Kaneda

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Posté en hauteur à proximité du pont, il avait vu la patrouille revenir au village. Il aurait tellement aimé faire partie de ce groupe, vivre cette odyssée, chasser tous ces hélicoptères survolant sa forêt, découvrir milles lieux et milles aventures. Lui qui se sentait prisonnier de ce village, cantonné à la garde de celui-ci. Et, envieux, même presque jaloux il les regardait rentrer avec des prisonniers.
Il avait été subjugué par la beauté de cette femme, si grande et aux cheveux courts si clairs. Bien que sale au possible, elle avait amené avec elle quelque chose de troublant.
Kaneda venait à peine d'avoir dix huit ans, il avait été trop jeune pour la guerre, il voulait pourtant faire ses preuves, mais le chef ne semblait pas pressé d'envoyer ce jeune homme frêle dans les tréfonds de la jungle.
Voir le monde extérieur, il en rêvait... Et là on lui ramenait ce monde.
En cachette, il avait observé cette femme enfermée en cage, cette inconnue habillée de guenilles sales, fatiguée mais qui gardait une espèce de fierté. Elle lui faisait penser aux tigresses des histoires racontées par les anciens.
Il l'avait épiée avec fébrilité lorsqu'elle fut mise nue sur la plage. Cette blancheur, ces seins ronds et fiers, cette... Cette quasi-absence de pilosité, elle était fascinante. Il n'arrivait plus à penser à autre chose que ces courbes ruisselantes d'eau quand ses pairs lui viderent les seaux dessus.
Elle en venait à hanter ses rêves... Il la regardait et même dans sa tunique noire et avec cet air triste dans les yeux, elle avait ce quelque chose d'attirant, il arrivait de moins en moins à détourner son regard de cette occidentale. Sa curiosité crevait les yeux... Au moins pour sa "fiancée", Li qui lui était promise depuis leurs 10 ans.
Elle qui ne l'aimait pas tant que ça, fut prise d'un soudain attrait, la jalousie gonflait en elle et se transformait en une haine implacable. Haine contre quoi ? Contre cette sale blanche qui était enfermée non loin de là.
Orgueil mal placé ? Elle se sentait dépossédée de cet être avec qui, il faut le reconnaître, elle semblait avoir accepté de finir ses jours avec. On leur avait imposé ce choix, c'était la tradition. D'autres avaient eu le courage de refuser, avaient préféré fuir pour vivre leur amour. Elle ne l'avait pas rencontré cet amour mais Kaneda n'était pas la pire des options dans son cas. Les autres jeunes filles l'enviait, il était travailleur, courageux et bienveillant, son sourire illuminait les moments de convivialité... Et là il semblait lui échapper.
Pourtant, Kaneda poursuivait son travail, tant bien que mal, certes mais assumait sa tâche de sentinelle. Et les rares fois où il était affecté à la surveillance de la cage, il ne décollait que très peu les yeux de sa prisonnière.
Vanessa, à force d'humiliation, elle, ne levait plus les yeux vers ses geôliers. Cependant son esprit n'en était pas moins rebelle à toutes ces insultes et ces coups de baguette qu'elle avait reçu depuis sa capture.
Cela faisait maintenant quelques jours qu'ils étaient arrivés là, on les avait lavés, rhabillés et maltraités mais on ne leur avait rien demandé.
Elle avait remarqué ce petit homme, ce gamin armé qui la suivait toujours du regard. C'était un des seuls qui ne semblaient pas lui vouer de haine.
Le chef du village savait ménager ses effets, il était sage mais savait être sans états d'âmes dans ses décisions. Il savait prendre l'ascendant sur autrui. C'est pour cela qu'il avait laissé mariner les deux prisonniers dans leurs cages.
Il était temps maintenant de les faire venir. Ils devaient être suffisamment mûrs pour l'interrogatoire. Et vu le matériel qu'ils transportaient c'étaient vraisemblablement des journalistes et non des agents ou espions. Il allait cependant jouer un peu le rôle du chef inculte et borné histoire d'encore plus les déstabiliser.
Kaneda, fut désigné pour amener la femme auprès du chef.
Quand il ouvrit la cage, il dut prendre un temps pour sortir de cette espèce de fascination qu'il avait pour elle et endosser le rôle de gardien sévère.
Chose non aisée, il l'a tira par le bras, elle se laissa faire et il l'amena vers la grande maison. L'homme aussi avait été extirpé de sa cage et marchait quelques mètres derrière eux en silence tête baissée.
C'était une grande maison sans grand luxe mais les ornements et gravures montraient l'importance de l'occupant des lieux. En effet, c'était la maison du chef du village et lorsque celui-ci changeait il la quittait pour laisser place à son successeur. Bien souvent, c'était à sa mort qu'il quittait ses fonctions.
Quand ils montèrent l'escalier, le petit geôlier sentit la tension dans le bras de sa prisonnière, elle devait avoir senti l'importance de la rencontre à venir.
Lors de leur entrée, Kaneda croisa le regard du chef et il sut que celui-ci allait user de cruauté pour briser les deux occidentaux qu'il semblait déjà haïr sans vraiment les connaître.
Bob et Vanessa furent placés à genoux devant cet homme silencieux au regard dur. Un long silence s'installa.

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