44. Le jardin au papillon
Angel
Je profite que Rafaela soit sortie dans le jardin pour appeler Morgan en visio. Nous n’avons pas vraiment eu le temps de faire le point sur les fans qui sont venus pour les autographes et qui pourraient correspondre au profil de notre suspect. Il faut qu’on avance un peu sur l’enquête, même si les éléments en notre possession restent encore trop peu nombreux. Nous ne sommes même pas sûrs qu’il soit venu à la bibliothèque, même si mon instinct me dit qu’il n’aurait pas laissé passer une telle opportunité d’approcher l’objet de son obsession.
— Salut Morgan. Ça va, je ne te dérange pas ?
— Salut, boss ! Je vais bien, oui, et j’ai toujours du temps pour toi, voyons. Alors, Vancouver ?
— Franchement, tu as fait du bon boulot dans le choix de la maison. Rafaela adore ! Et moi aussi. On y sera bien, je pense. Et surtout, on sera loin de ce fou qui n’arrête pas de lui écrire. On a reçu de nouveaux courriers ou pas ?
— Non, pas encore de courriers, mais ça a pas mal parlé sur les réseaux après la séance alors je suis en train de regarder tout ça. Contente que la maison vous plaise. N’oublie pas ma proposition de me faire passer pour ta sœur, hein ? Je profiterais bien de l’air de Vancouver, moi aussi, rit-elle.
— Elle t’a vue à la séance et tu étais une assistante de la bibliothèque. Ça serait un peu gros de te faire passer pour ma sœur, maintenant. Tu as pu faire des correspondances entre la soirée au show et la séance de signatures ou pas ?
— Oui, il y a une grosse dizaine de personnes qui étaient aux deux événements. Je vais t’envoyer tout ça par mail dès que j’aurai fini de vérifier les réseaux. J’essaie de faire du tri, mais ce n’est pas évident de recouper les infos avec les pseudos.
— Ce n’est pas énorme une dizaine de personnes. On avance. Là, on va devoir mettre les choses un peu en stand by par contre. On est loin, maintenant… Il ne va pas nous suivre ici. Tu vas trouver de quoi t’occuper ? Une affaire à suivre ou toujours rien ?
— J’ai vraiment l’impression que tu ne m’écoutes pas, parfois, boss… Est-ce que tu te souviens du profil psy de notre homme ? Tu as lu le rapport de mon amie psy ?
— Oui, j’ai lu tout ça, mais tu sais, je ne crois pas trop à la psy, moi. Et là, je me sens en sécurité. Il ne peut rien nous arriver ici, j’en suis convaincu.
— C’est ça. J’espère que son garde du corps canon est moins zen que toi, pour le coup. Soyez vigilants. Pour nous, il est clairement capable de vous avoir suivis.
— Arrête de faire ta rabat-joie. Je crois qu’on a au moins quelques jours de tranquillité, là. Et donc, tu vas faire quoi ces prochains jours ?
— Continuer à bosser sur cette affaire et répondre sagement au téléphone au besoin. Tu as peur de me payer à glander, boss ? Tu sais que je regarde tous les posts que tu mets sur les réseaux pour Rafaela et que je suis tous les commentaires pour tenter de trouver notre dingue, quand même ? C’est fou tous les messages qu’elle reçoit. Tu as regardé, un peu, les messages privés ? J’aimerais bien y avoir accès si tu n’as pas le temps.
— C’est le même mot de passe que sur ma boite privée, tu peux y accéder quand tu veux. Et si tu peux faire des recherches sur tous les assistants, techniciens et autres personnels des studios, je me demande si tu ne trouveras pas quelqu’un qui aurait un lien avec le fan. C’est du boulot, mais c’est une piste à étudier, je pense.
— Je confirme, ça va me prendre une éternité, mais je vais voir ça, oui. Finalement, je n’aurai peut-être pas le temps de répondre au téléphone, rit-elle. Et toi, de ton côté, trouve-moi le numéro du beau bodyguard, OK ?
— Tu veux le numéro de Ben ? demandé-je surpris. Depuis quand tu fais dans le muscle et pas l’intellect ?
— Depuis que je t’ai rencontré, Angel. On peut avoir les muscles et le cerveau, je m’en suis rendu compte en bossant avec toi, même si c’est moi, ton cerveau, en fait.
— Je te transmets son numéro, tu pourras lui envoyer un petit message. Ça l'occupera un peu. Mais pas trop de bêtises, hein, il faut qu’il garde de l’énergie pour nous défendre en cas de besoin !
— Bien, chef ! A vos ordres, chef ! Je peux retourner bosser, maintenant ?
— Oui, et merci pour tout ! Sans toi, je ne sais pas ce que je ferais.
— Je me pose parfois la question, moi aussi, pouffe-t-elle. Je plaisante, hein ? Pas de blâme ! Bonne fin de journée, Angel, et fais gaffe à toi.
Je souris en raccrochant et descends pour retrouver Rafaela. Elle est en train de se balancer dans le hamac qui est installé entre une série de grands tournesols. Une fleur parmi les fleurs. Il faut que j’arrête de penser à ça, moi.
— Tu as l’air comme un coq en pâte. Heureuse d’être ici ? Je suis surpris que tu n’aies pas pris ton scénario avec toi.
— J’ai fini de l’annoter, je prends un peu de distance avec l’histoire… Tu ne t’ennuies pas trop, ça va ?
— Non, même si je m’attendais à pire de la part de la Diva qui m’emploie. Tu n’as besoin de rien ? Tu veux un peu de compagnie ou tu préfères être seule ?
