Le week-end était rapidement arrivé et tout aussi rapidement passé. Mickaël déposa Talia à l’hôpital après avoir déposé leurs deux autres amis. Ils avaient passé leur journée à Annecy profitant des animations marquant le début de l’automne dans la vieille ville. Et bien évidemment un peu de shopping.

- Mika…

- Oui ?

- Est-ce que… est-ce que tu veux bien m’accompagner ? demanda Talia, une étrange tension l’habitait. Elle avait un peu peur de monter voir son oncle, sans vraiment savoir pourquoi alors lorsque Mickaël accepta elle fut soulagée. Elle se rendit donc avec lui à l’accueil, donnant son nom.

- Oh ! Mademoiselle Myrdyr ! Vous tombez bien, votre oncle vient de se réveiller il y a quelques minutes, nous allions vous appeler.

- Comment va-t-il ? demanda Talia le cœur battant.

- Les médecins sont avec lui, vous pouvez monter, il est toujours en soin intensif, mais vous ne pourrez pas le voir tout de suite.

- D’accord, dit Talia, vous pouvez prévenir mon tuteur… ?

- J’allais l’appeler, allez-y.

- Merci.

Talia jeta un coup d’œil à Mickaël qui la suivit avant de poser la main sur l’épaule de la jeune fille.

- Calme-toi, tout va bien se passer.

- J’espère… J’espère qu’il n’a rien…

Le trajet dans l’ascenseur lui parut interminable, elle triturait son manteau, le stress la gagnait. Allait-elle pouvoir revoir son oncle ? Comment allait-il ? Mais surtout pourquoi avait-il fait ça ? Elle voulait comprendre, savoir, trop de choses lui semblaient étranges. Elle avait toujours eu l’impression que son oncle lui cachait des choses sur leur famille, sur plein de choses et elle en avait de plus en plus l’impression. D’autant plus qu’elle ressentait plus de choses, elle avait vraiment besoin de lui, de lui parler, de comprendre ce qui lui arrivait. Pourquoi ressentait-elle autant de choses ? Elle savait qu’elle avait des dons dans sa famille, mais elle pensait que cela leur était propre, mais y’avait-il vraiment d’autres personnes qui pouvaient avoir des dons eux aussi ? Elle voulait lui poser tellement de questions ! Mais en aurait-elle l’occasion ? Serait-il assez fort pour parler avec elle ? Elle l’espérait. Le ding et l’ouverture des portes fit sursauter l’adolescente, elle cligna des yeux avant de se remettre à marcher, suivit par Mickaël. Le jeune homme était inquiet pour elle, il voyait qu’elle était stressée, mais ne savait pas quoi dire pour la rassurer.

- Talia, commença-t-il, mais un médecin arriva vers eux, hélant la jeune femme.

- Mademoiselle ! Vous tombez à pique, votre oncle vous demande.

- Vraiment ? dit la voix de l’adolescente chargée d’espoir.

- Oui, nous n’avons pas fini les tests, mais vous voir quelques minutes devraient le calmer pour que puissions terminer, vous voulez bien venir ? Votre ami peut vous accompagner aussi.

- Merci… dit Talia en regardant Mickaël.

- Je te suis, répondit-il sans lui laisser le temps de poser la question. Il lut la reconnaissance dans le regard de Talia et sut qu’il avait vraiment bien fait de l’accompagner. Il la suivit dans la chambre. Le vieil homme avait les yeux ouverts, ses yeux de la même couleur que ceux de la jeune femme s’arrêtèrent un instant sur Mickaël qui se figea. Il sentait et pressentait que le vieil homme avait lui aussi des dons.

- Talia… dit-il d’une voix rauque, usée, en tendant les mains vers la jeune fille, son regard glissant sur elle.

- Tonton… souffla Talia en s’approchant de lui et prenant ses mains, s’asseyant sur le bord du lit prenant garde aux différents fils. Comment te sens-tu tonton ?

