60 : L’un reste, l’autre part…
« Sont-ils chagrins dès qu’ils vous blessent /
Au lendemain de maladresse /
Les grands amours sont en détresse /
Lorsque l’un part, et l’autre reste… »
Charlotte Gainsbourg,
L’un part, l’autre reste, extrait de la bande originale du film L’un reste, l’autre part, réalisé par Claude Berri.
Titre écrit par Nathalie Rheims et composé par Frédéric Botton (2005).
L’Étoile du Lac
Route du port
Saint-Jorioz (74)
le 17 mars 2008
19:40
C’est difficile sans toi, Solenn, difficile de te survivre.
De survivre dans ce purgatoire qu’est devenue ma vie depuis que tu n’es plus là.
Ça fait sept ans que j’en souffre.
Sept longues années d’absence…
Et je t’en veux.
Pas parce que tu ne m’as jamais dit « je t’aime » – ou si peu –, non ; j’ai compris que c’était juste par pudeur.
Ou peut-être par peur de te tromper à nouveau.
Non, je t’en veux de ne pas avoir su me faire assez confiance pour m’avouer les vraies raisons qui t’ont fait lâcher prise.
J’avais pourtant naïvement cru que tes blessures avaient cicatrisé avec le temps.
Je pensais avoir su effacer les ravages de ton unique mariage en emménageant avec toi.
Toi qui, par superstition, n’avais néanmoins pas souhaité renouveler l’expérience.
Qui n’avais pas non plus voulu être à nouveau mère lorsque je te l’ai demandé.
Parce que tu te sentais trop nulle à la ville dans ce rôle-là…
Moi, je n’imaginais pas que ça puisse te miner à ce point.
Comme je n’imaginais pas l’ampleur de ta détresse quand tu t’installais seule au piano pour rendre hommage à ton père.
Quand tes doigts coulaient lascivement sur le clavier et que ta voix, pourtant émaillée de trémolos, les suivaient sans fausse note ni partition.
L’émotion souvent à fleur de peau, les paroles de T’en va pas (30) parlaient d’elles-mêmes et disaient tout de ce que la défunte petite fille que tu avais été taisait au fond de toi.
***
« Papa, ne t’en va pas /
On n’peut pas vivre sans toi /
T’en va pas au bout d’la nuit /
Nuit, tu me fais peur /
Nuit, tu n’en finis pas /
Comme un voleur, il est parti sans moi /
On n’ira plus au ciné tous les trois… »
***
Je m’en veux, Solenn.
Je m’en veux d’avoir minimisé tous ces maux enfouis en toi.
Tout ce qui t’écorchait, ce que tu camouflais sous ton maquillage et tes sourires de circonstance.
Oui, je t’aimais, à la folie même, mais je t’aimais mal.
Et je me faisais des illusions.
Sur toi.
Sur moi.
Sur nous.
Sur ma capacité à te rendre heureuse.
Je n’ai pas su anticiper ton départ.
Ton geste, je ne l’ai compris que trop tard.
A l’instant même où tu as tiré ce trait définitif sur ta vie.
Alors quand t’es partie, j’ai vacillé.
Je suis tombé à mon tour dans le vide.
Dans cette spirale qui t’avait déjà lacérée de l’intérieur.
Et j’ai eu mal à en crever.
J’ai pas supporté de te perdre.
Je me suis déchiré, j’ai scarifié mes entrailles, et je t’ai pleurée plus fort.
Plus fort que tous les autres, tous ceux qui ont pu t’aimer.
Plus fort que Stephen, plus fort que Margaux, que Guillaume ou Rodrigue.
Plus fort que tous tes fans, plus fort que le monde du cinéma, plus fort qu’Hollywood ou Cannes, plus fort que la France entière.
Eux ne pleuraient qu’une icône, pour certains même une amie, mais moi je pleurais la femme de ma vie.
Il n’y en a eu qu’un seul pour se réjouir de ta disparition.
Un seul pour ne pas verser de larme devant ce drame national.
Il ne s’en est même pas caché.
Cet enculé de Werner.
Cet enculé que, par amour, je vais broyer de mes propres mains.
Comme il t’a broyée toi, cet enculé…
(30) : T’en va pas est le titre phare de la bande originale du film La femme de ma vie, réalisé par Régis Wargnier et sorti en salle en 1986. Cette chanson est signée Romano Musumarra et Catherine Cohen. Elsa (Lunghini), alors âgée de treize ans, en est l’interprète.
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