Une légende raconte que le dieu du Soleil et la déesse de la Lune étaient amoureux, mais chaque soir Hélios mourait pour laisser respirer Séléné. Cet amour était impossible, alors Zeus, le roi parmi les douze grands dieux de l’Olympe, dans son infime bonté a créé l’Éclipse, une marque comme preuve qu’il n’existe dans le monde, aucun amour impossible.

*

Année 2521

Dis-moi qu’y a-t-il de l’autre côté de cette porte ? Est-ce la fin du chemin ou simplement une nouvelle page qui se tourne ? Et cette lumière ? Celle dont tout le monde parle sans jamais la voir, sera-t-elle présente quant à mon tour, je me retrouverais au fond du tunnel ? Mes doutes sont étouffants, et cette marque à mon poignet bien qu’elle me lie à toi me fait peur. Alors…

Crois-moi. Mes heures viennent à manquer. Et la lumière si chaude que tu m’apportes risque de disparaître pour moi. C’est trop tôt ? Tu le crois ? Pourtant, le cercle m’a persuadé du contraire, et au fond, je me sens prête. Elle m’appelle, tu sais, cette noirceur qui semble s’infiltrer de plus en plus en moi, sur mes plumes, parant mon dos d’un nuage sombre que je ne leur connais pas.

Alors, je suis debout face à cette porte, cet immense portail qui n’attend plus que moi pour se refermer. Parce que nous avons remis en doute l’équilibre de notre monde. Parce que nous deux, côte à côte, nous mettons en péril la survie de l’Homme. Non ? Comment ça non ? N’aurais-tu plus confiance en moi ? Tu sembles hésiter, résister même alors que tu as conscience de mes choix, je les prends pour nous. Je dois y aller, avancer, passer dans cet autre monde. Il le faut.

Pourquoi ? Je te l’ai déjà expliqué. Pour l’équilibre. La balance doit rester en place, le Cercle va la reconstruire et sans moi, tout sera plus simple. Oui ? Tu ne comprends pas ? Je me dois de le faire. L’équilibre doit être rétabli. Nous n’avons plus d’autre choix, tu le sais autant que moi. Tu ne m’en empêcheras pas, tu ne le pourras pas.

Ma décision est prise. Les ambassadeurs ont su me conseiller, me guider vers le chemin qui est le mien. Mais tu te mets toujours en travers de ma route, cherchant sans cesse un moyen de me ralentir. Tu me répètes que je ne connais pas toute la vérité, que ma mémoire me fait défaut, que peut-être je suis une autre personne, une femme bien différente de celle que je suis aujourd’hui.

Mes ailes, elles te sont familières. Leur couleur si unique te paraît normale. Mon visage est celui dont tu te souviens. La marque sur mon poignet est la moitié d’un tout que tu comprends. Pourtant, moi, je reste perdue, dans le flou. Tes mots sont forts, parfois hésitants. Dans ton regard, j’y vois la peur. Mais. La vérité est là.

La lumière, l’obscurité. Le blanc, le noir. Ils sont les opposés de ce monde. Tout comme nous. Tu es démon, je suis ange. Et je sais, tu me l’as déjà répété : « les contraires s’attirent ». Seulement, je n’y crois pas. Notre monde, notre réalité est différente. Nous sommes dans une société qui n’est pas prête pour nous, qui sépare le mal du bien. Même si, je ne comprends pas ce que ça signifie réellement.

Mais, nous avons une certitude.

Le gris n’existe pas.

Tu le souhaiterais. Moi aussi, enfin… Je pense. En revanche, nous n’y pouvons rien. N’est-ce pas ? Je n’ai pas d’autre solution. Le cercle ne nous mentirait pas, les ambassadeurs sont là pour nous guider, pour maintenir les lois en place. Et nous n’y dérogerons pas. Nos destins sont peut-être liés, mais ma route ne pourra plus croiser la tienne. C’est pour cette raison que je dois sauter. Me couper les ailes, renoncer à cette vie pour trouver la paix.

Tu le sais que je ne suis pas prête à abandonner. Que j’ai fait mon choix et que malgré tous les sentiments que j’ai pour toi, je ne changerais pas d’avis. D’ailleurs la porte face à moi est la réponse à mes attentes. Elle est la solution à nos problèmes. Non ? Tu ne sembles pas d’accord avec moi, mais ne t’en fais pas. On se retrouvera. N’est-ce pas ce que tu m’as dit ?

Une boucle sans fin qui se répète encore et encore. Une histoire dont toute la trame est déjà inscrite dans le marbre. Et c’est peut-être cette vérité qui me fait peur, à moi. Alors qu’à toi, elle te libère de ta peine. Sauf que dans ce monde, dans cet espace-temps qui est le nôtre nous n’avons aucune chance.

Aucun espoir de voir un jour, le gris sous toutes ses nuances.

Notre monde est fait ainsi.

Oui ou non.

Pour ou contre.

Bien ou mal.

Le juste milieu n’est pas une notion. Il n’a pas lieu d’être. Alors un ange avec un démon ? Non, le monde n’est pas prêt, et nous le sommes encore moins que lui. C’est pour cette raison que je dois partir, m’enfuir pendant que j’en ai encore la force. Pour retrouver cet éclat qui est le mien, cette clarté qui fait ma nature. Tu ne le veux pas ?

Ton souhait est celui de me retenir. Je le vois dans tes yeux. Ils sont si sombres, plus encore que les jours précédents. Et tes bras attachés à ses chaînes qui te maintiennent face à moi s’acharnent pour tenter de se libérer. Les ambassadeurs, au nombre de six, nous entourent m’encourageant à faire les derniers pas vers ma fin.

Tu hurles, te débats tandis que je te souris. Je sais que les temps vont être durs que tu vas devoir poursuivre ta vie sans ma présence. Pourtant, je pars dans l’espoir de voir l’équilibre gagner. De le voir se relever grâce à une nouvelle ère, une ère angélique qui permettra au peuple d’avancer. Je suis seulement l’élément qui fait tanguer la balance, alors c’est à moi de passer de l’autre côté.

Tes larmes coulent le long de tes joues, mais je n’ai plus le choix. Et surtout je n’ai plus de temps. Mes pas s’enchaînent, se font plus rapides. Je cours droit vers cette porte qui à présent se referme. Pourtant elle ne doit pas le faire sans moi, sans mon passage vers cette nouvelle rive. Je le sais déjà, mon dernier parcours sera le plus dur.

Mais, je le dois.

Alors Adieu.

Adieu à toi qui m’as fait connaître le gris.

Adieu à toi, le démon qui a détourné l’ange de son but.

Adieu à toi, le paradis est mon enfer.

Adieu à toi, mon âme sœur.

Je dois redevenir lumière et toi, obscurité.

Tu resteras mon Soleil.

— Azylis ! Attends !