La mer. Paysage si fascinant, si envoûtant. Assise sur le sable, Olivia observait les vagues embrasser les rochers au loin. La houle faisait se dérouler la surface de l’eau tel un ruban. L’écume venait blanchir la terre avant de s’effacer aussi subtilement qu’elle était apparue. Aveuglant, le soleil se noyait dans l’eau.
Quelques promeneurs étaient venus sentir le vent marin balayer leur visage, humer les odeurs salées du rivage, et écouter le bruit des vagues déferlantes et la tranquillité de la plage. Un homme, plus fêlé que courageux, affrontait la froideur hivernale de l’eau.
Olivia posa son livre et but une gorgée de café dans sa thermos. Elle avait toujours aimé venir à la plage, quelle que soit la saison, pour se ressourcer. C’était mieux que n’importe quelle thérapie. Sans un bruit, l’endroit avait quelque chose de mystérieux, voire d’inquiétant. Mais cela n’avait rien à voir avec la quiétude qu’Olivia y gagnait.
Avec le déménagement, elle n’avait pas pu y aller depuis quelque temps. Sa mère avait trouvé un poste plus intéressant et il avait fallu changer de ville. Olivia avait donc quitté son cocon qu’elle s’était confectionné, son ancienne vie. Elle avait quitté son lycée et ses trois copines qui semblaient déjà l’avoir oubliée. Après tout, cela ne changeait pas grand-chose. Olivia était partout étrangère. Mais elle l’était encore plus dans ce nouvel environnement qu’elle ne connaissait pas.
C’est pourquoi ce jour-là, elle était venue à la plage. Pour retrouver un lieu, un air familier. Pour ressentir ce que l’on ressent quand plus rien ne compte autour de nous.

Tout à coup, quelqu’un s’approcha d’elle. C’était une jeune fille de son âge, aux longs cheveux bruns et aux yeux noisette. Il lui semblait l’avoir déjà vue quelque part. Sans doute au lycée.
– Salut, dit-elle. Est-ce que tu arrives à lire sur mes lèvres ?
Olivia hocha la tête.
– Cool ! Je m’appelle Camille, et je suis dans ta classe. Je t’ai reconnue au loin, c’est pour ça que je suis venue me présenter.
Olivia lui sourit. Elle semblait très douce, très gentille et remplie de compréhension.
– Si tu veux, poursuivit-elle, je peux te donner mon numéro. Comme ça, si tu as le moindre problème avec les cours, tu pourras m’en parler. Je t’aiderai avec plaisir !
Olivia lui tendit son portable et Camille y enregistra son numéro.
– Super ! Vraiment, si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas.
Quelqu’un l’appela, au loin.
– Il faut que j’y aille. Salut, Olivia ! À lundi au lycée !
La jeune fille lui fit un signe de la main et Olivia fit de même. Elle ne s’attendait pas à cette agréable rencontre. Elle se sentait bien. Elle reprit son livre, et termina l’après-midi ici, à sentir le vent balayer délicatement ses cheveux.

*

Installée à sa coiffeuse, Olivia se maquillait. Elle commença par appliquer du correcteur afin de camoufler ses quelques imperfections. Ensuite, elle poudra son visage pour l’empêcher de briller. Puis elle mit du rose sur ses pommettes pour se donner bonne mine. Un léger coup de goupillon pour définir ses sourcils, un joli dégradé de fards à paupières marrons pour structurer son regard, et une couche de mascara pour allonger ses cils. Enfin, le clou du spectacle, un rouge à lèvres discret et naturel qui donna à sa bouche la teinte parfaite.
Olivia aimait l’image que lui renvoyait le miroir. Du moins, elle ne la détestait pas. Elle aimait prendre soin d’elle et se sentir belle. C’était ce qui lui donnait confiance en elle. Avoir un extérieur charmant pour dissimuler un intérieur éraillé.

Ce jour-là, la classe terminait les cours à midi. Après être rentrée chez elle et avoir déjeuné, Olivia commença à faire ses devoirs. Cependant, elle buta sur une notion en littérature, aussi décida-t-elle d’écrire à Camille pour lui demander de l’aide. Chemin faisant, les deux jeunes filles continuèrent à discuter bien après que le problème eut été réglé. Elles échangèrent sur leurs acteurs favoris, leurs films coups de cœur ; puis sur leurs professeurs et leurs camarades de classe.
Camille : Il y a une fille que je ne supporte pas, je ne sais pas si tu vois laquelle : celle qui est sans arrêt en train de se tripoter les cheveux…
Olivia : Oui je l’ai remarquée moi aussi !
Camille : Elle s’appelle Léna, et je ne peux pas la voir !! Depuis l’année dernière elle passe son temps à rire comme une bécasse et elle est insolente avec tout le monde ! Elle se croit supérieure et ça, ça m’insupporte au plus haut point !
Olivia : Hahaha ! C’est vrai que c’est le genre de personne qu’on n’a pas vraiment envie de fréquenter ! :p
Camille : Clairement ! Mais ne t’en fais pas, il y a aussi des gens sympas dans la classe ! Thomas par exemple est vachement cool ; et Simon, lui, il est tellement marrant ! Caro est gentille comme tout, elle aussi. Et puis il y a Nadège, ma grande copine, je pense que tu nous as souvent vues ensemble ! Après les autres, je ne les connais pas trop bien, mais dans l’ensemble tout le monde s’entend plutôt bien et ça c’est chouette ! ;)
Olivia : Oui c’est vraiment bien ce genre de classe où il y a une bonne ambiance !
Camille : Tu sais si tu veux venir avec Nadège et moi, tu peux, on serait super contentes de t’avoir !
Olivia : Merci Camille, je viendrai avec plaisir ! :D
Camille : :) Et toi ? Tu avais des amis dans ton ancien lycée ?
La question qui fâche. Olivia avait pourtant envie de s’ouvrir à Camille. Elle se sentait en confiance.
Olivia : Plus ou moins, j’y avais trois copines. Mais je n’ai jamais vraiment eu d’ami. Les gens venaient me voir par curiosité mais ils finissaient tous par être gênés par ma surdité. Enfin, je pense que c’est surtout le fait que je ne pouvais pas vraiment communiquer avec eux qui les éloignait de moi…
Camille : Oh ma pauvre ! J’imagine que ça n’a pas dû être facile pour toi. Mais ne t’inquiète pas, moi j’ai vraiment envie de te connaître. Je m’en fiche que tu sois sourde et muette, je sais qu’on pourra toujours trouver un moyen de communiquer ! J’aimerais vraiment qu’on soit amies !
Amies… Pour Olivia, une amie est une personne avec qui on peut être soi-même. Une personne avec qui on rit, partage, échange, et parfois pleure. Une personne à qui on peut se confier sans crainte d’être jugé. Une personne qui nous soutient jusqu’au bout de tout. Camille pourrait-elle devenir l’amie d’Olivia ? Elle le croyait, sincèrement. Car jamais elle ne s’était sentie aussi proche de quelqu’un en aussi peu de temps.

Elle ne savait pas pourquoi, mais elle sentait que Camille lui ressemblait. Et c’est peut-être aussi l’une des raisons qui forge l’amitié entre deux personnes.