Du vent et des platitudes

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 On le sait tous, ils sont comme ça, les gens. Il vont, ils viennent, tournent en rond, ne regardent rien autour d'eux. Ils sont comme ça, les autres. Ce sont... les autres. Et puis parfois, l'un d'entre eux fait un choix différent. Il décide - simplement, courageusement, douloureusement - de s'extirper de la masse. Son courage pourra prendre la forme de la chance, l'emmener vers des chemins de traverses splendides et des actions nobles. A moins que la douleur ne pèse pour lui un peu trop lourd. Là, il sera blessé, en colère, débordant d'une violence qui le noiera ou le fera désespérément sombrer dans la folie. C'est comme ça que naît le génie ou l'assassin, le fou ou le généreux. Ou peut-être les quatre en même temps. Rien à faire. Rien à dire. La vie désigne les moutons noirs les uns après les autres pour pallier à son propre ennui.


Bernard en fait partie, de ces moutons là. Ces brebis galeuses qui vont et viennent, font et défont le piquant du quotidien. Bernard, englué dans sa douleur, n'a réussi à poursuivre son mouvement qu'en se faisant violence... et en la faisant aux autres. Au début, peu importe ce qui déclenche sa sortie du troupeau. Il a sûrement fait ce que les autres n'osent pas faire. Il a sûrement marché un pas de plus dans ces directions qui leur font si horriblement peur. Sauf si c'était son père, ou sa mère, ou son frère et qu'il y a été poussé, dans ces directions là. Son père, ou sa mère, ou son frère qui lui ont mis le couteau dans le dos. « Avance – les a-t-il entendu dire dans le noir – avance où ce qui t'attend sera bien pire que l'inconnu » . Alors Bernard a avancé. Il a fait ce qu'il avait à faire pour survivre. Il a rampé très loin, lentement dans sa glue, en espérant trouver la sortie. Il a un peu pleuré, beaucoup crié, souvent hurlé. Il a frappé violemment les innocents qui lui disaient... Que disaient-ils ? Bernard ne s'en souvient pas. Bernard ne regarde plus en arrière. D'ailleurs, il voit à peine devant lui. Peu importe si c'est de son fait ou si on l'a chassé : il est sorti du troupeau.


Et dehors, dehors... on se sent très seul. On cherche la compagnie. Les autres galeux. Mais Bernard ne sait plus voir au delà de lui-même. Il tourne en rond, tout seul. Il ne fait plus rien, il pleure sur son sort. Il attend qu'on vienne à lui. Et quand quelqu'un vient, il frappe, il crie, il montre les dents. Il tue. Tristement, mais il tue. Ses mains s'abattent comme ça, indépendamment de sa volonté. Elles font les choses toutes seules, pendant que ses larmes coulent silencieusement. Le sang coule et lui brûle la peau comme de l'acide. C'est trop tard, après coup. Il faut courir. Il faut fuir très loin, très vite, très longuement. Pleurer ne sert plus à rien.


Un jour, la vie de Bernard se finira. Toutes les vies se finissent. La sienne sûrement un peu avant les autres. Et puis, bon, à ce moment là... une autre brebis galeuse sortira du troupeau.

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