Balancelle
La balancelle oscille doucement au gré du vent face au St Laurent. Le soleil se couche, deux bernaches retardataires volent à basse altitude en cherchant un endroit où passer la nuit. Derrière la balancelle, l’avenue Lasalle accueille encore son flot de voiture. Elle marche pieds nus dans l’herbe humide, une bouteille à la main. Elle est ivre et elle pleure. Elle se laisse tomber sur la balancelle, atterrée, écoutant le bruit du vent dans les saules voisins et le ronron ininterrompu des voitures dans son dos. Elle reste assise ainsi un moment, bercée par le mouvement de la balancelle. Une pluie fine d’été commence à tomber. Les gouttes sur les roseaux ressemblent à des centaines de petites étoiles scintillantes à la lumière des réverbères. Mais elle est insensible à ce spectacle unique et mystérieux, offert par la nuit. Non elle, elle songe, entre tristesse et colère à cette histoire déjà finie.
Quelques semaines plus tôt, elles étaient assises là, sur cette balancelle. Elle se balançaient doucement au rythme du vent frais de la nuit. La lumière des réverbères lui permettait de deviner ses traits, qu’elle aimait tant, tandis qu’une pluie fine commençait à tomber. Le calme des saules était parfois troublé par la radio d’une voiture passant dans leurs dos. Elle pleurait déjà en silence sa bouteille à la main, ne voulant pas montrer combien elle était blessée, combien elle souffrait de cet abandon. Sa gifle fût éclairée par une moto passant sur l’avenue Lasalle. Deux bernaches étaient lovées l’une contre l’autre, tandis qu’elles se détachaient, quittaient la balancelle, pour en finir. Face à la balancelle, les rapides du St Laurent engloutissent ses larmes.
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