Chapitre 3
Ces quelques jours avaient passée sans que Talia s’en rende compte. Aujourd’hui, Angeline et elle allaient voir son oncle à l’hôpital. Elles y allaient, parce que la jeune fille le lui avait demandé tous les jours. Dans le hall Angeline demanda le numéro de la chambre. On le lui donna, c’était le treize. Elle n’était pas superstitieuse mais tout de même, c’était un peu fort. Et puis depuis quand le chiffre treize avait-il été réintroduit dans les hôpitaux ? La question lui sorti vite de l’esprit lorsqu’elles entrèrent dans la chambre. Celle-ci était basique et impersonnelle comme toutes les chambres d’hôpitaux. Son oncle était allongé sur le lit, blanc comme un linge mais il semblait aller mieux que le jour de l’accident. Talia s’assit sur une chaise à côté de lui et prit sa main. Angeline lui dit qu’elle devait passer un appel, qu’elle n’en avait pas pour longtemps, la jeune femme hocha distraitement la tête. Au moment où la porte se referma son oncle ouvrit les yeux.
- Salut…, souffla Talia, ça va ?
Evidemment il ne lui répondit pas, il fixait obstinément le plafond, elle soupira et ne dit rien de plus. Après tout pourquoi essayer d’engager la conversation avec un homme qui avait toujours essayé de se retirer du monde social ? Au bout d’un moment, après avoir passé de longues minutes à le regarder, elle finit par dire.
- Je suis juste passé voir comment tu allais…Je repasserai surement la semaine prochaine.
Talia se leva et l’embrassa sur le front, il ne dit rien, ne tressaillit même pas. Elle ouvrit la porte et au moment de la refermer son oncle dit une phrase, une seule :
- Surtout sois heureuse Talia, ne me regrette pas.
Elle se figea sur le pas de porte et se retourna. Son oncle avait toujours le regard fixé au plafond, croyant avoir rêvé, elle ferma la porte et sorti rejoindre Angeline. Cette dernière s’approcha d’elle toute souriante :
- Le centre t’a trouvé un tuteur le temps que ton oncle aille mieux. Il souhaite te rencontrer.
- On peut le voir quand ? demanda Talia d’une voix presque blasée.
- Euh… Je ne sais pas. Un instant.
Elle passa alors un autre appel, puis raccrocha.
- Maintenant, au Café des Arts c’est bon ? demanda-t-elle.
- Qu’est-ce qu’on fait encore là alors ? dit la jeune fille en feignant l’enthousiasme.
Elle se força à sourire et monta dans la voiture. Elles traversèrent les rues de Sallanches, petite ville de montagne inconnue ou presque, au pied du Mont-Blanc. Elles arrivèrent sur La Place de la Grenette, assez sobre mais indéniablement belle, surtout lorsqu’elle était fleurie au printemps, animé l’été ou lorsque le marché de noël s’installait.
Au centre de cette place, à côté du parking où se tenait le fameux marché, il y avait une sorte de préau soutenue par des colonnes rondes le tout en granit de Combloux.
Cette construction lui faisait un peu penser à un monument grec, peut être à cause des colonnes. Pourtant, on était bien loin de la Grèce et ces temples puisque dans le temps, ce préau nommé « La Grenette » était utilisé comme marché aux grains tout comme la place qui l’entourait accueillait les foires agricoles et de nos jours elle y accueille encore le marché hebdomadaire. Angeline se gara dans le parking souterrain, se situant juste dernière la place et en face de leur lieux de rendez-vous, avant d’entrer dans le café-restaurant avec Talia.
Un homme surement âgé d’une trentaine d’année, était assis à une table. Ses cheveux, blond platine et ses yeux verts lui donnaient un air sympathique, ce que Talia apprécia énormément. Elle vit qu’Angeline prenait sa direction et lui serrait la main avant de dire :
- Monsieur Alvins, je me présente Angeline Névra, assistante sociale et voici Talia Myrdyr.
- Enchanté. Comment vas-tu ? lui demanda-t-il d’un ton chaleureux.
- Bien, merci. Répondit l’adolescente par automatisme.
Elle fut surprise par le ton paternel que cet homme employa mais ne laissa rien paraître. Ils s’installèrent autour de la table et une femme vint prendre leur commande, deux cafés noirs pour les adultes.
- Et toi Talia, tu veux quelque chose ? demanda monsieur Alvin.
- Une grenadine s’il vous plait, demanda la jeune fille.
Angeline discuta avec monsieur Alvins pendant un long moment et la jeune fille décrocha de la conversation. L’assistante se renseignait pour savoir si monsieur Alvin avait été mis au courant de la totalité de son dossier ou non. Talia regarda les montagnes. Les quatre têtes étaient vraiment belles. Il n’était que fin septembre, et habituellement à cette période, il y avait les premiers grands coups de froid pourtant, cette année, le temps était encore très doux. Soudain, Talia entendit Angeline l’appeler :
- Talia… Talia…
- Oui ? dit-elle en sortant de sa rêverie.
- Monsieur Alvins souhaite rester un peu seul avec toi. Est-ce que tu es d’accord ? lui demanda-t-elle.
- Bah oui. Elle pose de ses questions parfois… L’homme lui fit un grand sourire.
- Bien, je viendrai la rechercher ce soir vers… commença-t-elle
- Non, je la poserai chez son oncle, la coupa monsieur Alvins.
Angeline sembla surprise puis accepta.
