Chapitre I. Un repas Cènique
Après un bref apéritif, nous passons tous à table, une grande table rectangulaire avec une grande nappe blanche ornée de bandes bleues aux extrémités. Au bout de la table, il y a ma grand-mère maternelle aussi appelée mamie Marie. Son vrai nom, c’est Marie-Elisabeth, mais on dit Marie, c’est plus simple. Elle est veuve, mon grand-père ayant fait une crise cardiaque il y a quelques années maintenant.
À côté, il y a ma tante Ruth et son mari Olivier, ils vivent à Tours, donc on ne les voit pas souvent. Ma tante, tout comme ma mère, a hérité du côté religieux de la famille, mais reste très gentille. Mon oncle est lui aussi croyant, mais niveau pratique, il n’est pas très assidu. Après eux se trouvent mes cousin et cousine : mon cousin Paul-Etienne a dix-sept ans comme moi. Il est dans un lycée privé à Tours. On n'est pas super proches, comme des cousins quoi. Je le trouve un peu arrogant et il a tendance à prendre de haut les gens. En face de lui, ma cousine Églantine, neuf ans, ma petite sœur et elle sont à fond dans un délire princesse licorne et tout le tralala de fillettes. Ça en plus de toujours être en train de crier et courir dans tous les sens. ma petite-sœur de dix ans : Lison, ou "ma princesse" comme dit ma mère, c’est la petite dernière et pour une fois, le petit dernier pourri gâté ce n'est pas un cliché. En parlant de ma mère : mes parents eux, sont au centre.
Ma mère, s'appelle Marie-Anne et du haut de ses quarante-neuf ans elle tient la maison d’une main de fer. Ce qui, je dois le dire, rend les choses compliquées à la maison. Mon père, Pierre, vient de fêter son cinquante-deuxième anniversaire. Il est lui aussi croyant pratiquant, mais dans une mesure que je juge raisonnable. Niveau boulot, il est associé dans une entreprise immobilière.
À côté de ma mère, se trouve ma tante Jeanne, elle travaille à la paroisse et n’a pas de mari parce que je cite: “J’attends le bon”. À quarante-sept ans, elle a encore bon espoir, rien n'est impossible après tout. Mais ça m’arrange, je peux continuer de m'amuser en l'appelant secrètement “la Pucelle d’Orléans”. Au bout de la table, ma grand-mère Paulette. Ma grande-sœur Léopoldine, elle a vingt-quatre ans et est revenue à Orléans quelques jours à l’occasion du 15 août. Elle étudie à Sciences Po Paris, du coup, on ne la voit pas souvent non plus. On s’entend plutôt bien, mais on n'est pas super proche non plus. On se fait bien évidemment les crasses de frère et sœur quand on en a l’occasion !
Face à elle, se trouve son petit ami, celui de ce mois en tout cas. Heureusement que ma mère ne connait pas Instagram, parce que des “avec mon homme pour l’éternité”, j’en vois trois par mois. Ça rend l'idée éternel du paradis vachement moins sympa quand on y pense. Mais bref, il s’appelle Gautier (quel nom de merde), si j’ai bien compris, il fait Sciences Po aussi. Il y a également ma petite-sœur de dix ans : Lison. Comme ma cousine, elle est à fond dans un délire de princesse. D’ailleurs s’en est presque une, c’est la petite dernière et pour une fois, le petit dernier pourri gâté ce n'est pas un cliché. En face de moi, Louis-Antoine, vingt-et-un ans. Lui aussi est à Paris pour ses études, mais il est à Centrale, bref niveau étude, j’ai une certaine pression.
Et enfin, moi. Marius, dix-sept ans. On a pu le comprendre, la religion ce n'est pas mon truc. Je préfère sortir avec mes amis quand je peux, ou encore aller jouer un peu de piano quand j’ai le temps et ou la sacro-sainte autorisation matriarcale. Mais trêve de bavardage, ma mère arrive avec les plats.
Ma mère met le dernier plat sur la table et commence le service à l'aide de mes tantes. Une fois tout le monde servi, elle invite ma grand-mère Marie à prononcer le bénédicité. Déjà que je ne comprends pas trop l’utilité à part faire refroidir le rôti de porc dans mon assiette, il faut qu’elle le fasse en latin. Elle prononce dans un latin parfait, sûrement dû à son passage par les enfers : "Benedic, Domine, nos et haec tua dona, quae de tua largitate sumus sumpturi. Per Christum Dominum nostrum. Amen”. Ce à quoi toute la tablée répond plus ou moins en coeur “Amen”. Nous commençons alors tous à manger, et bingo mes patates sont tièdes. C’est bien la première fois de la journée que l’on ne parle pas de religion, mes tantes et ma mère faisant passer un interrogatoire à ce pauvre Gautier et à mon frère. Ma chère mamie Paulette et moi, réagissons entre nous à ce question/réponse. On arrive à communiquer d'une manière relativement efficacite juste avec un haussement de sourcils ou un mouvement de lèvre, ce qui nous fait bien rigoler. Mais apparemment nous avons trop attiré l’attention vu que ma tante Ruth m’interpelle :
— Et toi Marius, comment ça va les amours ?
