Une partie de ma mémoire m’était revenue. Je trouvais un but à poursuivre dans cette infâme prison de sang, essayer de retrouver la mémoire. Mais tout ce qui me passait par l’esprit se retournait contre moi et générait une atrocité supplémentaire dans mon calvaire déjà bien complet. Si bien que je redoutais le moindre songe de réconfort puisque tout souvenir devenait mon pire ennemi là bas. D'abord ce souvenir de ma mère allumant une veilleuse. Ma pauvre maman, ne m’apportait plus vraiment la lumière que j’attendais. Elle était bien abimée, ainsi invoquée dans ce lieu maudit, et ses yeux n’émettaient plus qu’une faible lueur, que je vis s’éteindre lentement derrière ses suffocations. Qu’avais-je donc fait ? Je l’avais attirée là ou elle n’avait pas sa place. Pour souffrir et mourir encore et toujours devant moi. Et durant l'éternité, j’entendais son souffle mourir dans le noir, son agonie ne prenait jamais fin et j’étais responsable de cela ! Je la voyais perdue, tourmentée, le cœur mort, le visage déformé, la bouche béante tentant d’expulser, de vomir son âme pour échapper à son agonie.

Je désirais la pleurer, la réconforter, mais mes lèvres cousues et blessées ne pouvaient que l’asperger d'un sang qui semblait ne jamais se vider. Je voulus souffrir à sa place, et subir sa peine en plus de la mienne pour la libérer, pour me libérer de la culpabilité. Mais les yeux fixes du Démon me narguaient, se réjouissant de mon impuissance, savourant mon désespoir. Je ne devais plus penser à elle, pour qu’elle sorte de ma tête, qu’elle s’échappe. Ça me revenait, c’est de cette manière que l’amnésie avait fini par me gagner. C'est en reniant les souvenirs des gens que j'aimais, trop durs à supporter en ces lieux, que j’avais fini par presque tout oublier. Les quelques réminiscences de cette nuit là avaient ranimé Mila en moi, et je dus choisir entre l’oubli, ou le supplice de la voir près de moi dans un endroit si terrible, uniquement dans le but de faire revivre mes souvenirs. Mais l’espoir avait il encore sa place dans la fosse des fosses ? Mila était finalement là, près de moi. Elle ne parlait pas. La fourberie du démon fut bien de jouer avec mon désir. Mon désir de la toucher, mon désir de lui parler, de la sentir, de l’aimer, de fêter nos retrouvailles. Mais elle restait toujours distante, peu à peu, s’abandonnant aux charmes du Malin. Dansant, ondulant, et bercée par les râles d’agonie maternelles, toujours présents et qui n’avait pas besoin de poignard pour me transpercer le cœur.

J’arrachais mes lèvres pour crier quelques mots que ma langue carbonisée ne put que mimer.

« ..i….a !! » Elle ne fit pas attention à moi, j’étais insignifiant, exactement comme la toute première fois que je la vis…