- Vieux… fatigué… il soupira, je n’ai pas beaucoup de temps…

- Non non, tu as tout le temps que tu souhaites…

- Non, ma petite…Tu ne comprends pas… Il nous cherche.

- Il ?

- Gaël…

Talia regarda son oncle sans comprendre. Qui les cherchait ? Qui était ce Gaël ? Qu’est-ce qu’il racontait ? Avait-il perdu l’esprit ?

- Lis le livre Talia.

- Le livre ?

- De tes parents… De notre famille, lis-le. Promets-le-moi.

- C’est promis, mais on le lira ensemble tonton… Quand tu rentreras.

- Non ! dit-il trop fort, ce qui lui tira une quinte de toux. Il était fatigué, il savait que Gaël guettait, il ne savait pas comment il avait pu pénétrer son esprit, il veillait depuis si longtemps… Peut-être avait-il été inattentif ? Il ne savait pas, ne comprenait pas, mais ce n’était pas le plus important. Il voulait protéger Talia, il serra ses mains, sondant les sorts qu’il avait tissés autour de sa nièce pour la protéger. Il se raidit. Les sorts avaient changé. Elle s’éveillait ! La situation n’aurait pas été celle d’aujourd’hui il en aurait été heureux. Il fixa sa nièce sans la voir, renforçant les sorts, leur donnant la bonne inflexion pour qu’il protège Talia, espérant qu’il tiendrait encore longtemps même lorsqu’il ne serait plus de ce monde.

- Tu vas aller mieux tonton, je te le promets… Tu rentreras à la maison, dit Talia, Et on le lira ensemble.

- Non, commence-le, reprit son oncle le regard un peu vague. Commence-le et pose-moi des questions si tu en as lorsque tu viendras me voir d’accord ?

Talia pinça les lèvres, elle avait l’impression que son oncle ne s’attendait pas à rentrer.

- Monsieur Samwell ? Nous pouvons continuer ? demanda une infirmière en entrant dans la chambre.

- D’accord, soupira le vieil homme, mais je veux la revoir après. Tu me présenteras ton ami ainsi ? dit-il regardant Talia, cette dernière hocha la tête.

Mickaël était resté en retrait, les ayant observés. Il se redressa pour sortir et son regard croisa à nouveau celui de Samwell.

Prends soin d’elle… Je ne suis pas sûr de gagner cette bataille mon garçon… Prends soin d’elle.

Mickaël cligna des yeux, comme soufflés, il avait vu, senti, ressenti des milliers de choses en lisant les pensées des autres, mais jamais personne ne lui avait envoyé ainsi ses pensées et encore moins… Tout ce qui passait dans son esprit. C’était trop, beaucoup trop pour qu’il comprenne ce qui lui arrivait. Connaissance, histoire, explication, Merlin. Magie, Morgane, vengeance, tout ce que savait Samwell passait par Mickaël, se gravant dans son esprit, le marquant. Il vacilla se rattrapant à la porte. Talia qui arrivait près de lui posant une main sur son bras.

- Mika… ? Tout va bien ?

- Oui… Oui, ce n’est rien, j’ai juste bougé trop vite… On peut aller s’asseoir dans le couloir ?

- Oui… viens… dit-elle avant de l’aider à s’installer dans un des fauteuils, cela… ne te dérange pas qu’on attende tu es sûr ?

- Aucun problème, de toute façon… J’ai besoin de me poser un peu, dit-il. Son esprit analysant toutes les connaissances que lui avait envoyées Samwell. Car c’était lui n’est-ce pas ? C’était lui qui avait fait tout cela ?

- Tu es sûr que ça va Mika ?

- Et toi ? demanda-t-il sans répondre, prenant la main de Talia, comment tu te sens ?

- Soulagée… et inquiète. Soulagée parce qu’il s’est réveillé et qu’il a l’air d’être plus ou moins lui-même, mais inquiète parce que… j’ai peur… dit-elle sans terminer sa phrase.

