03. Un cunni et c'est reparti !
Rafaela
Je grimace en regardant le scénario de cette pub alors qu’une rousse me tripote les cheveux depuis une éternité. Mon reflet dans le miroir n’est absolument pas le même que celui auquel j’ai eu droit au réveil. Merci le showbiz, le make-up, la coiffure… et tout ce que je mets en place pour paraître inaccessible. J’ai l’impression que c’est même devenu une partie de ma personnalité, bien loin de ce que j’étais avant d’entrer dans ce monde de fous.
Ça ne va pas du tout, ça… Un maillot de bain pour une marque de parfum ? Ils se foutent de moi. Et du maquillage à ce point en maillot ? Du n’importe quoi. Je ne sais pas où ces pros du marketing vont pêcher leurs idées, mais ce sont de sacrées conneries, tous ces trucs.
— Eh, mollo, j’aimerais autant avoir encore des cheveux sur la tête ce soir !
Elle se confond en excuses et baisse les yeux tandis que les miens lancent des éclairs à travers le miroir. Silla, assise derrière, a le nez sur son téléphone et son sourire épanoui m’agace presque autant que la petite coiffeuse qui a les mains qui tremblent. Pourquoi est-ce qu’elle devrait être heureuse alors que je vis un calvaire ?
— Silla ? Vois avec Quinn pour qu’il décale mon interview de cet après-midi, je sens que ce tournage va s’éterniser. Et trouve-moi des glaçons, je déteste l’eau tiède.
L’intéressée se lève et sort de ma mini-loge au galop. La vérité, c’est que j’adore entendre les glaçons s’entrechoquer, comme j’aime en glisser un sur ma langue et l’y laisser fondre. L’eau dans mon verre n’est pas tiède, mais au moins je ne verrai plus son sourire béat de jeune adulte transie d’amour pour son nouveau boyfriend. Ça me désespère. L’amour… Une belle connerie inventée pour les films. J’aime le jouer, parfois, mais je ne l’ai vraiment vécu qu’une fois, et cet enfoiré m’a lâchée et vendue aux journalistes. Je préfère encore me taper Tyler ou un autre, y gagner un peu de visibilité et des orgasmes. Je me sers de lui, il se sert de moi, et tout le monde est content.
Silla n’est toujours pas revenue lorsque j’enfile ce bikini ridicule et trop serré. On dirait qu’ils ont choisi une taille de bonnet inférieure exprès pour qu’on ne voie que mes seins et ça m’énerve. Je suis maquillée comme un camion volé et coiffée comme si j’allais sur un tapis rouge. Et je dois tourner une pub pour du parfum… Cherchez l’erreur.
— Te voilà enfin, soupiré-je alors que mon assistante me rejoint sur le plateau de tournage avec un verre d’eau… sans glaçons ou presque. Ils sont où, mes glaçons ? Tu t’es perdue dans un four entre le moment où tu les y as mis et celui où tu es revenue ou quoi ?
— Désolée, Madame, mais il fait chaud et comme il n'y avait pas de glaçons ici, j'ai dû aller dans le studio à côté…
— Eh bien, trouve une solution pour que j’aie mes glaçons, m’agacé-je. Tu sais bien que je déteste ne pas en avoir. Débrouille-toi, je te paie pour ça, pas pour textoter avec ton mec !
— Oui, Madame, je reviens au plus vite. Vous avez besoin d'autre chose ?
— D’une assistante compétente, ça me changerait la vie !
Je vais la faire pleurer. Je sais qu’il faut que j’arrête, mais… je n’en ai aucune envie. Elle m’énerve. Elle n’est pas méchante, c’est sûr, et relativement aux petits soins. Mais elle me gonfle. Son petit visage angélique me sort par les yeux, particulièrement aujourd’hui. Pourquoi ? Aucune idée, c’est comme ça. Et en faisant ça devant tout le monde sur le plateau, je plante le décor. Ne me faites pas chier. Bienvenue dans ma vie.
J’enlève mon peignoir et prends le temps d’observer les personnes qui m’entourent. Certains sont trop occupés pour me regarder, d’autres en revanche, me détaillent des pieds à la tête. J’ai l’habitude, je ne suis plus gênée par les regards appréciateurs des hommes, ni par le jugement constant des femmes. C’est plus ou moins ma vie depuis toujours, c’est comme ça aussi, ça. Mais certains jours, n’être qu’un morceau de viande me gonfle plus que d’autres. Et devoir me balader sur une fausse plage, montrer mon cul et me parfumer dans une situation qui n’est absolument pas naturelle, ça m’énerve énormément.