- Si vous changez d’avis ou avez un empêchement prévenez-moi, vous avez mon numéro. Elle se leva, les salua avant de partir à grand pas. A croire qu’elle se débarrassait d’un lourd fardeau.
- Tu veux aller quelque part ? demanda alors monsieur Alvins.
Elle tourna la tête vers lui et haussa les épaules.
- Comme vous voulez monsieur, répondit-elle poliment.
- Ouhla ! Premièrement, tutoies moi et deuxièmement appelle-moi Alban d’accord ?
- D’accord, dit-elle.
Il lui sourit. Ils discutèrent un long moment, de tout et de rien et mangèrent le midi au restaurant. Talia apprit qu’il était musicien mais que suite à une opération, il ne pouvait plus jouer. Il était maintenant professeur de musique théorique dans les collèges et lycées mais donnait aussi des leçons de musique à certains de ses élèves qui étaient intéressés. Elle lui parla alors de ses passions, la musique et le dessin.
- Tu joues d’un instrument ? demanda-t-il intéressé.
- Oui, du piano, répondit-elle presque joyeusement. C’était la première fois depuis le début de la conversation qu’elle parlait d’elle-même sans répondre à une question.
- Hm…depuis combien de temps ? continua Alban, content que l’adolescente s’ouvre un peu à lui.
- Euh…bonne question…depuis toute petite en tout cas… dit-elle en réfléchissant.
- D’accord. Il faudra que tu me montres un de ses jours.
- Avec plaisir !
- Et tu prends des cours de dessin ?
- Non… j’allais à des cours à l’école mais le club a fermé, dit-elle avec une légère pointe de tristesse.
Il ne répondit rien, il semblait réfléchir. Soudain il demanda :
- Oh faite, si tu dois vivre avec moi, tu préfères venir chez moi ou rester dans la maison de ton oncle ?
Elle le regarda surprise. Elle s’attendait à ce qu’on la place devant un fait accompli : qu’on lui impose les décisions. Mais non, il semblait la prendre à parti, comme s’il se souciait vraiment de son avis et… Elle apprécia cela.
- Euh…je ne sais pas. Où est-ce que v… tu habites ? demanda-t-elle alors, curieuse.
- A Saint Martin, clos de l’Angrenaz.
Alban entreprit alors de lui décrire sa maison composée d’une cuisine ouverte sur la salle à manger, elle-même ouverte sur le salon. De quatre chambres l’une avait été transformé en bureau tandis que les deux autres servaient de chambres d’amis et de deux salles de bain. Talia réfléchit avant de dire :
- Chez toi.
Il lui sourit et Talia su qu’il ne s’attendait pas à cette réponse-là. Il avait eu une hésitation avant de sourire.
- Quand est-ce que je dois faire mes cartons ? demanda Talia.
- Il y a le temps ! Tu veux peut-être visiter la maison ?
- Pourquoi pas, dit la jeune fille en haussant les épaules.
Alban paya l’addition et ils se rendirent chez lui.
Elle regarda par la fenêtre de la voiture quand la maison se dévoila à elle. Dans ce quartier une maison récente se dressait au milieu des autres, de couleur blanc cassé, elle avait un air très accueillant. Une allée ainsi qu’un escalier de gravier blanc, menait à la porte d’entrée. Ils étaient tous deux bordés de buissons surement fleuris au printemps.
Une fois à l’intérieur, ils allèrent directement à l’étage et Alban lui montra les deux chambres libres. La première donnait sur la rue et la seconde sur le bois, celle-ci avait un balcon ainsi qu’un léger vis-à-vis sur la maison voisine. Alban demanda à Talia laquelle elle préférait et la jeune fille choisit la deuxième. Il lui sourit puis regarda l’heure.
- Il va falloir que je te ramène chez ton oncle mais, si tu veux demain je peux venir te chercher pour que l’on commence à voir pour aménager la chambre selon tes goûts. Qu’en dis-tu ?
- J’en dis que c’est une très bonne idée ! A quelle heure tu passes me prendre ? demanda-t-elle
- A quelle heure seras-tu debout ? s’enquit-il.
- Surement vers huit heure et demi ou neuf heures.
Il réfléchit un instant puis lui dit qu’il passera la prendre vers dix heures. Elle opina et il la ramena chez son oncle.
Le soir, elle s’endormit rapidement en pensant qu’elle avait de la chance d’être tombé sur quelqu’un comme Alban. Même si elle n’avait passé qu’une petite journée avec lui, elle l’appréciait déjà et se surprenait à espérer pouvoir vivre une vie normale, comme les autres adolescents qui l’entourait, de ne plus être cette enfant-adulte qu’elle était depuis la mort de ces parents.
Alors qu’elle sombrait dans un sommeil sans rêve, la forme vaporeuse assise dans le fauteuil la veillait avec un sourire bienveillant, une seconde forme la rejoignit,
- Elle est entre de bonne main mon amour… dit une voix masculine, en posant une main sur l’épaule de la jeune femme devant lui.
- Oui… mais elle est encore si jeune… y arrivera-t-elle ?
- Oui ma chérie, elle est notre fille, c’est dans son sang… Et… elle ne sera pas seule. Il sera là pour l’aider. Je ne fais pas tout cela depuis des mois pour rien. Il sait qu’elle est en danger, répondit Alexandre.
-En es-tu sûr ? demanda Catia.
-Oui. Du moins, il le sait inconsciemment.
- Je l’espère... murmura la femme, en reposant le regard sur Talia, la mine inquiète.
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