- Peur de ? dit-il en serrant la main de Talia, tes mains sont glacés, dit-il en attrapant la seconde et les serrant entre les siennes.

- J’ai toujours les mains froides…, répondit Talia avant de se mordre la lèvre, j’ai peur de le perdre. Je serais toute seule s’il part…

- Tu ne seras pas seule Talia, on sera là, et tu as Alban, tu as Samira, Samiael et… moi. Tu ne seras pas toute seule.

- J’avais l’impression qu’il me disait adieu.

Mickaël resta silencieux un instant. Il était encore perturbé, mais répondit par automatisme presque

- Mais non, il se réveille seulement Talia, il doit être désorienté et puis avec tous les tests que lui font les médecins cela ne doit pas aider.

- J’espère…, répondit la jeune femme, regardant leur main. Sa peau pâle contrastait avec celle halée de Mickaël. C’était saisissant, envoutant et… étrangement rassurant. Elle se calmait, elle se sentait tellement mieux lorsqu’il était là, avec elle. Cela lui faisait peur, peur parce qu’elle s’attachait trop, trop vite à lui. Elle se perdait dans la contemplation de leurs mains jointes. Le jeune homme regardait Talia, elle avait l’air absorbé par leurs mains.

- Ça te gêne ? demanda-t-il.

- De quoi ?

- Que je te tienne les mains.

- Non… C’est agréable… Ça réchauffe, murmure-t-elle d’une voix un peu lointaine. Assis côte à côté sur les sièges, Talia se sentait à la fois ancré dans la réalité par le toucher des mains de Mickaël, mais aussi dans un autre monde, où elle percevait autre chose, les énergies, un monde emplit de couleurs, de pensées. Elle cligna des yeux

- Qu’est-ce que tu as dit ?

- Je n’ai pas parlé, dit Mickaël perplexe. Il n’avait fait que penser, penser à ses mains douces qui se réchauffaient à peine à son contact. Il en était presque heureux, il avait une excuse toute trouvée pour la toucher. Il faisait cependant bien attention à ne pas écouter les pensées de la jeune femme.

- J’étais sûre que tu avais dit quelque chose…, dit-elle pensive.

- Je n’ai rien dit Talia, je n’ai fait que penser…, dit le jeune homme en la fixant.

Talia leva le regard vers lui.

- Tu as parlé !

- Non.

- Comment fais-tu ça ?! Souffla la jeune femme en regardant Mickaël. Il n’avait pas ouvert la bouche et il parlait, comment… ? Elle se figea alors. Elle avait entendu les pensées de Mickaël. Elle ouvrit la bouche, ses yeux s’agrandissant alors que l’information intégrait son cerveau.

- Trop mignonne…

- N-non ! Bégaya-t-elle, je ne suis pas mignonne, compléta-t-elle alors que ses joues se coloraient d’un joli rose.

Un sourire étira les lèvres de Mickaël,

- Tu m’entends depuis quand Talia ? Essaie de me répondre par la pensée… dit-il lâchant les mains de la jeune femme. Talia frémit, tirant ses manches sur ses mains, le regardant d’un air de dire comment. Projette tes pensées vers moi, comme si tu me parlais à voix haute, dit-il utilisant sans s’en rendre compte les connaissances que Samwell lui avait fournies quelques minutes plus tôt. Talia se mordit la lèvre, se concentrant. Ses yeux luisaient légèrement, brillant avec candeur en regardant Mickaël, après de longues secondes.

- Mickaël… ?

- Oui ? dit-il alors qu’un large sourire étirait ses lèvres, elle y arrivait ! Elle arrivait à communiquer avec lui, mais surtout il arrivait à l’entendre sans la toucher. Il essaya d’entendre ce qu’elle pensait sans succès. Essais encore, dis-moi quelque chose… dit-il.

