"Il y a deux choses qui abrègent la vie : la folie et la méchanceté"

Ce n'est que la partielle expression de sieur Baltasar Gracian. En fait, il aurait dit : "Il y a deux choses qui abrègent la vie: la folie et la méchanceté de maman..."

D'ailleurs, ses quatre frères et lui-même embrassèrent une carrière ecclésiastique, ce qui en soi est un aveu ou, en tout cas, un indice à caractère fort.

C'est qu'en effet, madame Gracian n'en manquait pas, de caractère. La taloche était sa version faible de l'éducation à la morale, le coup de pied au cul une ponctuation courante de son propos et la mort une solution définive à un problème insoluble.

Monsieur Gracian, médecin de son état, manqua cruellement de finesse en épousant cette femme énigmatique, dont il prit l'expression hautaine pour de l'éducation et la chiche parole pour une bénédiction. Lui, que ses patients abreuvaient en permanence de leurs douleurs, ne désirait qu'une chose en posant son séant après une journée de lamentations : qu'"on le foute la paix et en silence je vous prie".

Alors cette femme ravissante (on peut lui laisser ça) au menton élancé et au silence épais convenait parfaitement à la vision de monsieur Gracian, d'une moitié acceptable dans un mariage (bien sûr que non, il ne l'a pas épousée coupée en deux, nous n'en sommes pas encore au développement de la folie).
Les épousailles étant une chose assez convenues, monsieur le docteur Garcian n'envisageait pas une union heureuse. Le statut et quelques enfants lui suffisaient pour l'étiquette.

Le dit-on aux femmes que l'accouchement est une chose HORRIBLEMENT DOULOUREUSE ?
Non, on édulcore, on tergiverse, on affirment que cela ne dure pas et que cela s'oublie... Qui est le Dieux sadique qui a pondu et condamné ma gente par tel adage : " Tu enfanteras dans la douleur" ? Mais quel CONNARD !

Je pense que madame Gracian a pété les plombs au premier curé qu'elle mit au monde. Et que dès lors elle se refusa à son époux sauf le jour de son anniversaire ce qui lui valu quand même cinq grossesses.
Au premier accouchement, elle dit "plus jamais, ça" au second "si ça recommence, je donne son congé la cuisinière et j'embauche un cuisinier de prison", au troisième " Retenez-vous sinon, au prochain je tue votre mère" (faute avouée... et puis elle était très vieille) et le menaçant au sujet d'une cinquième grossesse "C'est vous que je tuerai comme ça je serai sûre !"

Alors soit le docteur ne l'a pas crue, soit il était incapable de se retenir, mais dés qu'il fut évident qu'elle était enceinte, à la fin d'une nuit par ailleurs paisible, il ne s'éveilla pas et il périt s'étant suicidé en se tranchant la gorge. La veuve éplorée aurait alors dit ( huit mots qui resteront dans l'histoire) "Cela monsieur, vous ne l'avez pas volé !" (si l' ça compte : huit mots).

Là, la folie on y était ; réjouissez vous...
Et voici la méchanceté : à coup de claques, de coup de pied aux culs et d'index menaçant tendu vers le couteau de boucher, madame Gracian éleva ses fils dans la joie et la bonne humeur. C'est ainsi que chaque garçon, dés qu'il le pu, endossa l'habit. Baltasar quant à lui se sentant précairement en vie s'invita chez son oncle. Comme la formation de docteur est longue et fastidieuse (le gens se plaignent en permanence), la fratrie se destina à l'église, c'est à dire une confrérie sans femme, qui dans le cas de leur mère, garantissait que le diable n'était pas tout près.

Néanmoins deux d'entre-eux dialoguaient souvent avec, le Diable, il y en a même un qui a retranscrit une de ses conversations cornue et donné la lettre à Baltazarµ. Il devait la lire en chaire. Par jalousie on l'obligea à se rétracter et dire que la lettre était un faux...

Les deux frères de causerie, sans doute privé de raison, s'invitèrent en enfer de façon plutôt définitive en se suicidant.

Donc :

"Il y a deux choses qui abrègent la vie : la folie et la méchanceté" de maman.