— Tu peux rester, je n’ai pas privatisé la cour. Ellen t’a bien briefé dis-donc, j’ai trouvé le chocolat dans le placard, le jus d’ananas au frais… et même mes gâteaux préférés. Elle t’a aussi dit qu’il fallait tout planquer quand tu vois que je suis trop stressée ?
— Ellen est un ange et elle t’adore. Si tu savais la liste qu’elle m’a préparée ! Et je crois que j’ai tout fait… Ah non, j’ai pas encore eu le temps de te préparer des pancakes, soupiré-je. Ça risque de me couter une étoile, ça, non ?
— La réciproque est vraie, pour Ellen. Enfin, j’entends que je l’adore aussi, pas que je suis un ange, sourit Rafaela. Quant à toi, tu as assuré, je peux me passer des pancakes en semaine. J’y survivrai et mes hanches apprécieront.
— Tu sais, je n’ai pas choisi cette maison au hasard. Ça te dit d’aller faire un tour au bout du jardin ? Tu vois la porte au fond, il y a une petite surprise pour toi derrière.
— Une surprise ? Je te suis alors, sourit-elle en se levant. Oh, tu pourras essayer de me trouver un ostéo dans le coin, s’il te plaît ?
— Encore mal au dos ? Je ne sais pas s’il y en a dans le coin, mais si tu veux, je peux aussi fournir les massages. Attention, il y a un petit trou, ici, ne tombe pas.
— J’anticipe pour le tournage, surtout. Et, tu sais, il me faut plus que des massages, j’ai le dos fragile. Même si ce serait un bonus que j’apprécierais certainement. Alors, c’est quoi, cette surprise ?
— Tu vas voir, j’espère que ça va te plaire.
Je m’avance pour ouvrir la porte et la précède sur l’arrière de la propriété où se situe un autre jardin de type japonais, avec une petite cascade qui se déverse dans une sorte de cours d’eau qui entoure une mini île. Le tout est agréablement décoré de différentes pierres de couleurs et de tailles différentes. C’est super mignon, je trouve, et je me retourne pour voir si Rafaela apprécie la scène autant que moi.
— Wow, tu viens de me donner envie d’acheter cette maison, pour info, rit-elle en tournant sur elle-même pour observer les lieux.
— Ce n’est pas grand, mais d’après le propriétaire, tous les principes du Feng Shui sont respectés. Quoi de mieux pour déstresser ?
— C’est magnifique et très reposant, je confirme. Jolie trouvaille. Il n’y avait pas de photos de ce coin sur l’annonce, si ?
— Non, c’était la surprise du chef. Le propriétaire ne veut pas en briser l’harmonie en le mettant sur le net. Tu vois le genre.
— Je vois, oui… Et ça colle avec l’ambiance que j’ai ressentie à l’intérieur de la maison. Vraiment un très bon choix, cher assistant très doué.
La chance est avec moi, je crois, car tout à coup, elle saute de joie et m’attrape par le bras pour m’attirer vers une pierre de couleur rouge près de la cascade.
— Quoi, qu’est-ce qu’il se passe ? Que me vaut ce coup de joie ?
— Regarde comme il est beau, chuchote-t-elle en m’empêchant d’avancer davantage. Pas de gestes brusques, sinon tu vas le faire s’envoler.
Je me penche doucement et voit qu’elle est excitée comme ça pour un simple petit papillon aux ailes rouges et brunes qui semble occupé à se frotter les pattes.
— Oh, ton animal préféré, chuchoté-je. Il a peut-être raison, le proprio… Le Feng Shui, ça a l’air de fonctionner…
— Il est beau, non ? Qu’est-ce que j’aimerais être un papillon, parfois…
— Tu as envie de te transformer ou c’est la possibilité de voler qui te plairait ?
— J’aimerais être à l’aise avec l’idée de voler, rit-elle, et pouvoir m’échapper comme bon me semble. Et puis, qu’est-ce qu’il y a de plus beau que les ailes d’un papillon ? La nature est tellement bien faite, c’est fou.
— Eh bien, cette maison va peut-être te permettre de t’envoler, qui sait ? Parce que tu es déjà aussi belle qu’un papillon, je trouve.
Pourquoi j’ai sorti ça, moi ? Non, mais, je déconne ou quoi ? Franchement, des fois, je me dis que je ferais mieux de ne pas parler sans réfléchir et dire tout ce que je ressens aussi librement.
— Je vais finir par t’interdire de me dire que je suis belle, Angel. Je te remercie, mais… arrête ça, sourit-elle en me donnant un coup de hanche.
— Ouais, tu as raison, après tu vas prendre la grosse tête et reprendre tes airs de Diva. Ce serait terrible, dis-je en souriant. Je suis content que cet endroit te plaise en tout cas. Au moins, tu seras dans de bonnes conditions pour ton tournage.
— Je suis toujours une Diva, fais attention. D’ailleurs… j’ai mal aux jambes, tu me ramènes sur ton dos ? pouffe-t-elle en regardant le papillon s’envoler.
— C’est parti, mon kiki, dis-je en me positionnant devant elle.
Elle hésite un court instant avant de me sauter dessus en riant. Je passe mes mains sous ses cuisses et l’emmène sur mon dos jusqu’à la maison. Quel bonheur de retrouver cette bonne entente entre nous. Et tant pis s’il y a encore quelques ambiguïtés, c’est quand même mieux que de passer son temps à se disputer, non ?
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