches en ont profité pour nous attaquer dans le dos et nous pousser dans le ravin à notre tour ! s'exclame Robin.
- Heureusement, nous nous en sommes également sortis : mon jumeau a sorti en vitesse deux de ses flèches et les a plantées dans la roche pour ralentir sa chute jusqu'à atteindre une saillie suffisamment large et solide pour le porter. Quant à moi, c'est le duc en personne qui m'a attrapé de sa main libre pour m'éviter une chute mortelle. Les trois restés là haut se sont ensuite débarrassés de nos chevaux et ont rebroussé chemin. Ils ne s'attendaient pas à ce qu'on survive à une telle chute.
- Nous sommes parvenus à escalader la façade rocheuse, poursuit mon époux, et nous sommes rentrés à Dianapolis à pied.
- Quelle aventure ! s'exclame Aurélie.
- Vous êtes sains et saufs et c'est le principal, ajoute sa fille en portant ses mains à son coeur. Je ne remercierai jamais assez Diane de vous avoir sauvés.
Son fiancé passe un bras autour de ses épaules et ils se regardent tendrement. Fidel demande ensuite :
- Qu'allons-nous faire maintenant ? Le roi est mort et la guerre est toujours en cours.
- Il faut que l'héritier de la couronne monte sur le trône et mette un terme à tout cela, déclare la vieille domestique en reportant son regard sur celui qu'elle a allaité.
Mathieu ferme les yeux, prend une grande inspiration, durant laquelle il semble réfléchir, puis les rouvre sur un regard déterminé et lance :
- Je vais le faire, mais j'aurai besoin de votre aide à tous, ajoute-t-il en nous regardant un à un.
Nous lui sourions et hochons la tête.
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