chapitre 15 - Eva
Jay s'installe en face de moi le sourire aux lèvres. Qu'est ce que je ne donnerai pas pour lui enlever ce foutu air si content de lui. Il a toujours considéré les filles comme un jeu, comme le basket c'est la victoire, remporter le prix qui l'anime, la compétition. J'ai toujours voulu plus avec mes relations de couple, c'est pour ça que je n'ai jamais laissé mon cœur s'attendrir pour lui. Mais en cet instant où il me fixe avec cette fossette si craquante sur le visage, mon fameux petit cœur s'emballe dans ma poitrine. Un peu trop d'attention de Jay Miller et tous mes sens s'affolent. Un effet que je ne suis pas seule à subir, sauf que moi je le connais depuis suffisamment longtemps pour savoir à quoi m'en tenir.
- tu prends toujours une buffala, champignons, tomate ?
- tu n'as pas oublié ? demandé je surprise.
- non, me répond-il en fixant ses yeux noisette dans les miens. Il y a eu quelques soirs avec Q où on s'est rappelé nos moments passés ensemble.
- nos soirées fameuse pizza-TV...
- un film d'action pour une comédie romantique, affirme-t-il avec un pétillement au fond de ses prunelles chocolatées.
- j'ai dû faire valoir mes droits sur cette foutue télé et j'ai gagné.
- comme toujours.
- Je n'ai jamais rien obtenu de vous, vous étiez inséparables et entourés de groupies. La grande sœur n'existait plus.
- tu avais déjà ta bande d'amis, Éva, rétorque-t-il. Et c'est toi qui n'as jamais voulu de ton petit frère et son américain de copain parmi tes amis.
- quoi qu'il en soit quelque chose avait changé à cette époque, murmuré-je comme à moi-même en buvant une petite gorgée d'eau.
Le regard de Jay se pose sur moi, intense. Il avait ce regard certaines fois et j'aurai tout donné pour savoir à quoi il pense à ce moment-là.
- à quoi tu penses ?
- à rien en particulier.
- arrête de mentir, surtout pas à moi.
- tu sais ce qu'il s'est passé la dernière fois, dans ton appartement... l'agression.
- tu as vraiment envie de parler de ça ? Je le coupe d'un ton tranchant, lui faisant passer l'envie de continuer ce sujet brûlant.
- ok, soupire-t-il en secouant la tête, puis reprends plus sérieusement. Tu le connais bien ce type ?
- qui ?
- ce gars avec qui tu allais manger.
- pourquoi tu me poses cette question ? Je mange encore avec qui je veux !
- Éva, dit-il sur un ton doux. Il y a un cinglé qui te harcèle. Je m'inquiète beaucoup pour toi et ce type ne m'inspire pas confiance.
- Arrête Jay, Elio ne le fera jamais de mal et il n'est pas obsédé par moi. C'est mon collègue de labo, on bosse ensemble depuis que je suis arrivé et ici.
- tu le connais donc bien ?
- je le connais depuis trois ans, on se voit chaque jour de la semaine, alors oui ! On se connait bien.
Le regard étrange qu'il pose sur moi.
- crois-tu vraiment qu'il te connaît si bien que ça ? Il ne sait même pas tes goûts culinaires.
- parce que toi tu penses, me connaître ?
***
Jay.
ON se regarde quelques instants sans dire un mot, et on termine nos plats. Je la raccompagne jusqu'à son boulot toujours sous un silence pesant. Pitain ! Je ne veux pas la laisser comme ça. Au dernier moment je lui retiens le bras, son visage se tourne vers moi, les lèvres légèrement entre-ouvertes. Merde ! Elle est tellement belle ! Je veux juste goûter sa bouche, lui donner un baiser, mais quand nos lèvres se joignent c'est Éva qui me donne un baiser passionné. Je suis perdu. Je ne pourrai pas m'arrêter. Mes mains se baladent sur elle, nos langues se caressent. Je perds la notion du temps, du lieu où on est. C'est divin. Un raclement de gorge nous ramène à la réalité.
- tu vas être en retard, Éva, nous avertit la tête de con, collègue d'Éva.
Et toi tu as bouffé tes sushis seuls et ça te fait chier.
- tu as raison Elio, dit-elle a son ami. Je suis désolée Jay, mais je dois y aller.
Elle ne doit pas s'excuser pour ce baiser. Je la regarde s'éloigner de moi et rentrer dans l'immeuble. Quelque chose se serre à l'intérieur de moi, alors que je n'arrive pas à me détacher des silhouettes qui s'éloignent, ils semblent complices, Éva rie a une de ses blagues et lui met un coup d'épaule. Ils ont plein de choses en commun, ils bossent ensemble, ils se voient tout les jours et ce mec la fait rire. Peut-être que je me fais des idées à son sujet uniquement parce que je suis jaloux. Car oui, je suis terriblement jaloux de ce mec qui semble avoir pu accéder à une Éva que je ne connais pas.
