Chapitre 2 - Délivrance - Partie 6
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Sunita avait deux certitudes. Elle ne pourrait plus vivre comme avant et sa carrière sociale était pulvérisée. Son geste malheureux avait tout fait basculer en l’espace de quelques secondes. Elle aurait pu courber l’échine, rejoindre un poste de sécurité. Mais cette option n’était pas envisageable. Elle y perdrait tout, même son fils. Désormais, il représentait la seule échappatoire. Fuir, mais où ? Les Bas-Niveaux n’offraient aucun refuge. Il fallait remonter. Peut-être que les Hauts-Niveaux lui donneraient sa chance. Sa pensée était confuse, perturbée par les injonctions de son pimplant. Elle luttait contre ses assauts synthétiques répétés. Son côté pratique, inoffensif, disparut pour laisser place à une autre facette : celle du contrôle. Dans les prochaines heures, c’est une décurie de sécurité qu’elle aurait aux trousses. Elle le savait. Une partie de son travail passé avait concerné la traque des porteurs de pimplants.
Elle avait traversé la bulle scientifique sans réel but. Désormais, un autre chemin que celui indiqué par son pimplant s’inscrivait. Elle devait quoiqu’il en coûte remonter vers les Hauts-Niveaux. La traversée consisterait à rejoindre un tunnel pour atteindre un des niveaux supérieurs qui jouxtaient la coque de l’énorme vaisseau. Les personnes qui y évoluaient seraient tellement affairées dans leur travail qu’elles n’auraient pas le temps de s’occuper d’elle.
L’image du coup porté à l’homme lui revint à l’esprit. Elle y avait mis toute sa colère, sa frustration. Elle crut entendre le craquement sourd du crâne de l’inconnu frapper le sol. Il était tombé comme une masse, raide mort. L’angoisse monta d’un cran. Elle l’avait tué ? Dans ce cas, son avenir serait bien pire, et les heures avant d’être la cible d’une décurie de sécurité deviendraient que quelques minutes. Une poussée d’adrénaline la poussa à courir pour rejoindre le tunnel le plus proche. Elle s’équipa à la hâte dès son arrivée. Une personne la précédait. Elle semblait perdre des heures à pénétrer dans le sas. Sunita tentait d’observer autour d’elle sans attirer trop l’attention des passants. Il est mort. Elle essayait de chasser cette idée de son esprit sans succès. Enfin, elle pénétra dans le sas. Elle avait opté pour un petit tunnel de service simplement le plus proche. Elle ne savait pas où il débouchait. Le pimplant ne lui était d’aucun recours, lui rabâchant sans cesse de rejoindre un poste de sécurité.
Elle n’était jamais venue dans cette bulle. Elle en avait vaguement entendu parler sans y prêter plus d’attention. Les ronds et autres installations semblaient correspondre à une partie technique annexe aux autres grandes bulles. De beaucoup plus petite taille, Sunita ne mit pas longtemps à rejoindre un autre sas de sortie. Celui-ci menait à une des extrémités de l’agglomérat des bulles. Un frisson la parcourut devant l’idée qui venait de jaillir dans son esprit. Sa qualité de décurion lui permettait d’accéder à un grand nombre de lieux. Et par chance, ses accréditations continuaient de fonctionner. Il n’est pas mort. Elle pouvait encore utiliser une autre option : les transports.
Les déplacements de cette nouvelle colonie aquatique humaine ne se différenciaient pas tellement des deux autres. Vertis, la planète qui abritait la colonie précédente et dont le Markind Fomalhaut avait ensemencé la planète, préconisait l’utilisation de navettes pour fendre les profondeurs océaniques entre les différentes grappes de bulles de vies. Au sein des bulles en elles-mêmes, les distances étaient réduites et les trajets étaient réalisés majoritairement à pied ou à l’aide de petits engins motorisés, les propulseurs, pour certains cas de figure.
La jeune femme pénétra dans un petit hangar. Ce petit bâtiment jouxtait un sas pour l’embarquement dans une navette. Un certain soulagement l’emplit à mesure qu’elle allait d’un point à un autre sans restriction. Dans son esprit, une petite flamme d’espoir de retour à sa vie d’avant vacillait. Mais son pimplant continuait à inviter la jeune femme à se présenter dans un rond de sécurité. L’absence de personnel lui facilita la tâche. Une fois à bord, elle repéra le poste de pilotage qui se trouvait par simple commodité avec le passé de ces véhicules à l’avant. Le pilotage d’un tel engin était aisé, car totalement interfacé au pimplant, et pouvait être réalisé de n’importe quel endroit à l’intérieur. Sunita traversa une petite salle où pouvait se retrouver une décurie au complet, puis passa la porte pour enfin s’asseoir au poste de pilotage. La première chose qui lui vint à l’esprit était l’absence totale de destination. Elle avait erré à pied avant d’atteindre la navette. Posant sa main sur son ventre, elle reposa sa tête sur le dossier. Désormais, une autre étape s’ouvrait à elle. Les Bas-Niveaux devaient l’oublier, au moins pour quelques mois.
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