Les marches

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Les os craquent souvent et peuvent même parfois se briser. Ce salon trop grand pour moi en est témoin. Il m'a vu bien portant, accueillir amis et famille. La chaleur qu'il y eût ici s'est éteinte depuis longtemps maintenant.

La télé emet un son que je trouve assourdi mais qui semble-t-il est toujours trop fort pour mes voisins. Les émissions aussi ont perdu leur éclat. Je m'endors devant qu'elles soient potentiellement intéressantes ou non. L'ennui est mon quotidien.

Mon seul plaisir, qui vient le briser est l'appel de ma pharmacienne, une fois par semaine qui me demande à quelle heure elle peut passer pour me délivrer le petit sachet en papier craft. Médicaments. Ce mot symbolise pour beaucoup, le fait d'aller mieux, d'être soigné. A moi, il ne me dit rien qui vaille. Chaque médicament est là pour contrecarrer les effets secondaires du précédent. Mais l'infirmière passe pour vérifier que je les prends. Je l'aime bien, mais elle me parle avec une voix si forte! C'est pour que je l'entende, mais elle en perd toute intonation naturelle. Elle veut m'apporter du réconfort mais j'ai à chaque fois l'impression qu'elle souhaite me vendre des poissons.

Salon, cuisine. Cuisine, toilettes. Toilettes salon. Cet endroit est ma prison.

Tout est organisé pour que je ne puisse en sortir.

Ce quatrième étage sans ascenceur en premier lieu. Cela ne me dérangeait pas outre mesure auparavant. Il y a combien de temps que cela me gêne d'ailleurs? Je ne saurais le dire. Les distances, le temps, tout est transformé quand on vieillit.

Tout ce quotidien m'aurait fait sombrer s'il n'y avait la petite jeune du 3e.

Elle prend de mes nouvelles tous les jours de la semaine. Elle a ce regard qui ne me transperce pas mais m'enveloppe et me sécurise.

Elle me ramène mes courses quand mon réfrigérateur est vide. Elle se pose régulièrement avec moi et me parle. D'une voix normale. Je n'entends rien bien sûr mais le naturel de son visage vaut plus que toutes les conversations artificielles qui me sont proposées chaque semaine.

Elle me prend la main, la petite jeune du 3e, et ce contact me rend mon importance, confirme mon identité.

Elle s'inquiète la petite jeune du 3e, elle n'aime pas ne pas avoir de mes nouvelles pendant trop longtemps.

Elle est seule la petite jeune du 3e. Ne le dites pas, mais je crois que ça la pèse. Mais il n'y a pas à s'inquiéter car si elle est là pour moi, de mon côté, je suis là pour elle moi, la petite vieille du 4e.

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