Sûrement a-t-elle senti mon regard peser sur elle, car Éva se retourne et nos regards se croisent. La chose au fond de moi bouge bizarrement. Il faut que je me casse. Son pote lui prend le bras pour l'entraîner vers l'entrée, ses lèvres esquissent un mot, sa gorge se gonfle. Elle va dire quelque chose, je sonde son regard vert, putain ! Dis quelque chose ! Mais sa bouche se referme et elle se laisse guider vers l'enceinte du bâtiment.
Merde !
J'aurais tellement voulu qu'elle dise un truc, n'importe quoi que de laisser ça entre nous. Je serre les poings. Éva. Il faut que j'arrête de penser à elle, de toutes les filles, il faut que ça soit elle ! Elle qui me fasse perdre la tête, elle qui obsède mes pensées.
Je passe la journée, allongé sur le lit à regarder le plafond en réfléchissant qu’elle est la meilleure solution. Quand je regarde le réveil mural, il est plus de 19h00 et Éva n'est toujours pas rentrée. Ma poitrine se serre d'angoisse. Et si ce dingue l'avait chopé en rentrant de chez elle, non je ne dois pas penser à ça, je me jette sur mon téléphone, pas de message ou d'appel manqué. Tout en mettant ma veste, je lance un appel vers le téléphone d'Éva, je tombe directement sur la messagerie. Putain! Je claque la porte d'entrée et monte sur ma bécane. Réfléchis, je dois réfléchir. Son ex !
Quand je tambourine à la porte, je prie intérieurement pour qu'elle soit là et en même temps ça me fait chier. Si c'est lui le dingue qui la harcèle alors je ne suis pas sûr de pouvoir me retenir. Je frappe plus fort, ce con est sourd ou quoi ? La porte s'ouvre soudainement devant une beauté blonde avec un peignoir de soie couvrant à peine sa nudité. Elle me remarque et m'adresse le plus ravissant des sourires.
- bébé ! Je t'ai dit que je serai allé ouvrir, annonce l'ex d'Éva en apparaissant torse nu dans l'encadrement de la porte. Quand il m'aperçoit, son expression change littéralement. Qu'est ce que tu fous là toi ?
- je vois que tu es occupé, réponds-je un brin ironique. Tu devrais juste demander à ta copine de couvrir son cul quand elle m'ouvre à moins qu'elles veuillent qu'on fasse aussi connaissance.
Il serre la mâchoire et les poings. Je m'appuie contre l'encadrement de la porte et souris à la ravissante jeune fille, ses doigts glissent subtilement dans son décolleté pour l'ouvrir un peu plus. La tête de con l'attire à l'intérieur et pousse la porte derrière lui.
- tu veux quoi ?
- Éva, dis-je simplement.
- J'ai tourné la page mec, cette fille n'est plus rien pour moi.
- ce n’est pas parce que tu en baises une autre que tu as tourné la page et il y a un dingue qui la suit. Je veux savoir qui c'est, je réponds en l'empoignant par le col pour le coller contre le mur.
- ok! Ok! s'empresse-t-il de dire. Je n’étais pas là les deux dernières semaines. Mon billet est toujours posé sur la table d'entrée si tu veux le voir, et la fille qui t'a ouvert la porte en petite tenue est hôtesse de l'air. Baiser en altitude, c'est le pied mec.
Je le prends au col et le plaque contre la porte.
- t'as pas intérêt de m'entuber.
- pourquoi je te mentirais ? Je n’en ai plus rien à foutre d'Éva.
Je libère son t-shirt de ma poigne.
- Je n’accroche pas avec cette fille. Elle a un problème, elle ne jouit pas, dit-il dans un petit rictus.
L'idée qu'il ait posé ses mains sur elle me rend dingue. Je l’empoigne par le col et le plaque contre la porte.
- c'est toi qui va jouir connard, si tu parles encore une fois d'elle comme ça, je fixe quelques secondes son regard de pervers, histoire de m'assurer que le message soit bien passé.
- Éva ne m'a jamais parlé de toi, tu débarques d'où pour la protéger comme ça ?
Cette remarque me coupe temporairement le souffle. Éva ne lui a jamais parlé de moi.
- t'aurai peut-être voulu qu'elle hurle mon nom au pieu, mec ? Ne t'occupe plus d'Éva, ne l'approche plus, ok ?
- j'ai bien mieux à faire ici et je vais bientôt déménager. Un cabinet vétérinaire de Chicago m'a contacté. Je pars à la fin de mois.
Je ne réponds rien et tourne les talons, visiblement il faut que je cherche ailleurs.
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