- Je ne sais pas quoi dire… murmura la voix mentale de Talia. Il ferma les yeux, un sourire étirant ses lèvres, il reprit les mains de Talia entre les siennes. Elle avait une belle voix, presque identique à sa voix naturelle, c’était beau, elle était tellement plaisante ! Il n’avait jamais pu discuter ainsi avec quelqu’un ! C’était nouveau et grisant.

- Mademoiselle ? Monsieur ? dit une infirmière, les interrompant.

- Oui ? dit Talia en se levant, vous avez fini ?

- Oui, vous pouvez entrer, mais… Il est fatigué, ménagez-le s’il vous plait. Nous allons le garder ici cette nuit, et si tout se passe bien, il retournera dans sa chambre habituelle demain.

- D’accord. Merci, dit la jeune femme en tirant Mickaël par la main, entrant dans la pièce.

Samwell avait les traits tirés, mais ses yeux étaient alertes et un fin sourire étira ses lèvres en regardant sa nièce.

- Talia… dit-il, l’invitant à venir s’asseoir près de lui, présente-moi ton ami.

- Tonton… Je te présente Mickaël, Mickaël… Je te présente mon oncle, Samwell.

- Enchanté Monsieur Myrdyr, répondit Mickaël avec un hochement de tête avant de s’asseoir sur la chaise, non loin de Talia. Il avait envie de reprendre sa main, mais elle avait donné ses deux mains à son oncle, comme si le moindre contact avec lui pouvait donner de l’énergie à cet homme fatigué qui se tenait devant eux.

- Apelle-moi Sam… ce prénom est bien trop long…, dit le vieil homme dans une tentative d’humour. Raconte-moi Talia, raconte-moi…

- Que je te raconte quoi tonton ? dit-elle. Elle était heureuse et surprise, cela faisait des années que son oncle ne lui avait pas parlé ainsi, elle ne comprenait pas, mais voulait se raccrocher à tout ce qu’il lui donnait.

- Ta vie depuis que je suis ici… Qui s’occupe de toi, comment as-tu rencontré Mickaël ?

- Et bien…, dit Talia ne sachant pas trop par où commencer, je vis sous tutelle, avec Alban… Il est très gentil, je pense que tu l’aimerais beaucoup… Je crois qu’il passera, l’hôpital devait l’appeler, mais il travaillait tard de mémoire, dit-elle regardant un instant le vide avant de regarder Mickaël puis de reporter son attention sur Sam. J’ai changé de lycée, et c’est là que j’ai rencontré Mickaël et aussi deux autres amis à lui… qui sont aussi les miens, dit-elle en souriait timidement, mais un sourire sincère.

- Je suis aussi son voisin depuis qu’elle vit chez monsieur Alvins.

- Je vois… Je suis content que tu t’ouvres Talia. Tu as le droit de vivre ta vie… Je suis désolé… dit-il.

- Désolé de quoi tonton ? demanda Talia.

- De tout, de t’avoir délaissée ces années, de t’avoir inquiétée… Je voulais simplement te protéger…

Les deux adolescents et Sam restèrent à discuter jusqu’à ce que Mickaël sente que l’homme avait besoin de repos.

- Talia, on va devoir rentrer, ma mère va avoir besoin de la voiture, et Alban te fera le point lorsqu’il aura vu les médecins… Ton oncle est épuisé Talia, regarde-le.

La jeune femme hocha la tête,

- Je reviendrais demain Tonton… dit la jeune femme.

- A demain ma puce…, murmure le vieil homme en fermant les yeux, sombrant dans un demi-sommeil. Il ne dormirait pas totalement, il resterait en éveil pour lutter, pour garder son esprit libre. Il savait que maintenant qu’il était totalement éveillé et presque remis, Gaël tenterait de reprendre le contrôle. Il fallait qu’il renforce ses défenses, ne se laisse plus avoir.