26. La Reine des anniversaires

9 minutes de lecture

Rafaela

Je jette un œil au plan de travail de la cuisine et souris en me disant que j’ai beau jouer la Diva et laisser Ellen gérer mes repas, j’ai de beaux restes. Le petit déjeuner est plutôt gargantuesque, il faut l’avouer. Je pense qu’on en a pour le weekend, mais ce sont les huit ans des jumelles et c’est toujours une fête.

Ma sœur est tombée enceinte jeune, elle n’avait même pas vingt ans. Savoir qu’elle était enceinte de jumeaux l’a totalement chamboulée. Terrence, son adorable mari, a carrément paniqué à l’époque et il a eu du mal à réaliser à quel point sa vie allait changer. Bella est venue vivre avec moi le temps qu’il se fasse à l’idée. Il faut dire que la relation entre ma sœur et mes parents n’était pas au beau fixe. Elle a vécu dans mon ombre pendant toute son adolescence, il n’y en avait que pour moi et ma carrière. Je n’en avais pas vraiment conscience, ou je ne voulais pas le voir, mais son petit séjour chez moi nous a permis de discuter de tout ça et de mettre les choses à plat. Elle a pu balancer ses vérités et j’en ai fait de même. Si elle savait à quel point j’aurais aimé que mes parents ne focalisent pas sur moi. J’aurais volontiers partagé l’attention.

Toujours est-il que lorsqu’elle a accouché, elle vivait encore avec moi et j’ai joué la Tata pendant plusieurs semaines avant que Terence ne prenne totalement son rôle de père et embarque les trois femmes de sa vie avec lui. Et moi, j’ai eu tout le temps de créer une certaine relation avec Taylor et Tess, en plus de me rapprocher de ma sœur.

Après avoir terminé de préparer les derniers pancakes que je mets au chaud, j’observe ma grande pièce de vie habituellement si vide de tout. On appelle ça une pièce de vie, mais le seul moment où le lieu n’est pas à moitié mort, c’est quand Bella vient avec les enfants. Il y a des chaussures qui traînent, des jouets… Les canapés sont sens dessus-dessous après notre soirée Disney, les tasses de chocolat chaud vides sont encore sur la table basse… et mes sacs de décorations attendent sagement que je m’y mette. Vu l’heure, il ne faut pas trop que je traîne, d’ailleurs. Est-ce que j’en ai trop fait ? Clairement, mais j’adore ça. Cependant, il faut que je me fasse une raison, je ne vais pas avoir le temps de tout faire seule, et je récupère mon gilet avant de monter à l’étage.

J’avoue que je m’arrête devant la porte de la chambre de Bella et Terrence, arrivé tard hier soir après le travail, mais je me dis que c’est un peu leur weekend de vacances, à tous les deux, lorsqu’ils sont là, et les lever à même pas huit heures serait cruel. Surtout pour ce que ma sœur appelle une lubie. Si vouloir faire plaisir et gâter mon neveu et mes nièces est un caprice, je l’assume totalement.

Mon regard se porte quelques mètres plus loin, sur la porte de la chambre de mon assistant. Est-ce que j’abuse si je lui demande un coup de main ? Sans doute un peu… Est-ce que j’oserais m’avouer que passer du temps avec lui ne me dérange pas, au contraire ? Je ne sais pas vraiment ce qui me prend avec lui, mais sa compagnie ne m’insupporte pas autant que celle de mes anciennes assistantes.

Je soupire et me dirige finalement vers sa chambre. Après avoir frappé une fois puis une seconde sans obtenir de réponse, j’entre doucement et vais m’asseoir au bord du lit où se trouve Angel, étalé sur le ventre. Je profite de la lumière qui vient du couloir pour observer son dos nu laissé à vue par des draps bas sur ses hanches et souris en voyant ses cheveux en désordre.

— Angel ? Angel ? Finie la grasse matinée…

— Hmm… fait-il en se tournant sur le côté sans vraiment se réveiller.

— Angel, j’ai besoin de toi. Debout, maintenant, ris-je en le secouant.

Il ouvre alors les yeux et réalise que c'est moi qui suis près de lui. Il cherche à remonter ses draps mais n'y parvient pas car ils sont coincés sous moi.

— Euh, bonjour. Désolé, je n'avais pas réalisé que je n'étais plus en train de rêver. Il y a un souci ?

