Chapitre 1 - Écume - Partie 4

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***

 La confirmation lui arriva à l’esprit. Le rendez-vous était convenu automatiquement selon le plan des tâches établi de sa journée, de ses occupations privées, croisé avec les disponibilités du laboratoire et de ses agents. L’interconnexion des pimplants fonctionnait à plein régime. Elle facilitait la vie de tous dans les Bas-Niveaux, la régissant insidieusement.

 Les pupitres d’information mobile, appelés plus communément PIMs, plébiscités par les humains depuis la colonisation martienne, s’étaient rapprochés toujours plus étroitement de leur porteur. À tel point, que pour la lignée Fomalhaut et la colonisation de planètes aquatiques, ils s’étaient mus du poignet vers la boîte crânienne. Comme si la pensée du porteur appelait nécessairement un rapprochement vers la présence physique. Le pimplant scrutait en permanence les ondes cérébrales, les humeurs et l’équilibre biochimique de son hôte. Peu à peu, devant les bénéfices pratiques du pimplant, les dernières barrières éthiques sautèrent comme si le souhait profond de l’objet était réalisé.

 Ainsi, Sunita Ailurus n’avait pas à redoubler d’efforts pour organiser sa journée. Elle correspondrait à peu de choses près à ce qui avait été établi. La jeune femme planifiait mentalement les tâches affectées aux membres de son groupe, la décurie Ailurus. Le découpage en décuries et centuries du premier markind avait perduré dans cette lignée humaine. Chaque vaisseau mère de type Markind transportait trois centuries d’humains, assez pour ensemencer un nouvel astre.

 Sunita portait en elle un sens inné de l’organisation. Le pimplant en était presque inutile dans son cas. Pourtant, en cette fin de session de travail, elle sentait une forme inhabituelle de stress. Sunita essaya d’en faire abstraction en laissant jouer quelques mélodies sélectionnées judicieusement. Elle récupéra quelques effets avant de quitter sa place et se rendre vers les bulles scientifiques. Son rendez-vous au laboratoire revêtait une grande importance, une injonction à laquelle elle devait se plier. Elle avait senti en elle un changement imperceptible, léger. Sunita fut surprise à son réveil, trois jours auparavant. Une forme légère de vertige. Sa combinaison légère lui avait confirmé le changement biochimique. Le pimplant avait tout de suite organisé un examen plus approfondi en laboratoire. Mais Sunita n’avait pas eu besoin de l’assistance numérique pour faire le rapprochement avec une nuit passée auprès d’un homme qu’elle avait désiré. Un désir qu’ils avaient laissé brûler cette nuit-là, sans jamais se revoir par la suite.

 Son sac collé au dos, Sunita traversa le bâtiment en saluant de gestes brefs de la main droite les personnes encore présentes. Sa décurie avait bien progressé. Ils finalisaient une série de discours destinés à la mise en œuvre de protocoles de contrôles plus stricts des accès entre les Hauts-Niveaux et les Bas-Niveaux.

 Entre ces deux immenses espaces de vie sous-marins trônait le Markind Fomalhaut. Après avoir traversé l’espace durant de nombreuses années, la plus longue durée depuis le départ du premier Markind, de nouveau la décision avait été prise. Pour faciliter l’ensemencement de la planète Fomalhaut-Ae, le responsable de l’ensemencement, avec l’accord des colons et des membres d’équipage, avait opté pour l’immersion du vaisseau mère. Ainsi, durant de nombreuses décennies cette partie de l’humanité se construisit autour de ce markind plongé dans l’unique océan de cette planète.

 Sunita remontait les coursives des ronds d’activités sociales d’un pas cadencé. On sentait chez elle une détermination puissante. Pourtant son visage long et son fin maquillage virtuel exposaient une certaine douceur. Malgré ces artifices cosmétiques, un Terrien aurait été effrayé par l’apparence de la jeune femme. Les corps humains étaient passés à la forge de l’humaniformation depuis leur départ d’Harriot-a, la première colonie humaine en dehors du système solaire. Le nez presque inexistant menait le regard vers les yeux où les doubles paupières conféraient, certes, une protection supplémentaire et une acuité visuelle accrue en milieu aquatique, mais au détriment de l’expression. Ainsi, il devenait presque impossible pour un de ses ancêtres sur Terre ou Mars de déchiffrer l’humeur de son interlocuteur. Les pimplants venaient corriger ce point, échangeant les sentiments.

 Arrivée à une intersection, elle pressa légèrement le haut de sa combinaison pour attraper un morceau de tissu dont elle recouvrit la moitié de son visage. Il se transforma immédiatement en un masque de plongée transparent. Elle s’approcha d’une large porte d’où elle baissa un levier. Aussitôt, la porte émit un léger bruit d’air et s’ouvrit. Sunita pénétra dans le sas dont la première porte se scella hermétiquement. Puis, rapidement de l’eau commença à s’étaler autour de ses jambes. Le niveau monta rapidement pour la recouvrir et remplir l’espace en quelques secondes seulement. La porte extérieure du sas s’ouvrit sans action de sa part. D’un geste ample et souple, elle se projeta en avant. Le tunnel du tube de transit souple courait sur plusieurs centaines de mètres et reliait les différentes bulles de vie entre elles. L’eau était limpide et sa vision claire, comme si l’air n’avait pas disparu. La forte luminosité l’englobait et la suivait tout au long de son parcours à sens unique. La structure d’un diamètre respectable effaçait tout sentiment de claustrophobie. Il en allait de même pour ses extrémités, chaque sas pouvait contenir deux décuries. Mais ce jour-là, elle fut seule.

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