Eh merde, me dit ma petite voix intérieure. J’avale ma viande et lui réponds :
— Ben, tu sais, avec les vacances ça n'avance pas trop ahah.
— Et il a surtout autre chose à faire, comme ses cours, reprend ma mère.
— Oui… aussi...
Je peux entendre mon cousin ricaner légèrement du bout de la table. Dommage pour lui, maintenant c’est son tour. Mais bon, monsieur a une petite copine "extraordinaire" si on en croit les mots de ma tante. Et je n’échappe pas à la fameuse comparaison inter-cousin : il a eu 17 au bac de Français, j'ai 16,5, il est capitaine de l’équipe de volley de son lycée, je suis dans le club d'échecs. Alors que les comparaisons en sa faveur n’arrêtent pas, je m'énerve un peu et dis :
— Est-ce que notre cher Paul-Etienne est délégué, délégué des délégués, membre du conseil de vie lycéenne et élu représentant des élèves au conseil d’administration.
— Ah, bah non, répond sa mère.
— C’est bien mon chéri, me dit la mienne avec un sourire presque de fierté.
C’est assez rare quand elle fait ça. Après, je viens de clouer le bec de ma tante. Je n’ai jamais compris cette compétition entre elle, mais bon. Une fois le tour de table des amourettes et parcours scolaire fini, les micros conversations prennent place, on peut entendre mon oncle et mon père parler politique, avec ma tante qui reprend son mari à chaque fois que celui-ci dit quelque chose d’un peu trop à droite ou trop vulgaire à côté des enfants. Ma mère et mes tantes parlent de leurs péripéties, comme la fois où ma tante à perdu son sac à main au magasin en le posant à coté des bananes. Il faudrait appeler Netflix, ils en feraient un super film ! Les deux petites parlent de licornes ou de prince, comme d’habitude quoi. Les autres “jeunes” autour de la table ont leurs téléphones cachés sur leurs genoux, mais c’est sans compter sur ma grand-mère, qui du bout de la table, les surveille et les reprend sèchement, ce qui les fait sursauter à chaque fois. Pendant ce temps, mon autre grand-mère et moi discutons d’un peu tout et n’importe quoi, elle me parle d'André qu’elle fréquente en ce moment à son cours de gym aquatique, ou mieux, elle essaie de me spoiler la série que je regarde en ce moment. Je pense pouvoir le dire, j’ai sûrement la grand-mère la plus sympa du monde !
Il y a juste un truc que je trouve dommage, c’est que nous sommes quatorze, à une personne près, on avait une belle Cène !
Le repas s’éternise au point de prendre le dessert à seize heures. Le repas se termine enfin vers 17H30 et tout le monde part au fur et à mesure, à la fin, il ne reste plus que mes sœurs, mes parents, mon frère et Gautier. Nous débarrassons tous la table et aidons à faire la vaisselle. Ma sœur et son copain partent juste après avoir fini de nous aider.
Quelques heures, plus tard, je me surprends encore à penser à ce blond de la messe. Lors du dîner, j'ai donc posé des questions à ma mère.
— Dis-moi maman.
— Quoi donc ?
— Ils s'entrainent quand les gens de la chorale de la cathédrale ?
— Euh… le samedi après-midi, je crois. Pourquoi ? Tu veux l’intégrer ?
— Même si je peux à peine imaginer le plaisir que ça te ferait, nan. C’est juste pour voir comme ça.
Mon frère eut un sourire et dit.
— Et elle s’appelle comment ?
— Pardon ? lui réponds-je
— T’y vas pour une meuf ?
— Une fille ! Reprends ma mère.
— Ouais une fille, comment elle s’appelle.
— Mais il n'y a pas de fille, je veux juste voir comment ils s'entraînent et tout au moins une fois.
— Mouais, dit Louis-Antoine en se replongeant dans sa salade.
Ma mère continue de me donner des informations comme l’heure, les personnes à aller voir et tout le tralala.
Annotations
Versions