L’entretien téléphonique (7)
- What ?
Au zozotement horripilant et bousilleur d’english de son interlocuteur à l’autre bout du fil, Donald Moumoute étrangla le combiné. C’était le freluquet qui avait osé lui tenir tête l’autre fois lors de la poignée de main. Le chef d’État d’un pays ridicule à l’autre bout de la planète empestant la vinasse et le fromage décomposé.
- Hello Donald, roucoula Manuel Trèbon. Je ne te dérange pas ?
Bien sûr que le jeune coq le dérangeait. D’autant qu’il zozotait même sur des phrases censées ne pas provoquer ce défaut d’élocution. À croire qu’il le faisait exprès pour lui mettre les nerfs.
- Bien sûr que non, mentit éhontément le vieux briscard sans se fatiguer de chercher dans sa mémoire de bulot le prénom de son collègue. J’étais justement en train de penser à toi, mentit-il encore poussé par son naturel de vendeur itinérant.
- Ah bon ? s’émut Manuel Trèbon dont l’ego boursoufflé enfla un peu plus.
- Ben ouais.
Le silence qui succéda rendit perplexe le service d’écoute de la maison blanche tant il fut long. On crut à un problème technique jusqu’à ce que le président de la France reprenne la parole :
- Eh bien, ça fait plaisir. J’avoue que moi aussi je pensais à toi. J’en parlais hier soir à ma femme. Je lui disais : « Il est formidable ce Donald. Avec lui, tout est simple, clair, spontané. On n’a pas besoin de tourner autour du pot quand on discute avec lui. Tout de suite, il... ».
Donald Moumoute regarda sa montre puis se racla la gorge :
- Ce n’est pas que le temps c’est de l’argent mais tu viens de me faire perdre cinquante dollars et quatre-vingt-dix cents...
- Ah, ah, c’est bien ce que je disais, se rattrapa piteusement Manuel Trèbon. Avec toi pas de chichis. Il faut être direct. Appeler un chat un chat et une patère, une patère.
- Cinquante et un dollars, égrena Donald Moumoute sur un ton de parcmètre.
Les genoux de Manuel Trèbon se frottèrent. Ils savaient (tout comme d’ailleurs le reste du corps composant l’individu) que le bonhomme pouvait raccrocher d’un instant à l’autre s’il estimait perdre son temps ou si une idée plus importante à ses yeux germait dans sa tête (comme par exemple refaire ses lacets ou manger une glace). Angéla Préquel en avait fait les frais plusieurs fois et cela lui avait donné un gros coup au moral. À chaque rencontre avec le président français, elle passait des heures à pleurer avant de signer le moindre accord. Un véritable boulet qui donnait envie de mettre un terme au rapprochement entre la France et l’Allemagne.
Contrairement à cette vieille mémère bonne pour la casse, Manuel Trèbon, lui, ne s’effondrerait pas. Il était en acier trempé et avait toujours obtenu ce qu’il avait voulu à force de pugnacité et de travail. Alors Moumoute pouvait raccrocher, il ne se découragerait pas !
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