La première prise est pourrie, je l’arrête en plein milieu et tente de me reconcentrer. Silla revient entre temps avec mon verre et j’ingurgite quelques gorgées avant de laisser fondre un glaçon sur ma langue. La seconde prise est mieux, mais comment camper un personnage en qui on ne croit pas ? Je peux mieux faire, c’est certain.
La suite… m’agace prodigieusement. Le réalisateur de cette pub est un connard qui manque de patience. A-t-il déjà joué lui-même la comédie pour se permettre de telles remarques désobligeantes ? Je vais finir par me le faire.
Je coupe la quatrième prise au bout de quelques secondes en voyant Tyler arriver. Qu’est-ce qu’il fout là, lui ? Besoin de se faire voir de bon matin ? Ça fait trois jours que je n’ai pas eu de nouvelles.
— J’ai besoin d’une pause, marmonné-je en sortant du champ de la caméra pour me diriger droit vers lui.
Quitte à être énervée, autant que je passe mes nerfs sur quelqu’un, non ?
— Qu’est-ce que tu fiches ici ? l’interpelé-je.
— Je suis venu voir ma petite choupinette ! Tu es si belle quand tu travailles.
Tyler est un petit acteur qui a du mal à décoller. Nous nous sommes rencontrés sur un tournage, il avait un petit rôle dans un film qui m’a fait voyager jusqu’à Cannes pour le Festival il y a deux ans. On a un peu fricoté pendant le tournage, beaucoup pendant mes trois jours sur la Croisette, et nous nous voyons de temps en temps ici, à L.A. Disons qu’il apparaît partout où il peut être vu.
— Tu ne boudes plus et ne fais plus ta chochotte ? De nouveau mon petit ami ?
— Je ne boudais pas, voyons, je travaillais sur mon prochain rôle ! Et bien sûr que je suis ton petit ami. Je ne peux pas me passer de toi, petite friponne. On ne va pas tout arrêter pour une petite dispute quand même !
— Ben voyons ! C’est facile, ça. T’es en manque de cul ? Ou tu veux que je te pistonne pour un projet ? lui demandé-je en sachant très bien que nous sommes entendus.
— Tu ne vas pas faire un scandale pour si peu, choupette. Je ne t'ai pas un peu manqué ?
Je soupire et attrape sa main pour l’entraîner dans ma loge après avoir fait signe à Silla de ne pas bouger. Aucune envie d’avoir mon ombre avec moi pour la suite de cette discussion. Va-t-on discuter, d’ailleurs ? Je n’en suis pas si sûre.
— Tu as besoin de quoi ?
— Pourquoi tu me prends pour quelqu'un de bassement intéressé ? me demande-t-il en reluquant mes seins.
— Oh Tyler, je t’en prie, je te connais. Tu es revenu pour le gala de demain soir, c’est ça ?
— Tu me laisses venir avec toi ? Cela me ferait trop plaisir !
Je me retiens de l’envoyer bouler et acquiesce doucement. Intéressé, qu’est-ce que je disais ? Il peut me faire croire ce qu’il veut, si au début, on baisait pour le plaisir, il a compris que j’étais un poisson intéressant à garder dans ses filets. Et moi, ça me va, parce qu’il est dans le mien. Un jeune acteur en devenir, une “relation” suivie, ça m’évite les rumeurs de coucher avec tout le monde et n’importe qui. Pour un temps, du moins. Sans compter qu’il est plutôt doué dans un lit. Mais encore plus…
J’approche et me love contre lui pour l’embrasser sensuellement. Tyler réagit au quart de tour et ses mains se posent sur mes fesses tandis qu’il me serre contre lui. Je mordille sa lèvre inférieure après un long baiser qui nécessitera une retouche make-up et lui lance un regard enflammé.
— Tu veux bien me faire plaisir, mon Chou ? J’ai très envie que cette divine bouche… m’emmène au septième ciel, souris-je.
— Je suis là pour satisfaire toutes tes envies, ma déesse.
Je dénoue les nœuds sur mes hanches et laisse tomber le bas de ce bikini tape à l’œil au sol avant d’aller m’installer sur le canapé. Tyler bande comme un âne, je sais qu’au moins, s’il m’utilise, je lui plais malgré tout. Ou alors, c’est juste mécanique. Une femme quasi nue devant lui… et Popaul est au garde à vous. Toujours est-il qu’il s’agenouille près de moi et m’attire sur le rebord en se glissant entre mes cuisses. Comme d’habitude, le voir là, tout près de mon intimité, m’excite énormément. Je sais que le finish sera chaud et jouissif.