Il se frotte les yeux en se redressant et me donne ainsi tout le loisir d'observer son torse et son corps bien entretenu. Il n’a rien à envier ou presque aux acteurs qui passent des heures à sculpter leur musculature dans leur salle de sport.

— Il est possible que j’aie mal évalué mon temps, ce matin, et que j’aie besoin d’aide pour installer la déco en bas pour l’anniversaire de Taylor et Tess… Je sais que j’abuse, mais est-ce que tu pourrais me donner un coup de main ?

Je constate qu'il bloque un peu, son attention portée vers le décolleté de ma nuisette qui apparaît en dessous de mon gilet mal fermé, mais il se reprend vite.

— Pas de problème. Je ne savais pas que ça faisait aussi partie de mes attributions, rit-il. J'enfile mes vêtements et je suis à toi.

— Oui, je sais que j’abuse… Je te laisse t’habiller alors. Merci, Angel.

Je souris et me penche pour déposer un baiser sur sa joue avant de me lever et de sortir de sa chambre. Je vais en profiter pour m’habiller aussi, histoire qu’il ait les idées claires pour installer tout ce qui doit l’être… J’enfile un débardeur et un short et me regarde dans le miroir en riant toute seule. Ce n’est pas non plus ce qu’il y a de plus couvrant… Qu’est-ce que je suis en train de faire, moi ? N’importe quoi, assurément, mais je ne me change pas pour autant. Je remets mon gilet et sors de ma chambre en même temps que lui, qui me regarde de haut en bas sans gêne avant de se reprendre. Nous descendons tous les deux et je vide les sacs de décorations sur le canapé, toute joyeuse de préparer cette surprise pour les filles qui, si je suis honnête, ont plutôt l’habitude de mes folies pour elles.

— Tu veux un café pour te réveiller ? Je suis vraiment désolée, j’aurais dû me lever plus tôt, ris-je alors qu’il observe la cuisine et mes préparations matinales. Il y a du jus d’oranges pressées, si tu veux.

— Non, ça va, je vais attendre les autres. Je suis déjà bien réveillé depuis ton passage dans ma chambre, pas besoin de café pour être en forme. Tu ne crois pas que tu en as un peu trop fait ?

— Est-ce qu’on peut trop en faire quand il s’agit de sa famille ? J’adore les gâter, j’avoue, mais elles le méritent. Elles sont adorables, non ? On va mettre les guirlandes lumineuses dans la salle, le long des étagères.

— J'espère que tu fais pareil pour leur petit frère ! Je te suis, en bon assistant, je suis à ta disposition. Va pour les guirlandes, me répond-il, amusé.

Bien sûr que je fais pareil pour Thomas. Il est plus jeune et c’est encore plus drôle. Pour ses quatre ans, j’avais carrément engagé une boîte de décoration. Il y avait des dinosaures partout dans ma maison et lui était aux anges. Et je gâte aussi Bella. On se cale un weekend de Spa à deux à chacun de ses anniversaires. J’aime leur faire plaisir plus que tout, même si je ne m’en vante pas.

— Bien sûr que je fais pareil pour le petit monstre. Pas de favoritisme, dis-je en grimpant sur une chaise pour accrocher le haut de la guirlande.

— Attention à ne pas tomber ! me dit-il en posant une de ses mains derrière ma cuisse.

Je me secoue en réalisant que je suis à deux doigts de jouer l’actrice des comédies romantiques. Une petite chute et hop, me voilà dans ses bras… Ce serait si simple, et tellement pas honnête, mais si agréable, je n’en doute pas.

— Pourquoi, tu as peur de te péter le dos en me rattrapant ? ris-je en descendant pour déplacer la chaise au milieu des étagères.

— Non, non, répond-il en souriant. Je ne veux juste pas que tu passes la journée à l’hôpital loin de ta famille. On a presque fini, non ? Tu veux que je fasse autre chose pour t’aider ?

— J’ai gonflé plein de ballons hier soir, ils sont dans mon bureau, il faudrait les accrocher sur l’arche. Mais attends que j’aie fini, hein ? Si je tombe, j’ai besoin d’un preux chevalier pour me récupérer.

