Le Vase de Clovis
Le Vase fut perdu à jamais
Quant aux trois autres, qui le sait ?
Renferment-ils princiers viscèr’s ?
Dieux, démons, fléaux ou bienfaits ?
Peut-être un chien et ses mouflets ?
Cuisin’nt-ils la viande des fiers ?
Empliss’nt-ils leurs avid’s bedaines ?
Cultiv’nt-ils encor les bênets ? (1)
Je sais que l’un trouv’ les Lamas (2)
Et qu’un autre à Soissons gîta
Protégé en sa cathédrale
Jusqu’à ce que Clovis le roi
Sur la vill’ son armée lança
Et le vase récupéra
L’évêque dans une missive
Supplia qu’on le lui rendît
Clovis fit alors réunir
Le butin de sa compagnie
Et pria qu’on le répartît
Mais qu’on lui laissât l’urn’ bénie
Afin de la rendre au pontife
Ses hommes acquiescèrent prestement
Sauf un jaloux et imprudent
Qui d’un coup et en s’écriant
Brisa le vase des offrandes
Clovis en fut fort mécontent
Et voua de punir le méchant
Alors à l’issue de l’année
Clovis ordonna d’inspecter
Les armes de tout’ son armée
S’arrêta devant l’effronté
Et lui dit : « Avise ton épée
Ta hache et ta lance abîmés »
Il jeta la hache au plancher
Et le soldat pour ramasser
Son arme, s’est alors baissé
Et le roi l’a décapité
« Te voilà comme l’amphore traité »
(1) Nous voilà arrivés à une forme poétique fort familière. Dans sa forme la plus ancienne, la chanson de geste emploie des octosyllabes dont chaque strophe partage une même rime assonante (ou « faible », voire plus faible encore). Nous avons gardé trace de ces poèmes épiques médiévaux, dont certains relatent la geste (les exploits) de Clovis, le roi qui nous intéresse ici.
Notons toutefois que la chanson de geste reste anachronique, puisque composée des siècles après les faits : la forme poétique contemporaine à Clovis est le chant épique mérovingien, dont découle la chanson de geste, et la cantilène, forme chantée moins stricte.
(2) C’est en effet une urne d’or qui désigne les Rinpoché tibétains.
Sources :
Auguste Longnon, « Un vestige de l'épopée mérovingienne. La chanson de l'abbé Dagobert ».
Floovant, chanson de geste (publié par François Guessard et Henri Victor Michelant).
Gaston Paris, « De Floovante vetustiore gallico poemate et de merovingo cyclo scripsit et adiecit nunc primum edita Olavianam Floventi Sagae versionem et excerpta e Parisiensi códice « Il Libro de Fioravante » A. Darmesteter, 1877 ».
Godefroid Kurth, Histoire poétique des Mérovingiens.
Grégoire de Tours, Histoire des Francs.
Paulin Paris, Étude sur les Chansons de geste et sur le garin le Loherain de Jean de Flagy.
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