7 - Le monastère - 1/3
« Pour ceux qui aiment les belles histoires d’amitié, mais qui ont toujours peur pour l’heure ».
Je fis rouler le fauteuil du temple au monastère. Le bâtiment était immense et pouvait loger jusqu’à une centaine de personnes. Une trentaine de moines et moniales, ainsi que des gens venant y faire un séjour, retraite ou convalescence par exemple. À une époque, une garde défendait les lieux.
D’une architecture très simple, il était couvert de fresques peintes. Un grand parc clôturé l’entourait, accueillant en son sein de nombreux promeneurs. Il n’était pas rare d’y voir des religieux pousser un fauteuil roulant. Nous traversâmes ses allées du jardin jusqu’à la porte d’entrée.
On repérait les religieux à leurs robes de bure capuchonnées et ceinte d’une cordelette tombante jusqu’aux pieds. La seule distinction qui pouvait être faite pour distinguer leur position au sein du monastère résidait dans le nombre de nœuds : unique pour les novices, deux pour les frères ou sœurs, trois pour la prêtrise, quatre pour la grande prêtresse, responsable du couvent.
Un novice chargé de filtrer les entrées nous reçut aimablement et je demandai à voir la grande prêtresse. Il nous introduisit rapidement dans son bureau.
Comme le temple, le monastère n’avait rien de clinquant. Le bureau de la grande prêtresse ne faisait pas exception. La petite pièce, éclairée par une modeste fenêtre en bois était dotée d’une bibliothèque qui débordait d’ouvrages. Derrière une pile de dossier empilée sur un bureau, se tenait la grande prêtresse. Levant les yeux vers nous, elle nous fit signe de nous asseoir. Pour installer Grand-Papa, je retirai un des deux sièges réservé aux visiteurs pour y glisser son siège. Je pris l’autre.
Étant fidèle aux offices, je l’appelais par son prénom, mais par respect pour sa fonction et son âge, je la vouvoyais. Elle était assez corpulente, le visage affable d’une grand-mère.
— Bonjour Lucienne, pourrais-je vous parler un instant ?
— Bienvenue Margaux ! Bienvenue à vous Bernard, Quel courage de vous déplacer ainsi ! Je vous écoute.
— Bonjour Lucienne, Vous savez que je suis atteint d’un cancer généralisé et qu’on ne peut plus rien pour moi. J’aimerais avoir la chance de pouvoir finir mes jours tout près de la déesse, dans la prière. Serait-il possible que vous puissiez me louer une chambre ?
— C’est un plaisir de vous accueillir. Pas d’argent entre nous, vous avez toujours été généreux et serviable par le passé, il est naturel pour nous de vous accueillir gracieusement.
Nous la remerciâmes chaleureusement. Je lui expliquai les besoins relatifs à son traitement que je ramènerais avant la fin de la journée et lui demandai les horaires des visites pour moi et ma mère, mais la priai d’interdire l’accès à son fils.
— On lui donnera scrupuleusement ses tisanes, les prescriptions de Sarah sont toujours respectées à la virgule près. Les visites sont permises de huit à vingt heures. Si vous ne voulez pas de la visite de votre fils, c’est possible, nous filtrons les entrées. De toutes manières il n’est même pas initié au culte.
— Il faut que je vous dise. Grand-Papa minimise les choses, mais je crains que mon père ne veuille… lui faire du mal.
— Comment cela ? C’est incroyable ! Le bonhomme a sa réputation, mais tout de même !
— À la maison, il lui a déjà fait des menaces de mort, repris-je. Je pense que si ça ne va pas assez vite pour lui… Il tenterait quelque chose.
— Nous prêterons alors une attention particulière à ce point, je donnerai des instructions, soit sans crainte, Margaux.
Mon grand-père acquiesça et ce fut réglé. Lucienne fit appeler un moine pour le guider jusqu’à sa chambre.
— Je viendrai te voir tout à l’heure, Grand-Papa, je vais t’amenr de quoi te changer et tes tisanes.
Lorsqu’il fut parti, je me tournai vers la grande prêtresse.
Je devais encore régler une affaire qui me tenait à cœur.
— J’aimerais parler à la Novice, Éléonore Chouillard si c’était possible.
— Bien entendu, je vais la faire prévenir.
Elle décrocha un vieux téléphone posé sur le bureau et donna des instructions. Éléonore ne tarda pas à faire son apparition. La petite blonde au regard bienveillant et amical fut très surprise en me voyant. Nous sortîmes du bureau de la grande prêtresse. Il était dix-sept heures, j’avais juste le temps.
— Puis-je parler avec toi ?
Me connaissant Éléonore, était sur ses gardes, mais accepta de m’accompagner.
— Voilà, je voudrais m’excuser auprès de toi. Je me suis mal conduite. Je viens te demander pardon.
— Il me semble que je t’ai déjà pardonné, Margaux. Il y a bien logntemps.
Nous nous étions dirigées vers les allées accueillantes du jardin. Je fis amende honorable :
— C’est que… notre amitié me manque. Tu es une personne digne d’être appréciée et je n’ai pas été à la hauteur de ce qu’une amitié exige. J’ai été détestable.
Nous nous assîmes sur un banc.
— Ça va, me dit-elle, je veux bien parler à nouveau avec toi. Mais pas de blagues !
Un sourire se dessina sur mes lèvres à cette évocation.
— Promis, en tous cas, je n’en ferai plus à ton encontre. Parle-moi un peu de toi, tu es venue ici sans rien dire à personne. Tu es heureuse ?
— Oui, je suis heureuse ici. Je suis au milieu des livres, je cultive la tranquillité, les gens autour de moi sont agréables. J’ai trouvé ma voie. C’est ma mère qui m’inquiète. Je n’ai pas été correcte avec elle.
Ses yeux désignèrent le ciel avec un air de regrets.
— Toi, pas correcte ! C’est impossible, je t’ai connu toujours gentille et prête à venir en aide à tout le monde. C’est pour ça que ta vocation correspond avec le service de la Mère.
— Le problème, c’est que ma mère est proche du burn-out avec ses chèvres. Elle a un travail fou et m’avait demandé de l’aider. J’ai refusé en venant ici et je l’ai laissée seule avec tout ça sur les bras. Je n’arrive pas à me le pardonner, mais je sais que ma place est ici.
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