Je monte à nouveau sur la chaise pour accrocher la guirlande et poursuis le long de l’étagère et sur le mur adjacent. Du multicouleur, pas de rose à outrance, la féministe en moi se réveille toujours pour ces occasions qui invitent à décorer et offrir des cadeaux. Bon, je l’ai dans l’os, Tess adore le rose alors je suis bien obligée d’en mettre, mais c’est toujours avec parcimonie. Les couleurs genrées ont la vie dure.

— Bon, ça me paraît pas mal… Qu’est-ce que tu en penses ? questionné-je mon assistant en replaçant les fleurs sur la table dressée.

— Ça fait anniversaire de princesse, je crois qu’elles vont adorer !

— J’espère bien qu’elles vont adorer, mais ce n’est pas tant princesse, si ? Je peux te laisser mettre les ballons ? Je vais aller les réveiller.

— Je m’occupe de tout, ne t’inquiète pas. Ce n’est pas la partie la plus compliquée de mon travail.

— Et c’est quoi, la partie la plus compliquée ?

Je le vois hésiter et réfléchir un instant, en se frottant la barbe dans ce geste que je commence à bien connaître.

— Je dirais que c’est de te réserver du temps dans ton emploi du temps chargé pour aller voir ce con de Tyler, parce que le reste, je trouve que ça va.

Qu’est-ce qu’il entend par là ? Je dois me faire des idées… C’est vrai que mon planning est plutôt chargé en ce moment. Avec deux films qui sortent dans un laps de temps assez restreint et un troisième en préparation, compliqué d’avoir du temps pour soi.

— Tyler n’est pas si con que ça… je crois, souris-je. Merci pour le coup de main, vraiment, et désolée de t’avoir réveillé.

Je dépose un nouveau baiser sur sa joue et file au premier étage encore silencieux ou presque. J’entends Bella et Terence s’affairer dans leur chambre lorsque je passe devant. Je frappe doucement à celle des enfants et entre alors que tout le monde est encore endormi. Thomas est le premier à ouvrir les yeux et je le prends dans mes bras pour le câliner avant de me glisser entre les lits des filles, qu’elles rapprochent à chaque fois qu’elles dorment ici. Je m’apprête à les réveiller en douceur quand leur petit frère me devance. Il grimpe sur le lit de Taylor et se met à sauter dessus en criant “Joyeux anniversaire”. J’ai follement envie de rire, mais la grimace de ma nièce me pousse à calmer les choses en récupérant le petit monstre.

— Joyeux anniversaire mes petites chéries, soufflé-je en les couvrant de baisers l’une après l’autre.

— Merci Tatie ! Tu nous as préparé des surprises comme l’année dernière ?

— Toujours, ma Belle. J’aime trop vous faire plaisir et je ne voudrais surtout pas vous décevoir. Ça mérite bien un gros câlin, non ?

Oui, je réclame, j’avoue. Quand elles étaient plus jeunes, j’avais systématiquement ma dose, si tant est qu’on peut en avoir assez, mais plus elles grandissent et moins j’y ai droit. Pourquoi ne sont-elles pas restées aussi petites que leur frère, hein ?

En attendant, ma demande est acceptée après qu’elles se sont concertées d’un regard. Je me retrouve au sol, prise en sandwich entre elles et leur frère, et couvée d’amour. Si, ça, ce n’est pas la meilleure chose au monde… Même un cunni de Tyler n’arrive pas à la cheville de ce moment, c’est dire !

— Allez, les reines du jour, je vous laisse vous habiller et descendre pour le petit déjeuner ? Il est possible que je vous aie trouvé quelques vêtements qui pourraient vous plaire, dis-je en ouvrant l’armoire. Faites-vous plaisir.

Elles s’agitent rapidement pour venir fouiner dans l’armoire, tout sourires, et j’attrape de quoi habiller mon neveu avant de redescendre avec lui pour le changer. Non, la déco n’est pas too much, elle est juste un peu chargée mais je sais que j’ai visé juste et qu’elles vont adorer. Et moi, voir mon neveu et mes nièces sourire, c’est tout ce qu’il me faut pour recharger mes batteries, même si mes parents sont doués pour les décharger et que les yeux levés au ciel de ma mère lorsqu’elle entre et voit la déco me donnent déjà envie de ruer dans les brancards. Taylor, Tess et Thomas, c’est tout ce qui compte, on respire, Rafaela.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0