CONFIANCE!

La guerre a donc commencé.

Guerre juste entre toutes, que nous n’avons pas acceptée, guerre que nous subissons avec un calme, un sang-froid dont nous avons lieu de nous enorgueillir.

Il n’est pas un Français qui en présence du danger actuel n’ait oublié ses querelles, ses haines de parti. Royalistes et socialistes, catholiques et libres-penseurs, tous vibrent du même amour pour la Patrie, tous font le sacrifice de leur vie pour la défense du drapeau, tous courent à la mort avec l’espoir d’aller à la victoire au cri de: Vive la France!

Il faut avoir confiance.

Une guerre comporte toujours assurément des éventualités, des incertitudes redoutables. Nul n’est maître de l’avenir.

Mais, on le sait, et il est bon de le répéter, les circonstances sont cette fois exceptionnellement favorables.

L’Allemagne a toujours eu le projet d’attaquer brutalement la France, de violer la frontière brusquement, avec l’espoir de rompre par un effort soudain la ligne de nos troupes de couverture. Notre mobilisation eut été lamentablement compromise.

Sans doute nous avons toujours pu compter sur le concours de la Russie, dont la loyauté absolue n’a jamais été douteuse. Mais la mobilisation russe est relativement lente, l’Allemagne espérait qu’elle aurait le temps de remporter sur la France des succès importants avant que les troupes russes fussent en état d’entrer en ligne.

Mais aujourd’hui la Russie est prête la première. On évalue à deux millions d’hommes les troupes qu’elle a déjà réunies à proximité de sa frontière germanoautrichienne.

L’Allemagne aura donc à faire face sur ses deux frontières à deux adversaires également prêts.

Elle ne peut disposer contre la France que de la moitié de ses effectifs.

L’armée autrichienne ne lui sera avant longtemps d’aucun secours, si tant est qu’elle soit jamais en état d’intervenir utilement.

L’Italie reste neutre. La France n’avait pas sans doute à la considérer comme une adversaire bien dangereuse. Cependant, si elle avait suivi l’Allemagne, elle nous obligeait à immobiliser, pour garder les passages des Alpes, des forces qui n’étaient pas quantités négligeables.

Sa neutralité nous permet de ne laisser le long des Alpes qu’une faible garde et de disposer de toutes nos troupes.

* *

*

Sommes-nous prêts? C’est la question capitale.

Eh bien! d’après les renseignements que nous avons pu recueillir, nous croyons, en conscience, pouvoir répondre: Oui!

Les fautes anciennes ont été heureusement réparées; nos armements sont en parfait état, et, dans le 4e corps notamment, dont nous sommes à même de mieux connaître la situation, il ne manque rien, absolument rien.

La mobilisation, on l’a vu, s’effectue dans un ordre parfait, avec une sûreté remarquable.

Nous n’avons pas à faire l’éloge de ceux que la France appelle au combat. Tous ont ici pu admirer leur sang-froid, leur sérénité, leur attitude ferme, sans forfanterie, mais sans faiblesse. Le calme silencieux est caractéristique de la vraie force.

Donc, toutes nos espérances sont légitimes.

* *

*

Mais il faut que la France sache garder son calme imperturbable et sa confiance.

Il faut qu’elle ne se laisse pas émouvoir par les fausses nouvelles qui, malgré toutes les précautions, seront répandues, et même par les mauvaises nouvelles.

On a dit que la première bataille déciderait du sort de la guerre. On se trompe, il faut le dire très haut.

Les forces énormes qui sont en présence, les forces énormes qui sont en réserve, permettraient assurément de réparer un échec de début, résultat d’une erreur ou d’une surprise.

Nous avons bon courage. Ayons confiance.

Vive la France!