Tyler me caresse du regard avant de poser ses lèvres sur mon pubis. Sa langue commence son travail avec délicatesse, s’immisce entre mes replis comme s’il dégustait un hors-d'œuvre au caviar pour la première fois de sa vie. Quand il s’attaque à mon clitoris qu’il dorlote avec attention, je lâche mes premiers gémissements et mon corps se tend de plaisir. Il joue sans chercher à me faire languir, fait monter la température en soufflant sur mon bourgeon sensible en insérant un doigt en moi. Je me sens trempée, difficile de ne pas l’être quand cet Apollon s’attache à me faire jouir de cette divine bouche bien plus intéressante lorsqu’elle est nichée entre mes cuisses que lorsqu’elle parle pour ne rien dire.
Il est ce qu’il est, mais il connaît mon corps. Il sait exactement comment faire pour m’amener là-haut. Un deuxième doigt, une courbure parfaite pour stimuler ce qui doit l’être, et je glisse mes mains dans ses cheveux pour ramener sa bouche contre moi. Sa langue se remet rapidement au travail et l’alliance avec ses doigts est juste magique. De quoi grimper aux rideaux en quelques minutes. Et là encore, il sait comment y faire. Lorsqu’il me sent proche de l’orgasme, il vient délicatement mordiller mon clitoris. Une toute petite pression, juste ce qu’il faut alors que sa langue travaille encore, que ses doigts vont et viennent en moi, et je décolle en jouissant bruyamment, étouffant mon gémissement de ma main. Quel pur délice que l’orgasme qui te fait tout oublier.
Son regard satisfait me donne envie de lui donner des baffes… ou de l’embrasser. Je choisis la seconde option et l’attire contre ma bouche pour un baiser qui n’a rien de doux et auquel je mets fin aussi brusquement que je l’ai demandé. Je suis encore essoufflée lorsque je me relève.
— Il faut que j’y retourne, mon Chou, j’ai un spot publicitaire à tourner, soupiré-je en filant dans la salle de bain pour me nettoyer.
— Je peux venir ce soir pour continuer ces petits plaisirs ?
— On verra ça demain soir, après le gala. Ma sœur vient avec mes nièces passer la nuit à la maison. Et puis, tu as un costard à te trouver. Un truc gris ou noir, pour aller avec ma robe blanche. C’est bon pour toi ? lui demandé-je en récupérant le bas de mon maillot pour le remettre.
— D'accord. A demain, ma Pucette !
— A demain, Ty.
Il dépose un baiser sur mon épaule et sort tandis que je remets du rouge à lèvres. Je me demande parfois à quoi me servent les maquilleuses étant donné que je suis capable de me débrouiller toute seule. En gros, j’ai davantage besoin de Tyler que de la rousse qui toque à la porte restée ouverte.
Bizarrement, la fin du tournage est moins galère. Je dois être restée sur mon nuage, parce que je fais les prises sans me plaindre et sans m’énerver. Il n’y a que la tête de Quinn, mon agent, quand il se pointe avec son costume blanc trop serré, qui me rappelle que la journée est bien loin d’être finie.
— Salut, Beauté ! Alors, tu as été efficace, finalement, rit-il en déposant un tas de courrier sur la table basse. On a reçu tout ça pour toi à l’agence.
Je finis de m’habiller et m’installe dans le canapé où j’ai joui il y a une heure à peine pour feuilleter les enveloppes en en ouvrant certaines au hasard. Trop d’amour, je ne sais pas comment font mes fans. Quand je vois les rumeurs qui courent à mon sujet, je me dis qu’ils devraient arrêter tout ça et se tourner vers d’autres artistes moins casse-pieds, même si les médias en rajoutent toujours plus. Silla ne les contredirait certainement pas, d’ailleurs. Elle n’a pas osé me regarder depuis que je l’ai séchée tout à l’heure à propos des glaçons. Magnifique. Au moins, j’ai la paix.
— Tu as décalé l’interview ?
— Oui, deux heures plus tard que prévu. Le journaliste n’était pas ravi, je te préviens.
— Je m’en fous. On y va alors, Silla. On va pouvoir passer acheter des cadeaux pour Leya et Sarah.
Je me lève en ouvrant une dernière lettre et m’arrête en constatant qu’elle n’est pas aussi amicale que les autres. Ah, les lettres de menace… Ce n’est pas la première, et ce ne sera sans aucun doute pas la dernière non plus.
— Tiens, cadeau. Encore un joli mot, soupiré-je en la tendant à Quinn. On y va, Silla. Prends donc les courriers.
Je dépose un bisou sur la joue de Quinn et sors de la loge rapidement. Ma journée s’est illuminée à la seconde où j’ai pensé à mes nièces. Les seules personnes, avec leur mère, qui me permettent de garder les pieds sur Terre et de me poser réellement. Celles avec qui je suis moi-même, bien loin de l’actrice, de l’emmerdeuse, de la caractérielle Rafaela. Juste moi. L’ancienne moi, j’imagine.
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